Moins ambitieux pour les politiciens mais plus réaliste pour les économistes, le projet de loi de finances 2012, comporte plusieurs lectures et autant d'interprétations possibles. Une certitude qui fera l'unanimité, tout de même, Nizar Baraka devra s'attendre à une véritable volée de bois vert de la part des parlementaires. L'opposition n'aura aucun mal à mettre en avant, des prétentions au rabais, en comparant les principaux indicateurs déclinés dans le projet et les promesses électorales faites par le PJD d'abord, puis la déclaration de politique générale du gouvernement. Avant même sa présentation, le décor était planté : «Nous serons là pour alerter l'opinion publique que le gouvernement est en train de reculer» avait confié aux Echos quotidien, le jeune député du PAM Mehdi Bensaid, Il y a de quoi, au regard des espoirs inspirés par la nouvelle Constitution et amplifiés par l'arrivée à la tête du gouvernement d'un parti, qui depuis sa création a siégé dans l'opposition et est donc rompu aux critiques. Ce qui est sûr, d'une manière générale, c'est que la loi de finances 2012 ne diffère pas beaucoup de celle de 2011, même si le nouveau gouvernement avait jugé utile de prendre le temps nécessaire pour apporter quelques amendements à celle déposée par le précédent Exécutif. «Malgré ce qui a été dit précédemment, on ne peut pas en 2012 ne pas annoncer la couleur du nouveau gouvernement», expliquait le ministre du PJD, Mohamed Najib Boulif, chargé des Affaires générales et de la gouvernance. Retrouvailles entre «vieux alliés» Le contexte économique international pourrait, éventuellement, servir de prétexte pour Baraka, afin d'expliquer les raisons de «ce recul», mais pas aux yeux de l'opposition, dont plusieurs des composantes (RNI, USFP, ...) siégeaient dans la précédente équipe. L'ancien ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, qui entre-temps est passé dans le camp de l'opposition, avait d'ailleurs souligné qu'il attendait de voir «comment le nouveau gouvernement allait s'y prendre pour concrétiser ses ambitieuses promesses». Une déclaration qui sonne comme une mise en garde pour celui qui, quatre ans durant, s'est conformé au rituel annuel de la préparation, de l'explication et de l'exécution de la loi de finances. Autant dire des retrouvailles entre «vieux alliés» qui ont, entre-temps, changé de camp. Un tableau qui met en exergue deux personnalités bien en vue et très attendues, Baraka, qui fera office de ministère public et Mezouar, dans le rôle de l'avocat de la défense. Benkirane saura apprécier ! Entre les promesses électorales du PJD, cellles de la gouvernance de la coalition et de la loi de finances, les observateurs avertis ne manqueront pas de déceler la touche Baraka, sur qui repose désormais le soin de les porter devant les parlementaires et de justifier les options prises ainsi que le résultat attendu. Le projet est à tous points de vue l'œuvre du ministre istiqlalien, lequel dirigeait les Affaires générales et économiques avant d'atterrir à la tête du département des Finances. Pour dire qu'il maîtrise bien le dossier, dont il a la charge aujourd'hui et qu'il devrait justifier en mettant en avant la nécessité de concilier les impératifs imposés par la conjoncture économique et les ambitions des 4 partis politiques, qui composent la coalition gouvernementale. Avant d'être une loi du gouvernement Benkirane, la loi de finances 2012 est donc plus une loi de Baraka, dont l'empreinte ne fait aucun mystère au vu des priorités fixées et des hypothèses de travail retenues. S'il y a une chose que Baraka redoutera le plus durant toute la durée de la session budgétaire, c'est certainement les assauts de ses anciens alliés du RNI et de l'USFP, qui composent l'ossature de l'opposition et qui connaissent mieux que ses affidés de la coalition gouvernementale, les arcanes et les coulisses de l'élaboration des lois de finances. Dire que Baraka aura du pain sur la planche, c'est assurément, faire de la métaphore. Si l'on comprend par là les raisons de la définition des priorités, qui s'inscrivent pour l'essentiel dans le sillage des dispositions majeures déclinées par la nouvelle Constitution, on comprend moins pourquoi le gouvernement Benkirane avait pris plusieurs mois pour décliner un texte qui, au final et à défaut de véritables surprises, n'est qu'une adaptation du texte déposé par Mezouar. Il y a eu bien sûr des inclinaisons pour plus d'impacts sociaux et la concrétisation de certains projets, principalement des fonds de solidarité, mais cela sera-t-il suffisant pour imprimer le changement voulu par la nouvelle équipe ? Pas si sûr et Mezouar aura l'occasion de faire une mise au point avec son successeur sur plusieurs aspects de l'actuel projet de loi, dont il peut, en outre et à juste titre, se gargariser de la paternité. Reste à savoir comment les deux personnalités sauront s'y prendre dans les méandres des calculs politiciens où chacun misera sur le soutien de son camp...