Feu Abdelaziz Meziane Belfqih a toujours veillé à l'indépendance de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) contre toute pression d'ordre économique ou politique. Comment faire autrement, lorsque l'on sait que ce conseiller du Roi pas comme les autres était l'architecte et l'artisan de tout le dispositif de libéralisation du paysage audiovisuel. Aujourd'hui, plus de deux mois après sa disparition, peu de personnes dans le cercle du pouvoir peuvent se prononcer sur l'ère après Meziane Belfqih. Ce qui est certain, c'est que plusieurs personnalités influentes, dont notamment des conseillers du Roi, se verraient bien en légataires du dossier de l'audiovisuel. Pourquoi un tel intérêt ? Pour une multitude de raisons : d'abord parceque le chantier de la réforme en est encore à ses premiers balbutiements et donc que tout reste à faire, ensuite, en raison des enjeux économiques, politiques voire socioculturels qui en découleront inévitablement ... Bref, le dossier attisant toutes les convoitises, sa gestion devra être menée avec beaucoup de doigté. Une rupture est nécessaire C'est le choix de la personnalité qui déterminera l'avenir du paysage et tracera les contours d'une approche nouvelle. La mission est d'autant plus délicate que l'empreinte de feu Meziane est palpable. Son successeur n'aura pas la tâche facile. La question de la relève est donc posée avec acuité. Les observateurs avisés estiment qu'il est temps de marquer une rupture dans la gestion de ce dossier tout en capitalisant sur les acquis... Et des acquis, il y en a! Selon des sources à la HACA, les premiers résultats concrets de la libéralisation se limitent à la diversité de l'offre audiovisuelle publiques et privée, la garantie de l'expression pluraliste, la promotion de la proximité et la consolidation de la déontologie professionnelle. Autant de points positifs certes, mais qui ne sont pas toujours perceptibles sur nos ondes. D'où ces avertissements et ces rappels à l'ordre de la HACA. Refonte du cadre juridique En ce qui concerne la télévision, le constat dressé par la HACA est sans appel. Le processus de restructuration est encore incomplet. Un effort supplémentaire de libéralisation doit être engagé en prenant en considération la taille du marché publicitaire, l'agressivité de la concurrence satellitaire et le basculement vers la TNT en 2015. À ce titre, la mise à niveau du secteur public pour mieux le préparer à la concurrence est encore inachevée. La restructuration en profondeur de la SNRT et de 2M n'a pas véritablement eu lieu. Le fait de ne pas accorder des licences à des opérateurs de télévision privés s'explique entre autres par ce souci de défendre un pôle audiovisuel public encore fragile. Côté radios, on souligne auprès du régulateur que le déploiement des stations privées demeure perfectible au regard de l'objectif de ne pas faire prévaloir que les logiques purement mercantiles. La réticence est toujours de mise en ce qui concerne la couverture des zones économiquement faibles. Dans le registre de la publicité, le développement et la gouvernance de ce marché est un vecteur primordial du développement du secteur audiovisuel, d'où la nécessité de la réglementation du secteur et de la promotion de l'autorégulation, soutiennent des responsables auprès du régulateur. Capitaliser sur les acquis ne peut se faire sans la refonte juridique de la communication audiovisuelle. Tel est le message fort qu'a tenu à véhiculer Ahmed Ghazali lors de son intervention dans le cadre du dialogue national «Médias et société». Pour le président de la HACA, il y a urgence d'adapter la loi aux évolutions technologiques, économiques et socioprofessionnelles. À en juger par ses propos, les principes théoriques rigides ayant servi jusque-là de base à la régulation audiovisuelle sont sérieusement bousculés par la convergence des nouvelles technologies de l'information. Et le changement en profondeur des modes de consommation des médias (individualisation de la consommation) ne facilitera pas la tâche au régulateur. Les différentes contraintes auxquelles est confrontée la HACA devront servir de base de réflexion pour toute réforme de l'audiovisuel.