Vous risquez de me trouver bien inconstant, voire versatile, mais tant pis. Au point où j'en suis aujourd'hui, pas bien haut, je l'avoue, je peux bien me le permettre, sans avoir peur de tomber bien bas. Je vais aller droit au but. Tout d'abord, je vais commencer par reconnaître que, contrairement à ce que je vous ai raconté, et souvent avec un stupide acharnement, l'ascenseur social existe bel et bien au Maroc. D'ailleurs, c'est plus qu'un ascenseur, c'est un vrai TGV. TGV signifie ici : Tous Gravissent Vite. On peut venir du plus bas de l'échelle, et se retrouver au plus haut des sommets (enfin, pas le plus haut -il ne faut quand même pas exagérer- mais, presque). En vérité, c'est un phénomène qui n'est pas tout à fait nouveau, mais j'étais tellement aveuglé par mon négativisme chronique et mon nihilisme génétique, que je ne voyais jamais ceux et celles, à la base plutôt mal lotis pour ne pas dire damnés, qui réussissaient à avancer, pas à pas, et à gravir, marche par marche, jusqu'à rejoindre ceux et celles, plutôt bien partis pour ne pas dire bien nés, et devenir, comme eux et comme elles, des gens haut placés. Moi, au lieu de voir tout ça, bien clairement et bien lucidement, j'étais là, dogmatique et aveugle, à fixer, bêtement et béatement, ce verre terriblement à moitié vide, et ces entre-deux-marches, définitivement désertes. Ça, c'était avant. Oui, c'est vrai, déjà avant tout ça, c'est- à-dire avant le printemps arabe, le mouvement du 20 février, la Constitution 2.0 etc. il y avait des pas forcément privilégiés qui arrivaient à arriver, parfois plus haut que les bénis de Dieu (rappelez-vous feu un certain fils de la Chaouia à qui même les plus grands érudits parmi nos plus grands aristocrates lui faisaient des courbettes). Mais, il n'y en avait pas beaucoup. Or, aujourd'hui, nous voyons tellement de personnes qui, il y a encore quelques années ou, même, pour certains, juste quelques mois, n'étaient encore... personne, devenir, devant nos yeux ébahis et envieux, ceux qui vont désormais décider de notre avenir. «Pourquoi pas ?», me diriez-vous hypocritement. Ne dit-on pas qu'«Aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années» ? Justement, comme je viens de vous le dire, ceux-là, dont je vous parle, non seulement, ne sont pas nés sous une bonne étoile, ou si vous préférez, sous un bon nom, mais, en plus, ils n'ont pas dû attendre longtemps avant de se voir hisser au plus haut du firmament, et la vérité si je mens ! Vous allez me dire qu'il y au moins un d'entre eux, d'ailleurs le plus chanceux, qui porte un nom qui n'a rien à envier à celui qui vient de lui céder la place. Comme me disait récemment un copain, plutôt boute-en-train, «un Fassi chasse l'autre». Je vous avoue que quand il m'a dit ça, j'ai bien rigolé, d'autant plus que s'il ne me l'avait pas dit, franchement, je ne l'aurais pas remarqué. En effet, qui aurait pu penser que ce bonhomme à la bonhomie apparente, mais pas évidente, à la barbe hirsute et au front insolent, et, surtout, au verbe acerbe et au ton rocailleux, était, lui aussi, Fassi ? Oh, non ! Je n'ai rien contre les Fassis fussent-ils Premiers ministres, ou plus récemment, patrons de gouvernement. Bien au contraire. Je crois que ce sont des gens méritants, car, après tout, qu'on l'admette ou pas, le hasard ne choisit jamais par... hasard. Mais, à part lui, je crois que tous les autres qui sont avec lui, ne sont pas... comme lui. Je veux dire, que ce sont des gens normaux, un peu comme vous et moi. D'ailleurs, comme me l'a rappelé encore une fois ma femme, si j'avais su la fermer aux bons moments, et même définitivement, je ne serais sûrement pas là, encore une fois, et comme toujours, à me morfondre et à verser désespérément mon fiel sur tout le monde et surtout sur ceux qui ne sont plus là car ils sont bien loin. Oui, j'aurais pu, si je l'avais voulu, moi aussi, être aujourd'hui aux côtés de tous ces gueulards, eux-aussi, mais qui ont su, contrairement à moi, mais aussi à bien d'autres comme moi, switcher du bon côté. Que voulez-vous ? Je suis comme ça, je ne sais pas faire et, donc, je suis désolé ma chérie, je ne serai jamais ministre. Ni rien d'autre de similaire, d'ailleurs. Quand on est né, comme moi, râleur, on le reste à vie. Tant mieux ou tant pis. Après tout, il faut de tout pour faire un monde. Cela dit, si quelqu'un a besoin d'un bon râleur, avec ou sans haut parleur (car ça peut toujours servir), je suis à votre service. En attendant – et je risque d'attendre longtemps – je vous souhaite un excellent week-end et un multicolore gouvernement. Vivement le changement et vivement vendredi prochain.