C'est une semaine caniculaire qu'a vécue la péninsule ibérique, résultat des frictions entre le Maroc et son voisin du nord. Le blocus imposé jeudi à Mélilia par des activistes appartenant à des ONG locales de Nador et Tétouan a laissé perplexe les Espagnols, persuadés qu'il s'agit d'une énième «provocation» du gouvernement du Maroc, par le biais des auteurs du blocus, décrits comme les pantins du régime marocain. Les chaînes de télévision ont dépêché leurs correspondants sur le poste frontalier de Beni Ansar dans le but de transmettre en direct la souffrance des habitants de Mélilia, à court de denrées alimentaires vitales comme les légumes, les fruits et le poisson marocain. À l'initiative du Comité national pour la libération de Sebta et Mélilia, ces activistes ont interdit le passage aux camions qui approvisionnent l'enclave. La protestation qui a duré jusqu'aux premières heures de l'après-midi a porté ses fruits puisque Mélilia est devenue le centre de l'actualité en Espagne. Selon des journaux ayant recueilli le témoignage des organisateurs de ce blocus, les activistes ont agi de leur propre chef, sans aucune instrumentalisation de Rabat. Fait contesté par les responsables du gouvernement à Mélilia, lesquels voient dans cette action de protestation, la complicité du gouvernement marocain. D'ailleurs, comme l'a ouvertement déclaré le maire-président du gouvernement de Mélilia, Rabat tire les ficelles de cette action et aurait pu sommer les manifestants à mettre un frein à leur coup de gueule. Conséquence de ce blocus, les échoppes ont été contraintes de fermer tôt et les poissonniers ont écoulé quelques marchandises datant de la journée précédente ainsi que des produits congelés. La grogne des activistes marocains a fait le bonheur des bouchers sur lesquels la population s'est ruée pour s'approvisionner. Un climat de tension régnait sur la ville comme le décrivait les images des caméras. L'un des marchands affectés a souligné que ces actions affectent aussi bien les commerçants de Mélilia que les fournisseurs marocains puisque ces derniers ne trouveront pas preneur à leurs marchandises au prix proposé par les négociants de Mélilia. Un représentant de la communauté musulmane à Mélilia a fustigé le boycott commercial de jeudi vu qu'il porte préjudice aux musulmans de l'enclave en les privant de marchandises indispensables durant ce mois de ramadan. Appel au calme Si certaines voix se sont élevées pour faire acheminer les vivres de la péninsule en vue de mettre fin à cette tentative de blocus, les habitants de Mélilia préfèrent plutôt sa fin. Les produits en provenance du Maroc, comme la tomate par exemple, coûte 0,40 euro le kilo au lieu de 1,50 euro pour sa rivale espagnole. Les deux riverains sont conscients de l'intérêt que représente chaque partie pour l'autre. Malgré ce climat tendu, des centaines de personnes originaires de Mélilia ont traversé la frontière en direction du Maroc pour un week-end sur les plages dorées du nord. D'autres actions de boycott seraient prévues cette semaine. Au programme, un blocus des camions acheminant le ciment et les produits de construction et l'interdiction de passage aux femmes assurant le ménage dans les foyers au sein de l'enclave. Les appels au calme lancés par le gouvernement on été peu suivis voire ignorés. L'opposition chauffe les foules à blanc et s'en prend au gouvernement, malgré les sorties rassurantes des responsables du gouvernement, lesquels s'efforcent à mettre en exergue la «solidité des relations hispano-marocaines». Lundi, le porte parole du gouvernement conservateur de Mélilia, a indiqué que le ministre de l'Intérieur espagnol, lequel est attendu par son homologue marocain le 23 août, devrait demander des explications au gouvernement marocain et non les donner. Le porte-parole a exhorté Alfredo Rubalcaba à réaffirmer, devant le gouvernement du Maroc, que les forces de l'ordre sont «démocratiques dans leur démarches». D'ailleurs, le ministre de l'Intérieur espagnol avait soutenu ses hommes en affirmant qu'ils accomplissent scrupuleusement leur travail. Mélilia espère que le ministre de l'Intérieur effectue une visite au territoire avant de se rendre au Maroc. Dans une surenchère politique et surtout électorale, le responsable de l'organisation du Parti Populaire devait se rendre mardi à Mélilia pour se réunir avec son compagnon du parti, le maire-président de Mélilia. Une démarche visant à décrédibiliser le gouvernement de Madrid. Dénigrement tous azimuts Une chose est sûre, les dernières tensions ont mis à nu le caractère «morophobe» de la société espagnole. Une panoplie d'insultes aux connotations racistes à l'encontre du Maroc et de son régime fleurit sur les colonnes des journaux de droite. Le chroniqueur de la Razón, José Maria Marco, un écrivain proche du PP, s'est lancé dans une diatribe où il a ouvert directement le feu sur le Maroc. «Sebta et Mélilia sont utiles pour le régime car elles lui permettent d'apaiser les tensions internes dont il pâtit», écrit-il. Toutefois, il appelle tout de même à garder de bonnes relations avec le Maroc, considéré, à ses yeux, comme un rempart contre le terrorisme, le trafic de drogues et l'immigration clandestine. Ce discours fait dire au parti socialiste que le PP tente de rééditer la crise de l'ilot de Leila avec le Maroc en adoptant des positions de confrontation. Si le parti au pouvoir insiste sur sa capacité à mettre fin à ces tensions entre les voisins par voie diplomatique, le Parti Populaire campe sur ses positions d'antan, en insistant sur le devoir du gouvernement à agir avec fermeté aux «agitations » du Maroc. Quant aux dérapages de la police espagnole, il ne s'agit guère de «racisme» mais plutôt de «machisme» de la part de Marocains «rétrogrades», déniant l'autorité des femmes policières, se défend le syndicat de la police. nationale de Mélilia. Le Comité, protagoniste de l'actualité cette semaine, a répondu à sa manière à ces déclarations en plaçant sur les clôtures séparant les deux frontières, un photomontage où apparaissent des femmes de la Guardia Civil, au-dessous d'un camion-poubelle et une main tachetée de sang.