Serait-ce le bout du tunnel pour le gaz naturel ? Le projet de lancer une stratégie gazière au Maroc pour faire du gaz naturel l'une des sources énergétiques principales du royaume semble en effet renaître de ses cendres après plus de dix années de blocage. Selon des professionnels du secteur, le Maroc n'a jamais été aussi proche de lancer sa propre stratégie de gaz naturel. Les contours du modèle marocain semblent même avoir été tracés et «il reste à finaliser la loi relative au gaz», confie My Abdellah Alaoui, président de la Fédération de l'énergie au sein de la Confédération patronale. Selon le patron des professionnels du secteur, celle-ci relève aujourd'hui du caractère de «l'indispensable» en raison de la complexité du secteur du gaz. «Le gaz naturel, ce n'est pas comme le pétrole et le modèle à mettre en place semble être bien plus complexe», indique Alaoui. Il faut dire que le modèle vers lequel s'achemine le royaume n'est pas des plus aisés à mettre en place, mais c'est le plus pertinent selon les cabinets d'études sondés par l'autorité de tutelle. Il s'agit ainsi de mettre en place un terminal de stockage et de regazéification dans l'un des principaux ports de la rive atlantique. Le choix du site n'est pas encore finalisé, mais il existe de fortes chances pour que ce soit le port de Jorf Lasfar qui accueille ce projet vu le rang qu'il occupe dans l'échiquier portuaire national. Une fois cette étape concrétisée, l'on devrait procéder, selon les résultats des concertations avec les spécialistes internationaux, à la création d'une société d'importation en partenariat public/privé, où l'Etat devrait jouer le garant des fournisseurs étrangers. En parallèle, il faudra créer une société de transformation puis veiller à fournir les infrastructures de transport, notamment les raccordements par des pipelines avec la Samir et l'ONE (www.lesechos.ma). Cette dernière, assure 10,8% des besoins énergétiques à partir du gaz naturel, un taux qui sera appelé à fortement augmenter une fois la stratégie gazière marocaine entamée. Enfin, il y aura une société de distribution commerciale pour approvisionner les consommateurs, notamment les industriels. À ce niveau, «il faudra convaincre les industriels qui utilisent le fuel de migrer vers le gaz naturel qui est moins lourd et moins pollueur», plaide-t-on auprès de la Fédération de l'énergie. À ce niveau, la tutelle pourra compter sur l'expérience, qui a démontré que les investissements nécessaires pour la migration vers le gaz sont amortis en trois ans, pour convaincre les plus réticents. Cela étant, en raison de la multiplicité des intervenants dans le modèle proposé, la loi devra penser à l'instauration d'une autorité de régulation, particulièrement pour les prix. D'après des sources proches du dossier, ladite loi est aujourd'hui au niveau du Secrétariat général du gouvernement qui devra apporter des modifications sur son volet juridique. Ce sera donc incontestablement l'une des priorités du prochain gouvernement et son entrée dans le circuit d'adoption ne semble plus être très loin. En attendant, il ne fait aucun doute que le secteur du gaz naturel est voué à un bel avenir. Le scénario de l'énergie au Maroc pour la période 2009-2030, établi par la tutelle et les professionnels, fait ressortir une nette évolution de la production en grande partie grâce au gaz naturel. D'après ce scénario, le Maroc devrait passer de 20 millions de tonnes équivalent en pétrole en 2010 à 24 millions en 2015, puis jusqu'à 43 millions de tonnes en 2030. «Ceci est principalement dû à l'introduction du gaz naturel. Aujourd'hui, les événements plaident pour une forte introduction du gaz naturel d'ici 2030», explique Alaoui. La demande énergétique est fortement croissante et les experts internationaux penchent pour le nucléaire comme seule vraie source d'énergie pour la satisfaire. Or aujourd'hui, le nucléaire connaît un désistement de la part de plusieurs pays en raison des risques qu'il fait encourir aux populations et qui ont été remis au devant de la scène avec l'incident du Japon. Dans cette situation, il reste seulement le gaz naturel pour absorber cette demande. 