Après le lancement de Mouhafadati et la dématérialisation totale des services cadastraux, la Conservation foncière veut désormais numériser les actes notariaux de transfert ou d'aliénation de propriété. La gratuité de l'immatriculation en zone rurale pousse à la généralisation des titres, mais demeure insuffisante au vu des difficultés juridiques de fond... Si la généralisation de l'immatriculation immobilière est le principal challenge de la réforme que connaît le droit foncier marocain, cet objectif ne peut être atteint via les anciens canaux procéduraux. À cet effet, l'Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC) a lancé une série de réformes concernant ses mécanismes de fonctionnement interne. Le 2 juillet, l'ANCFCC a fait basculer vers le digital l'ensemble de ses services liés aux activités du cadastre et de la cartographie, à travers une plateforme, «l'Espace cadastre et cartographie», permettant de répondre aux besoins de ses partenaires professionnels, en l'occurrence les ingénieurs géomètres topographes (IGT). «Près de 1.000 dossiers cadastraux sont traités quotidiennement, à travers le royaume, exclusivement par voie digitale. Aucun autre canal ne traite les dossiers de cadastre», a indiqué Tarik Tajmouati, DG de l'ANCFCC, le 23 juillet à Casablanca, lors d'une rencontre sur la dématérialisation des procédures. Ainsi, 1.000 dossiers cadastraux sont traités chaque jour, après avoir été déposés exclusivement en ligne. Le lancement du service gratuit «Mouhafadati», mis en place pour lutter contre la spoliation foncière via des alertes de modification par SMS, est considéré comme un procédé «simple et puissant», puisque 30.000 personnes se sont inscrites en quelques mois, dont 90% de MRE. «5.000 à 6.000 certificats de propriété sont délivrés en ligne chaque mois. Fin 2018, le seul canal de délivrance des certificats de propriété sera le digital», explique Tajoumati, qui assure que dès 2019, 90% des recettes de l'ANCFCC, qui ont dépassé 5 MMDH en 2017, seront encaissées par voie digitale. Aussi, la prochaine étape sera la numérisation des contrats notariés portant sur le transfert ou l'aliénation d'une propriété. Mais le DG de l'ANCFCC garde bien en tête l'objectif premier de son agence, à savoir l'enregistrement des titres fonciers dans leur totalité, et intégrer les anciens types de propriétés, souvent traditionnelles, au droit positif. Ainsi, il explique qu'en 2018, 1 nouveau titre sur 3 «est rural», soulignant que, concernant ces zones, l'immatriculation est «gratuite». Mais selon les praticiens, la procédure en elle-même crée des litiges. En effet, la demande d'immatriculation qui, en théorie, est effectuée par le propriétaire d'un bien immobilier ou le titulaire d'un droit réel, ne peut se faire que par deux moyens. Le premier est la présentation d'un titre de propriété (acte sous-seing privé) datant de plus de dix ans et attestant de la propriété du bien. Le second est celui de la «possession vaut titre», validée par un acte adoulaire entérinant le témoignage de douze personnes en faveur du demandeur d'immatriculation. Un extrait de la réquisition d'immatriculation est ensuite publié au Bulletin officiel et affiché avec avis de bornage au siège du Tribunal de première instance de l'autorité locale du ressort de la propriété et du Conseil communal. Seulement, le mécanisme d'opposition prévu par la loi 14/07 complique la procédure. Les oppositions sont recevables dès l'enrôlement de la réquisition d'immatriculation et pendant un délai de deux mois, qui court à partir de la publication au Bulletin officiel de l'avis de clôture du bornage. C'est ainsi que tout prétendant à un droit sur un immeuble en cours d'immatriculation, peut, s'il ne l'a déjà fait, contester l'existence ou l'étendue du droit de propriété du requérant d'immatriculation ou les limites de l'immeuble ou, le cas échéant, l'exercice d'un droit réel susceptible d'inscription sur le titre foncier. Sans prévoir de mécanisme de conciliation, la loi impose au conservateur de transmettre la réquisition d'immatriculation et les pièces y afférentes au Tribunal de première instance pour statuer sur le litige la concernant. Le résultat est que l'immatriculation d'un territoire, entre les délais de bornage et de plan et les durées des oppositions judiciaires, prend entre 3 et 5 ans, alors qu'en théorie, elle n'est supposée durer qu'une année au maximum.