Aziz Akhanouch devra t-il revoir sa copie relativement au nouveau dispositif pour la collecte et la commercialisation du blé tendre ? La question n'est certes pas à l'ordre du jour, mais la conjugaison d'un certain nombre d'évènements risquerait de compliquer la mise en œuvre des orientations déclinées, le mois passé, par le département de l'Agriculture. Alors que la campagne agricole se déroule sous de bons auspices, en raison notamment des conditions climatiques favorables cette année, la commercialisation du blé tendre commence à inquiéter les négociants professionnels. D'abord au niveau national, les dernières pluies enregistrées, un peu partout, ont sérieusement impacté l'évolution des cultures. Selon un producteur, dans certaines régions du pays, la pluviométrie abondante a fait germer les graines alors qu'elles étaient au stade d'épiaison, ce qui laisse planer des incertitudes chez les paysans et les minotiers sur la qualité du blé, mais aussi sur la disponibilité des semences pour la prochaine campagne. Du coup, la production des 88 millions de quintaux attendue cette année, selon les statistiques des services d'Akhanouch risque d'être compromise. Sinon, c'est la baisse de la qualité du blé qui impactera le prix de vente. L'inquiétude a déjà gagné certains producteurs, qui commencent à écouler leur stock à un prix en-deçà de celui fixé par le ministère, qui est de 290 DH le quintal contre 280 auparavant. Une situation des plus dramatiques pour Akhannouch qui table sur la campagne agricole actuelle pour «booster» le secteur, en assurant une meilleure collecte et une commercialisation avantageuse pour les producteurs. Et comme les mauvaises nouvelles n'arrivent jamais seules, la sécheresse qui menace certains pays européens, dont principalement la France, laissent planer de sérieux doutes sur les futures importations marocaines de blé tendre. Inquiétudes à l'horizon La France est, en effet, l'un des premiers fournisseurs du Maroc en blé tendre. Selon les chiffres de l'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL), les importations cumulées de céréales ont atteint, à fin avril 2011, près de 58 millions de quintaux, en hausse de 55% par rapport au même mois de la campagne précédente, principalement à cause du blé tendre. Le Maroc a importé près des 2/3 du blé tendre et d'orge de France à la même période. Or, la France fait face actuellement à une sécheresse, sans précédent, qui rappelle celle de 1976. L'approvisionnement sur les marchés internationaux traditionnels n'offre pas assez de visibilité pour les importateurs. Il est vrai que des commandes ont déjà été passées il y a quelque mois, mais beaucoup d'exportateurs français estiment qu'il n'est plus possible de commercialiser les récoltes dans les conditions initiales. Le prix de la tonne de blé a déjà commencé à grimper sur les marchés internationaux. En effet, les pertes de rendement sont tellement importantes qu'elles obligent les producteurs français à jouer sur le prix pour espérer minimiser leurs pertes. La moisson française pourrait être l'une des plus mauvaises depuis dix ans, ont estimé certains analystes. À en croire les statistiques du cabinet Agritel, spécialisé dans la gestion du risque de prix sur les matières premières agricoles, «le rendement du blé à l'hectare devrait être amputé à l'été de 11,5% de la production nationale, l'équivalent de cinq millions de tonnes de blé dans l'ensemble des récoltes». C'est surtout la production destinée à l'exportation qui devrait être particulièrement affectée. Le directeur de l'agence Offre et demande agricole, Benoît Labouille, a indiqué sur la chaîne europe1, que «la première victime sera l'Afrique du Nord, qui importe 21 millions de tonnes de blé chaque année». De quoi provoquer des sueurs froides chez les importateurs, qui restent suspendus à l'évolution de la campagne agricole au niveau des pays européens, mais également au niveau des autres marchés fournisseurs où la situation n'est pas également des plus reluisante. Les perspectives prometteuses que laissaient présager la campagne agricole risquent de virer donc au cauchemar alors que jusque-là, les professionnels disaient n'avoir aucune visibilité, sans toutefois sombrer dans la polémique.