La moyenne annuelle des affaires traitées a presque doublée, alors que depuis le lancement du numéro vert en 2015, 31 condamnations judiciaires ont été prononcées. Le Maroc doit muscler sa stratégie pour éradiquer ce fléau. Le bilan d'étape de la lutte contre la corruption montre une nette évolution quantitative des affaires soulevées, sans que les condamnations judiciaires ne suivent la hausse des plaintes. Ce sont les deux grands indicateurs à retenir des déclarations du porte-parole du gouvernement à ce propos, dans un contexte marqué par l'amélioration de la place du Maroc dans le classement 2018 de Transparency Maroc. Le Maroc a en effet gagné 9 places durant l'année 2017 après que plusieurs mécanismes institutionnels ont été établis durant l'année écoulée, essentiellement la création de la CNAC et la forte implication de la société civile. Pour attester les efforts déployés, Mustapha El Khalfi a déclaré, à l'issue de la réunion hebdomadaire du Conseil du gouvernement que «la moyenne annuelle des affaires divulguées via le numéro vert du ministère de la Justice est passée de 7.000 à 13.000». Une hausse qui signifierait avant tout que les dénonciateurs des actes de corruption ont été encouragés par le mécanisme mis en place depuis deux années et qui avaient pour but de les protéger, tout en permettant aux pouvoirs publics d'ouvrir des enquêtes pour les plaintes qui s'avèrent fondées. Encore des efforts à faire Le chef de gouvernement s'est longtemps arrêté sur la question, selon le compte-rendu du Conseil du gouvernement. «Malgré l'avancée réalisée, passant de la 90e à la 81e place, cela reste insuffisant. Si nous maintenons cette cadence pour les prochaines années, le Maroc pourra faire un saut important en matière de lutte contre la corruption», a-t-il déclaré. «C'est un chantier sociétal grandiose et une responsabilité partagée, même si le gouvernement assume une part importante de cette responsabilité et lui réserve, depuis son investiture, une grande importance avec l'opérationnalisation de la Commission nationale de lutte contre la corruption», a-t-il insisté. El Othmani a dévoilé également que la 1re réunion de la CNAC «se fera dans un mois». Jusqu'à présent, les interventions des autorités judiciaires ont été opérées via deux procédés, selon les données du gouvernement. Il s'agit des plaintes directes adressées au parquet ou via le numéro vert qui a été mis à la disposition des citoyens par le ministère de la Justice. «Seule la justice a le droit de trancher dans les dossiers soulevés à partir des plaintes des citoyens ou à partir des rapports des inspections générales et des rapports de la Cour des comptes, et qui sont transférés à la justice lorsque les critères exigés sont réunis. Le gouvernement ne peut rien annoncer en raison de son engagement à respecter la présomption d'innocence», a indiqué El Othmani. Parmi les nouvelles pistes préconisées pour garder la même cadence de lutte, la révision de plusieurs décrets et lois qui intéressent le domaine de la transparence, ainsi que la mise en œuvre des programmes relevant du gouvernement ouvert, ainsi que la délimitation des délais de traitement des dossiers par la justice. Le suivi des plaintes par leurs déposants sera aussi renforcé afin de permettre un traitement transparent des affaires dénoncées. À noter qu'un rapport d'étape de la stratégie sera bientôt finalisé et qui portera sur les projets prévus dans le cadre de la 1re phase». Depuis la signature des conventions de mise en œuvre de la stratégie en mai 2016, le suivi qui était assuré par le secrétariat permanent de la commission de lutte contre la corruption intègre les représentants de l'OCDE, dans l'optique de définir des plans d'ajustements. Plusieurs axes de la stratégie devront figurer dans le rapport préparé, notamment le rendement du portail dédié au financement public des associations qui est opérationnel depuis mars 2016, l'impact de la simplification des procédures relatives à la délivrance des permis de construire et le processus de la mise en place des guichets électroniques pour demander les documents administratifs. Quel rôle pour l'instance de probité ? L'instance prévue par la Constitution devra aussi passer à la vitesse supérieure durant cette étape. L'enjeu de l'harmonisation des missions de la commission nationale et celles de l'instance de probité représente le principal challenge du gouvernement qui doit combiner les mesures décidées par cette instance et celle programmée par la CNAC, et qui regroupe plusieurs départements, ainsi que des ONG et des représentants du secteur privé. En plus de la convergence, la mise en œuvre des mesures prévues par la Stratégie nationale de lutte contre la corruption reste aussi fondamentale durant cette 1re moitié de l'année 2018, notamment le volet portant sur l'amélioration des services administratifs. Les collectivités territoriales et les entreprises publiques seront aussi intégrées dans le champ d'intervention de la commission nationale nouvellement créée, avec comme objectif l'implication de la justice dans la dissuasion.