Plus que quelques jours et le pipeline reliant les principaux puits gaziers de la région du Gharb et le port de Kénitra sera opérationnel. Circle Oil, la société internationale d'exploitation, développement et production, vient en effet d'en achever la réalisation. Elle s'attelle aujourd'hui à conclure les tests et notamment les essais de pression pour passer à la phase opérationnelle. Ce pipeline, qui s'étend sur près de 55 kilomètres, représente une nouvelle étape dans le chantier gazier marocain. Il faut dire que celui-ci s'est beaucoup accéléré ces dernières années. L'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) a multiplié les licences de forage et les découvertes n'ont pas tardé à suivre. Les chiffres sont on ne peut plus édifiants à ce propos. Le marché marocain, qui ne représentait pas plus d'1 milliard de mètres cubes, il y a quelques années, en représente aujourd'hui plus de 5 milliards. Ce dernier chiffre serait même appelé à doubler d'ici 2015. Circle Oil y croit Les quatre dernières années ont d'ailleurs été spécialement riches en découvertes gazières. Les forages y ont été, quasiment à chaque fois couronnés de succès, notamment dans la région du Gharb, qui s'impose de plus en plus comme une région gazière en puissance. Circle Oil, qui y est devenu l'acteur de référence, table sur une capacité de production de 16 millions de mètres cubes jour, dès 2013. Pour ce faire, elle table sur son partenariat avec l'ONHYM, qui détient 25% des actifs contre 75% pour Circle Oil, pour faire fructifier son business. La même distribution a été respectée en ce qui concerne le pipeline, qui devrait être opérationnel avant la fin du mois courant. Elle compte aussi sur la stratégie énergétique marocaine, qui fait de plus en plus la part belle au gaz dans son mix énergétique. «Sur le long terme, un grand boom attend le gaz naturel. C'est donc l'occasion de prendre position», prédisait Moulay Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie, lors de son passage en tant qu'Invité des Echos. Ces paroles ont même été confortées lors d'une rencontre internationale, organisée fin 2011 en Afrique du Sud, où certains experts prédisaient au Maroc le même potentiel gazier que le Canada. C'est dire les ambitions que l'on est tenté d'avoir en la matière. En tout cas, l'ONHYM ne s'y trompe pas. Outre les 25% d'actifs qu'elle détient au niveau du bassin du Gharb, l'Office détient 100% des gisements de la région d'Essaouira, ce qui porte sa part dans la production nationale de gaz naturel à 76%, selon le ministère de l'Energie. Au-delà de ces données chiffrées et du potentiel important que l'on accorde au royaume, l'heure est aujourd'hui à l'élaboration de la stratégie gazière. Elle passe selon les professionnels, par la mise en place d'un terminal de stockage et de regazéification. Il devrait prendre place dans l'un des ports atlantiques du royaume. En attendant la loi du gaz Ce serait, en toute vraisemblance, le port de Jorf Lasfar, au vu de sa vocation énergétique et de son envergure. En attendant, du côté de la Fédération de l'énergie, on plaide que l'urgence est ailleurs. «Il est indispensable de finaliser la loi relative au gaz», argue Moulay Abdellah Alaoui. Celle-ci, qui doit prévoir entres autres la création d'une autorité de régulation du secteur gazier, serait d'ores et déjà au niveau du secrétariat général du gouvernement. Elle représente l'un des chantiers les plus urgents pour le nouveau ministre de l'Energie, Fouad Douiri. Ce dernier, en attendant la déclaration gouvernementale, n'a pas encore affiché sa feuille de route. Nul doute que celle-ci nous renseignera sur les velléités marocaines en la matière et surtout sur le calendrier qui sera adopté pour ce secteur. Une chose est sûre, cependant. À l'horizon 2030, le gaz dépassera le pétrole dans le mix énergétique. Au côté des énergies propres, le gaz représente en effet la carte à jouer la plus prometteuse pour juguler une facture énergétique de plus en plus salée. Les industriels joueront-ils le jeu ? Le gaz est moins lourd et moins polluant que le fuel. Aussi, la Fédération de l'énergie plaide-t-elle pour une migration des industriels vers cette source d'énergie. Toutefois, il n'est pas sûr que ceux-ci se montrent réceptifs, de prime abord. En effet, les industriels seraient peu enclins à consentir l'effort d'investissement nécessaire. La pilule serait d'autant plus difficile à avaler que nombre d'entre eux font actuellement face à une conjoncture peu favorable. Le ministère de l'Energie et des mines avance un autre argument qui pourrait être plus parlant pour les industriels que les considérations écologiques. Les investissements nécessaires pour la migration vers le gaz seraient amortissables en 3 ans. Sera-ce suffisant pour convaincre les industriels? En tout cas, le nouveau ministre de l'Energie a intérêt à peser de tout son poids et à user de toute son énergie pour réussir cette migration.