Le deal a été largement ébruité. L'opérateur français France Telecom-Orange s'apprêterait à faire son entrée dans le capital de Méditel. De sources concordantes, l'officialisation de ce rapprochement devrait intervenir d'ici peu. D'ailleurs, le directeur exécutif du groupe français, Marc Rennard, s'est déplacé en fin de semaine passée à Casablanca «pour finaliser l'accord d'acquisition», selon la presse française. Sauf surprise de la part de l'opérateur émirati, Etissalat, qui a dernièrement relancé son offre sur Méditel, les contours du deal semblent déjà digérés par le marché. Il s'agirait d'une prise de participation de 40% de France Telecom dans le capital de Méditel. Economies d'échelle Le ticket d'entrée est évalué à 650 millions d'euros (7,2 milliards de dirhams), un prix jugé plausible par des analystes cités récemment dans la presse française. Les regards se tournent à présent vers la portée stratégique d'un tel rapprochement. Pour Méditel, il tomberait à point nommé. Depuis le rachat intégral par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et Financecom, du capital de Méditel il y a un an, l'opérateur cherche à adosser à un opérateur télécoms d'envergure mondiale. L'objectif étant de gagner en termes de synergies, de savoir-faire et d'économies d'échelle, notamment pour les équipements d'infrastructures. Certes, l'opérateur est celui qui a profité le plus de la baisse des parts de marché de Maroc Telecom intervenue ces derniers mois puisqu'il s'est accaparé plus de 60% des parts délaissées par le leader. Mais cette politique a un coût. Face à une concurrence accrue, Méditel est contraint de sacrifier ses niveaux de marge aux dépens d'une stratégie commerciale expansionniste. Cela ressort bien au niveau de l'Arpu (le revenu annuel moyen par client) de l'opérateur qui a régressé de 20% durant le 2e semestre 2009. À en croire les analystes français, cette situation serait intenable pour Méditel à moyen terme. «Par conséquent la progression de ses parts de marché devrait se stabiliser voire baisser lors des prochaines années», relatent les analystes d'Attijari Intermédiation dans une récente analyse. Le phénomène risque même s'accélérer avec l'entrée en lice du troisième opérateur Inwi. La montée en puissance opérée par ce dernier sur le marché du mobile suite au récent lancement de l'offre Inwi «impacterait plus Méditel que Maroc Telecom», relatent les analystes d'Attijari Intermédiation. En effet, les clients acquis récemment par Méditel seraient tentés de privilégier le facteur prix, ce qui les pousse à changer d'opérateur en fonction des conditions offertes. Les analystes soutiennent que le risque d'une déperdition de clientèle au profit du nouvel entrant est réel. Une alliance avec un géant de la taille de France Telecom apparaît donc comme la meilleure solution pour prévenir contre une éventuelle régression de la part de marché de Méditel, estimée à 37% en juin dernier. France Telecom est rôdé à la confrontation contre l'actionnaire de référence de Maroc Telecom, Vivendi, en terres africaines. Si le deal aboutit, Méditel s'adjoindrait les services d'un allié de poids pour réorienter sa stratégie commerciale. Il va sans dire que France Telecom a également beaucoup à y gagner. L'opérateur est résolu à doubler son chiffre d'affaires dans les pays émergents d'ici à 2015. Et il devrait trouver dans le marché marocain un terreau fertile pour parvenir à cela. La success story de Vivendi avec Maroc Telecom l'en convainc bien assez. L'opérateur historique a réalisé en 2009 une marge opérationnelle de 45% à comparer aux 19,5 % de SFR, la filiale telecom de Vivendi en France. Ceci alors que Maroc Telecom est quatre à cinq fois plus petit que SFR. Les télécoms gardent leur attractivité L'attrait du marché national pour France Telecom est d'autant plus grand que la perspective d'une guerre des prix est écartée de fait, de l'avis concordant des observateurs. Mais même si cela devait arriver, le Maroc ne perdrait pas de son attractivité. Malgré un moindre pouvoir d'achat et en dépit d'une capacité ténue de fidélisation de la clientèle, à lier à la prédominance des produits prépayés, les niveaux de marge restent intéressants. Une raison à cela : les opérateurs déploient des services encore simples. Ils n'ont donc pas les mêmes coûts de système d'information ou de plateforme de services qu'en Europe. Dans tout cela, c'est l'ensemble des cartes du secteur national des télécoms qui seront rebattues, ce qui n'ira pas sans avantages certains pour les clients.