On croise sa réputation bien avant elle! Layla Triki fait, en effet partie de ces femmes à la fois douces et fortes, taciturnes et bavardes. C'est d'ailleurs l'image que ses anciens camarades à l'ISADAC (Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle) gardent d'elle. Mais lorsqu'il s'agit du travail, Layla se métamorphose. Véritable passionnée, elle est prête à tout faire pour aller jusqu'au bout de son idée, de son rêve. Justement, n'a-t-elle pas réussi à concrétiser son rêve, celui de mettre en scène une épopée fantastique 100% marocaine ? Cette trentenaire a réalisé le feuilleton «L'Etranger», diffusé à partir de mercredi sur Al Oula, introduisant un nouveau concept et un nouveau style de production télévisuelle dans notre pays. «L'idée de faire une épopée fantastique marocaine m'a effleuré l'esprit il y a longtemps. La mettre en place n'a pas été chose facile, au contraire, cela a nécessité de longues années de travail en amont. Aujourd'hui, je peux vous dire que cette série constitue une tranche de ma vie», précise-t-elle. Mais d'où vient cette volonté implacable d'aller au bout de ses rêves ? Tout a commencé lorsque la jeune Layla réussit à convaincre ses parents d'entamer une carrière artistique. Lorsqu'on est fille de banquier, cette entreprise s'avère complexe, très complexe. «Entamer une carrière artistique était complètement inconcevable pour mes parents. Pour eux, le métier n'est pas du tout sûr», se rappelle Layla. Bac en poche, la jeune r'batie intègre, au début, l'Ecole des sciences de l'information (ESI). Déçue, elle décide par la suite d'intégrer l'ISADAC. Elle passe donc le concours et le réussit. Mieux, elle arrive même en tête de liste des candidats retenus. Pour une jeune bercée dans une ambiance artistique depuis toujours, faire du cinéma était quelque chose d'existentiel. «Je ne me voyais faire quelque chose d'autre... l'art et le cinéma représentaient tout pour moi... d'autant plus que durant mon enfance, j'ai appris le solfège et le piano, de plus je fréquentais tout le temps la salle de cinéma de mon quartier Agdal où j'ai découvert les bijoux du cinéma mondial». Comédienne ou réalisatrice ? Nous sommes en 1994. Layla est bel et bien étudiante à l'ISADAC. Elle découvre donc les textes des grands dramaturges, les métiers du théâtre, du cinéma... Mais quelle option choisir : l'actorat ou la réalisation ? Elle opte tout au début pour la comédie, cependant elle découvre que son point fort est loin d'être l'interprétation. «J'avais un petit faible pour le dessin, la sculpture, la lumière... la scénographie me parlait». Ce n'est pas d'ailleurs pour rien que son travail de fin d'études soit consacré à «La lumière et les volumes dans Faust». Une recherche remarquable qui lui permet de sortir major de la 9e promotion de l'ISADAC. Diplômée, elle vit pourtant une période creuse où il fallait se poser une question déterminante : que faire désormais? «Mon objectif était de poursuivre mes études à l'étranger, malheureusement, je n'ai pas réussi à trouver de bourse», précise Layla avec amertume. Elle décline donc une offre d'études à l'université de Boston, aux Etats-Unis et décide de commencer sa carrière dans son pays natal. Résolue à faire de la réalisation, elle intègre les plateaux de tournage, côtoie les grands réalisateurs internationaux, fournit un grand effort pour ne pas décevoir. Elle travaille au début en tant que set-decorator dans le film «Spy game» de Tony Scott, tourné au Maroc et plus tard, dans le département «accessoires», dans le célèbre «Kundun» de Martin Scorsese.«Fille de terrain», elle est recrutée en tant qu'assistante-script et script respectivement dans «Ali, Rabia et les autres» d'Ahmed Boulane et «Ali Zaoua» de Nabil Ayouch. En 2004, elle devient assistante-réalisatrice de Jilali Ferhati dans le film «Mémoire en détention», lauréat du grand prix du festival international du cinéma méditerranéen de Tétouan en 2005. Assoiffée de savoir, elle complète son expérience professionnelle apprise sur le tas, par une formation à l'Ecole supérieure des métiers de l'image et du son de Paris.Entre temps, elle avait déjà réalisé son premier court métrage «Chapelet». Un film qui a remporté de nombreux prix, notamment le «Cinit ciemme» décerné par une association culturelle étroitement liée à la Mostre de Venise. Elle se lance dans une carrière «TV» en réalisant le téléfilm Jabarou, puis elle passe à la réalisation d'une série «Maria Nessar», diffusée sur Al Oula. Bref, la jeune réussit à s'imposer et devient l'une des réalisatrices femmes, aux côtés de la célèbre Farida Bourquia et de Fatima Boubekdi, qui font le bonheur des téléspectateurs marocains. Le feuilleton «Al Abriae» la confirme en tant que réalisatrice talentueuse. Aujourd'hui, «L'Etranger», qui a nécessité de gros moyens de production, sera sans aucun doute, une autre preuve du talent de Layla. Mais à quand un premier long métrage ? Fatima-Ezzahra Saâdane