14% de la production énergétique seront ainsi en 2030 issus du gaz naturel si l'on s'en tient au scénario précité. Le marché marocain est aussi devenu mature. On parle aujourd'hui de 5 milliards de mètres cubes et qui devraient doubler en 2015, alors qu'il y a quelques années à peine, il ne représentait qu'un milliard de mètres cubes. Tout le monde dans le secteur énergétique s'accorde donc à dire que le développement économique futur du Maroc appelle à conforter la place du gaz naturel dans la stratégie énergétique nationale. «Sur le long terme, un grand boom attend le gaz naturel. C'est donc l'occasion de prendre position», insiste la Fédération de l'énergie. Les prévisions de l'Agence internationale de l'énergie confirment ce constat en prédisant que la demande a augmenté et que la commercialisation du gaz devra dépasser celle du pétrole en 2030. Le Maroc a donc une balle à jouer. Ceci est d'autant plus encouragé par le potentiel gazier que recèle le royaume. En effet, selon Amina Benkhadra, ministre de l'Energie, «les réserves prouvées de gaz naturel restantes à ce jour au Maroc sont estimées à 1,3 milliard de m3». Ces réserves se trouvent surtout dans les champs de Meskala et Toukimt dans le bassin d'Essaouira et dans les champs du bassin du Gharb. «En ce qui concerne les réserves potentielles, elles pourraient être importantes mais elles restent à confirmer par des opérations de forage», indique-t-elle. Cependant, lors d'une récente conférence sur l'énergie, organisée en Afrique du Sud, plusieurs spécialistes sont allés jusqu'à comparer le potentiel gazier du Maroc avec celui de pays comme le Canada. En attendant de les exploiter, le gaz naturel produit dans les gisements en cours dans la région du Gharb est livré à la Compagnie Marocaine des Cartons et Papiers conformément aux dispositions du Contrat de vente de gaz la liant à l'ONHYM et ses partenaires, fait-on savoir auprès de la tutelle. Le gaz naturel pourrait éventuellement être livré à d'autres industriels dans la région. «Pour ce qui est de la région d'Essaouira, le gaz naturel produit est livré à l'OCP pour alimenter les usines de séchage et de calcination du centre minier de Youssoufia. Le condensat, produit associé au gaz, est livré à la raffinerie de la SAMIR à Mohammedia», explique la tutelle. Il est à noter que la part de l'ONHYM dans la production nationale de gaz naturel est d'environ 76%, d'après les données du ministère. Elle provient des gisements en production dans la région d'Essaouira détenus à 100% par l'ONHYM et de sa part de 25% dans les gisements de gaz de la région du Gharb. «L'OPEP» du gaz fait des siennes Conscients des enjeux à venir du gaz naturel, les principaux pays exportateurs de gaz se sont dotés en décembre 2008 d'une organisation officielle, le FPEG, une sorte d'OPEP du gaz naturel. Cette démarche n'a pas manqué de susciter les craintes des pays consommateurs d'une influence de ce regroupement sur les prix, chose qui n'a pas tardé à se réaliser. À la mi-novembre, les 12 pays membres du FPEG ont souligné «le besoin de parvenir à un prix équitable pour le gaz naturel, basé sur une indexation sur prix du brut». La déclaration commune faite en marge de son premier sommet tenu à Doha souligne la nécessité de parvenir à une parité entre les prix du gaz et du pétrole, pour mettre fin aux disparités entre les cours de ces deux produits énergétiques. Les participants au sommet ont relevé «l'importance des contrats gaziers à long terme, afin de parvenir à un mécanisme équilibré de partage des risques entre producteurs et consommateurs», selon le bilan publié à l'issue du sommet. Seule lueur d'espoir, cette déclaration de l'émir du Qatar, Cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, qui s'est plaint des disparités entre les prix du pétrole et du gaz malgré une augmentation de la consommation de gaz ces dernières années, mais qui a insisté sur le fait que la défense des intérêts des pays producteurs ne se fera pas aux dépens des pays consommateurs.