Le poids financier important du secteur des énergies renouvelables serait bien plus facile à supporter s'il était réparti sur plusieurs acteurs. Un programme régional de financement des projets dans le secteur des énergies renouvelables (ER), c'est ce que vient d'imaginer le bureau Afrique du Nord de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), relevant des Nations Unis. L'objectif ? Contourner le défaut d'intégration économique qui prévaut dans la région, pour installer une passerelle de coopération dans le secteur des énergies renouvelables, en l'occurrence sur l'aspect financier. Lancé en 2011, ce projet devrait coûter un budget de 623.000 dollars et intégrerait l'ensemble des programmes nationaux de développement des énergies renouvelables au Maroc. Il devrait ainsi permettre la création de nouveaux mécanismes de soutien de financement, adaptés aux spécificités du secteur, en l'occurrence dans la région nord africaine. «Les coûts, encore élevés des technologies liées aux énergies renouvelables, vont nécessiter d'importantes ressources financières pour chaque pays de la région», constate d'entrée Karima Bounemra Ben Soltane, directrice du bureau Afrique du nord de la CEA. Des solutions innovantes adaptées aux enjeux, risques et rendements propres à chaque catégorie de projets, devront être développés », poursuit la responsable. Les grandes lignes de ce programme d'intégration régionale des financements dédiés au secteur des ER a été en effet «revendu» en fin de semaine dernière à Rabat, devant un parterre d'experts venus de différentes pays du Maghreb, dont le Maroc. La mise en œuvre du programme, quant à elle, devrait s'étaler sur une période de deux ans. Pendant ce temps, l'Union pour le Maghreb arabe (UMA) montre sa forte adhésion à l'initiative. «Il est certain que les objectifs des maghrébins dans le domaine des ER ne peuvent se réaliser sans la mobilisation de financements dans les énergies renouvelables. Parallèlement, nous sommes bien conscients du souci majeur que nous partageons dans la région, celui de sécuriser la disponibilité d'une énergie fiable et durable», explique Lahoual Kouider, le représentant de l'UMA à la rencontre organisée par la CEA/Afrique du nord. Tout remède est bien sûr destiné à un mal bien précis. Pour Ismail Khennass, consultant spécialiste des technologies énergétiques propres, la mise en place de mécanismes préférentiels et innovants de financement est la condition sine qua non au développement, à grande échelle, des énergies renouvelables dans tous les pays d'Afrique du Nord. À coté de cela, les incitations fiscales dans ces pays, devraient également être utilisées comme levier de promotion du développement des entreprises nationales et régionales de production de biens d'équipement dans le secteur des ER, ainsi que le renforcement du partenariat avec des entreprises et institutions du Nord. Quels blocages ? Dans la région maghrébine, force est en effet de constater une disparité et un manque patent de connexion entre les différents programmes énergétiques lancés ces dernières années par les pays la composant. Cela, en dépit de l'énormité des potentiels et des ressources partagées par ces mêmes économies. «Ce qui manque à ces pays, c'est une politique institutionnelle de financement intégrée et adéquate pour faciliter la réalisation, à terme, de chacun des programmes nationaux en matière d'ER», explique Khennass. Pour ce dernier, la contrainte financière dans ce secteur, qui existe actuellement dans la région, est surtout liée à la faiblesse de l'intégration économique régionale. La transition est ainsi tout faite pour aller vers une autre problématique. «L'espace nord africain ne constitue pas encore un marché homogène», enchaine Khennass. L'expert pense que la production et la circulation de la marchandise énergétique, la mise en place des infrastructures (centrales électriques, lignes de transport) et la fabrication de biens d'équipement et de consommation (panneaux PV, LBC, etc.), n'obéissent pas encore à des critères de rentabilité économique et d'optimisation au niveau régional. POINT DE VIE Saïd Mouline, Directeur de l'Agence de développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (Aderee). Le problème du financement dans le secteur des énergies renouvelables (ER) est surtout lié au souci de trouver le modèle adapté. Il faut savoir que nous sommes en train de parler d'un secteur encore relativement nouveau dans la région et dans le monde, et qui comporte ses propres spécificités en termes de mise en place de lignes de financement. Un opérateur qui investit le secteur est évidemment dans une logique de compétitivité, que les lignes de financement classiques offertes généralement par les banques ne parviennent pas à assurer. Il nous faut donc trouver des méthodes de financement spéciales, adaptées aux contraintes du secteur des énergies renouvelables, comme c'est le cas au Maroc pour le Fonds des technologies propres. Il s'agit là de lignes de financement spécialisées, dédiées à l'accompagnement d'un secteur bien précis. Pour le secteur des ER, nous sommes dans une approche où ce sont les privés qui investissent, qui mettent leur argent et qui prennent tous les risques. Cependant, notre rôle à nous, en tant qu'Etat, est justement d'aller chercher de notre côté du financement pour faire baisser le prix du kilowattheure, afin de rendreaccessible au consommateur lambda l'énergie qui sera produite par ces investissements. DIXIT... Karima Bounemra Ben Soltane, Directrice, bureau Afrique du nord, CEA des Nations Unies pour l'Afrique. Malgré l'existence de complémentarités entre les pays d'Afrique du nord, les échanges commerciaux et la coopération dans le domaine énergétique restent faibles, au regard des possibilités et du potentiel de la région. Pour faire face à la forte croissance d'une demande énergétique à la mesure de leurs besoins de développement humain et économique, et diminuer leur dépendance vis-à-vis des énergies fossiles, qu'ils en soient producteurs ou exportateurs, les pays de la région ont décidé de miser sur le développement massif des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Ils se sont fixés des objectifs ambitieux et sont en train de mettre en œuvre d'importantes réformes et programmes pour renforcer le cadre institutionnel et réglementaire, favoriser un accroissement du niveau des investissements et encourager une plus grande participation du secteur privé.