Des premiers marins aux derniers corsaires de Salé s'est dessinée une longue histoire de la ville, qui depuis ces temps reculés, se dissipe sous le poids de l'oubli. Et puis, chacun à sa manière, par la littérature, les écrits, les mémoires, relate la vie des corsaires de Salé, notamment au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. Très proche dans le temps mais fort d'une portée historique et ludique, «Karacena» (origine arabe du mot «corsaire») est venu, a vu et a prévalu. Depuis 2005, la biennale des arts du cirque et du voyage, engagée dans une démarche de production solidaire et de cirque équitable, a créé un rendez-vous artistique inédit pour la ville. Et partant, c'est un tremplin en long et en large pour la création artistique des arts vivants qui y voit le jour. «Créér et transmettre» sont les mots d'ordre de la biennale, qui affirme apposer sa marque autour de cet engagement afin qu'une médiation unique entre artistes, ville et habitants s'y installe. Après trois éditions où la rue devient le théâtre géant du travail de de très nombreuses petites mains, vouées à une démarche de production solidaire et équitable, la dernière en date a pris fin la semaine dernière, du moins pour le côté matériel de l'événement. Parce que Salé continue à entendre l'écho retentissant d'une biennale pas comme les autres. Après «Les enfants du Bouregreg», où le fleuve a été investi comme scène de la biennale, cette dernière édition a dansé avec les fous. Inspirés par le glorieux passé corsaire de la cité salétine, les différents spectacles ont eu lieu cette année dans le cadre grandiose des remparts de Salé. Les borjs et les fortifications n'étant pas en reste, ils ont été scénographiés pour la biennale le long de l'océan. Avec trois créations, une vingtaine de représentations , plus de 120 artistes internationaux, 16 résidences de création de janvier à juin 2010, des chantiers de construction scénographique et des ateliers de création de costumes, tout cela ajouté à un programme de masterclass de création vocale, de danse contemporaine et scénographie urbaine. La biennale a utilisé des ressources matérielles atteignant 7,5 millions de DH, afin que tout le monde danse avec les fous. Il y a quatre ans de cela... Fondée à l'origine sous l'égide de l'AMESIP, l'Association marocaine d'aide aux enfants en situation précaire, présidée par Touraya Bouabid, Karacena existe aujourd'hui en tant qu'association indépendante et défend l'idée de l'exigence artistique accessible au plus grand nombre. Par production solidaire, toutes les scénographies, nouvelles pour ce cru ou reconduites, font appel aux gestes artisanaux traditionnels et proposent une projection contemporaine. Décors, costumes, agrès de cirque et accessoires sont fabriqués in-situ, combinant savoir-faire des mâallems, transfert de ce savoir-faire aux apprentis et vision artistique commune. Plus on est de fous, plus on danse! Ainsi, Karacena a impliqué dans le travail scénographique de ce cru la coopérative de femmes de Sidi Moussa, le centre d'apprentissage de Crystal Martin Maroc et bien des entreprises des quartiers industriels tels que Sbihi et Racif à la cité des corsaires même. Une autre place de choix se penche sur le cirque lui-même, en le rendant équitable par le développement de formations artistiques dans maints domaines reliés aux arts du cirque, du jeu, de la voix, du mouvement et également de la scénographie. Une femme férue du travail social Tout ça grâce à l'investissement de Touraya Bouabid, présidente de Karacena. Cette femme militante est engagée dans différentes actions puisqu'elle fonde et préside de 1988 à 2000 l'association marocaine d'aide aux tuberculeux. Elle est vice-présidente de l'association Ikram pour la distribution de denrées alimentaires pendant le ramadan et bien d'autres actions humanitaires. En 1996, elle fonde et préside l'Association marocaine d'aide aux enfants en situation précaire et contribue au développement de nombreux centres. Des ambitions, elle en a à revendre et pour Karacena, elle veille d'arrache-pied à la création d'un lieu de fabrication et de transmission et d'une plateforme artistique durable qui s'inscriraient dans la double dynamique du développement culturel de la ville et de l'objectif Salé ville verte. Chapeau bas !