«Cette session sera déterminante pour la définition de la prochaine carte politique du pays, et c'est, d'ailleurs là, un de ses principaux enjeux», nous confiait, récemment, la députée socialiste (USFP), Saloua-Karkri Belkéziz ( www.lesechos.ma), à la veille de l'ouverture de la session extraordinaire du Parlement, qui se tient depuis le début de la semaine. Le message est on ne peut plus clair et les évènements qui se déroulent, parfois en coulisses, au sein de l'hémicycle sont en train de le corroborer. D'ailleurs, il ne peut en être autrement, si l'on tient compte des concertations et sorties médiatiques qui ont précédé ces assises destinées à adopter, les nouvelles lois électorales, en prélude aux législatives du 25 novembre prochain. En effet, le véritable enjeu des lois électorales est justement de préparer le prochain scrutin. «Le débat sur les lois électorales n'est jamais innocent», nous confie un politologue. Cette position prouve que les débats houleux qui se tiennent actuellement, principalement sur l'élection des membres de la Chambre des représentants et qui ont mis en lumière l'échec de l'approche consensuelle prônée par le gouvernement, ne témoignent en clair que de la guerre de positionnement que se livrent les partis politiques. C'est une bataille dans laquelle certains ont décidé de ne pas s'aventurer seuls, afin de s'assurer un maximum de chances de faire entendre leurs voix. C'est en ce sens que sont apparus les premiers signes d'alliances entre partis politiques, prélude à une reconfiguration politique sur la scène nationale. L'annonce par quatre partis de faire front commun sur certaines questions et activités, le RNI de Salahedinne Mezouar, le MP de Mohand Laenser, le PAM de Cheick Biadillah et l'UC de Mohamed Abied, a été perçue d'un mauvais œil par certains adversaires politiques qui ont vu là une manœuvre électorale déguisée, ce dont se défendent les principaux concernés, à des degrés différents, il est vrai. Le regroupement a été qualifié de «contre-nature» au regard de la provenance des partis qui le composent, le RNI et le MP encore membres de la coalition gouvernementale et le PAM et l'UC, de l'opposition. Ce qui dérange, au niveau de certains partis comme le PPS, «c'est l'inopportunité d'une telle alliance, de la part de partis membres d'une coalition gouvernementale encore en activité», précise le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah, qui reconnaît toutefois qu'une telle initiative est «à saluer, dans la mesure où elle permettra de clarifier le champ politique national». C'est, d'ailleurs, ce qu'attendent les formations à travers ces jeux de chaises musicales politiques au niveau du Parlement : l'émergence de blocs cohérents qui structureront la scène politique nationale autour de programmes clairs et d'objectifs communs. Les scénarios probables À l'heure actuelle, il est difficile de plancher sur les cas probables d'alliances qui seront bâties, avant ou après le 25 novembre. Mais deux pôles se profilent à l'horizon, celui dit libéral, constitué du RNI, du PAM, de l'UC et du MP, qui semblent bien avancés pour faire front commun, et le pôle socialiste qui peine à se former, mais dont les tractations se poursuivent. À côté de ces deux positions, clairement affichées, on retrouve la Koutla, la veille dame, mais qui n'a pas encore rendu l'âme. La coalition constituée de l'Istiqlal, du PPS et de l'USFP pourrait, constituer une alternative pour le parti de Nabil Benabdallah et celui de Abdelwahed Radi, en cas d'échec de l'unification du bloc de gauche, issue qui paraît, de plus en plus, probable. C'est une occasion que guette le PJD de Abdellilah Benkirane, pour s'allier avec la Koutla, «seule alternative crédible pour notre parti», selon un membre du bureau politique du parti de la lampe. Ce qui est sûr, c'est, qu'au regard des positions affichées de part et d'autre, rien n'est encore sûr, à moins de deux mois des élections. Tout est possible en politique, comme certains partis le soutiennent pour justifier leur prudence dans la conclusion d'alliances pré-électorales. Pourtant, c'est l'occasion ou jamais de donner un signal fort à l'opinion publique sur la maturité des partis politiques. L'avantage de la constitution de blocs politiques, est, en effet, de nature à clarifier et à rationaliser le champ politique et donnera plus de visibilité aux électeurs. Néanmoins, il faudrait pour cela, que ces regroupements se déclinent en véritables alliances, réunies autour de programmes politiques communs et non pas d'alliances de circonstances, chose qui n'est pas encore gagné d'avance. Petits calculs politiciens En effet, c'est là où le bât blesse ! Techniquement et constitutionnellement, «ces alliances préélectorales n'ont aucune valeur dans la perspective des élections du 25 novembre», fait remarquer un consultant politique, qui s'appuie sur les dispositions de la nouvelle Constitution et le système politique pour étayer sa thèse. Celle-ci, dispose, en effet, dans son article 47 que «le roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants et au vu de leurs résultats». Du coup, c'est à la formation arrivée en tête des élections qu'incombe la responsabilité de constituer et d'animer la majorité gouvernementale. Cette disposition, qui occulte les unions ou coalitions des partis, pose le problème de la stabilité des institutions gouvernementale et législatives. Les alliances conclues avant les élections peuvent donc servir au cas où elles disposeraient de la majorité. À défaut, des consultations devront être menées en amont pour élargir les alliances, afin que le gouvernement puisse disposer d'une base solide. C'est pourquoi les partis politiques actuellement représentés au Parlement convergent pour la plupart à insister sur l'élévation du seuil électoral de 3% selon la proposition de loi déposée par Cherkahoui, à 6%. Cette alternative amoindrira ou plus, privera, d'office, «les petits partis» de figurer au niveau du Parlement, mais aura l'avantage de limiter «la balkanisation du champ politique». Cependant, relativise notre analyste, ces alliances donneront plus de visibilité à l'action politique et seront perçues comme un symbole, chose qui sera de nature à plaider pour l'engagement des partis à rationaliser le champ politique. C'est pourquoi le véritable enjeu ne se réduit pas à des candidatures électorales communes, mais à des programmes politiques collectifs sur la base de visions clairement définies. Cela se traduira par un engagement pour chaque formation politique à respecter son appartenance en cas de victoire comme de défaite. C'est justement ce risque qui semble causer la plus grande inquiétude de nos hommes politiques, à cheval entre nécessité et opportunité. Des faux calculs politiciens, en somme, attendant le jour J... L'Istiqlal et le PJD en faiseurs de rois Ce sont les deux partis qu'on n'entend pas beaucoup dans les débats actuels sur les alliances politiques. Certes, l'Istiqlal est encore membre de la Koutla et le PJD tient régulièrement des rencontres avec cette dernière, mais cela reste encore dans le cadre des consultations politiciennes. Les deux partis qui figurent, pourtant, au rang de favoris pour les prochaines législatives disposent de sérieux arguments sur lesquels ils s'appuient et qui justifient peut-être «leur sérénité de façade». À moins que la Koutla ne se réveille et ne s'allie avec le PJD, aucun des deux pôles en gestation ne peut à l'heure actuelle se prévaloir d'une majorité solide. De plus, les deux partis sont de nature à pouvoir balancer, dans l'un ou l'autre des camps, sauf pour le PJD qui «exclut toute alliance avec le PAM», donc avec un pôle dans lequel se trouverait le Parti du tracteur. Du coup, les deux partis qui disposent, chacun d'une base assez solide, peuvent attendre plus de visibilité et pourquoi pas l'après 25 novembre, pour se positionner. Cela leur permettrait, à coup sûr, de pouvoir siéger au bon côté, même au cas où ils ne seraient pas à la tête de la majorité...