La réforme de la titrisation des actifs est en marche. La Chambre des représentants est prête à démarrer les discussions concernant le projet de loi n°69-17 modifiant et complétant la loi n°33-06 relative à la titrisation des actifs. Si la précédente est déjà considérée en tant que réforme du marché de titrisation en intégrant les sukuk. Le projet de loi vient consolider les premiers amendements votés quelques années auparavant et renforce le cadre légal de ses obligations participatives... Avec l'émergence de la finance participative et la création de Casablanca Finance City, le Maroc a l'ambition de se positionner comme un centre financier de nature à accroître les perspectives de son développement et de sa modernisation. D'où la nécessité de proposer une gamme complète et performante d'instruments financiers notamment participatifs. Certes, la loi 33-06 ouvrait déjà la voie à l'émission de certificats de sukuk, mais sans aller en profondeur. En effet, les amendements passés ouvraient la possibilité du recours à la titrisation à d'autres émetteurs dont l'Etat. Les propositions d'élargissements susvisées devraient permettre notamment l'émission par l'Etat de sukuk souverains. D'ailleurs, le gouvernement précédent présageait d'émettre des sukuk courant cette année. Un projet qui a été reporté à plusieurs reprises. Mais sans un marché réellement effectif ou dynamique, l'utilité de développer ce type d'outils ne se présentait pas. Or, aujourd'hui, il faut dire que ce projet de loi 69-17 arrive à point nommé. Puisque les banques participatives, actuellement dans leur phase de démarrage, auraient besoin de sukuk pour -qu'en cas de stress sur la liquidité- céder rapidement ces titres et se constituer ainsi un matelas d'actif de grande qualité. Suivant les normes de Bâle 3, les banques sont obligées d'avoir ce type d'actifs afin de pouvoir faire face à une sortie brutale de liquidité en cas de stress sur une période de 30 jours. Pour les banques conventionnelles, les Bons du Trésor restent une valeur sûre. Concrètement, dans ce nouveau projet de loi 69-17 modifiant et complétant la loi 33-06, plusieurs articles ont été retouchés. Les nouvelles dispositions concernent les articles premiers, 2, 6, 9, 12, 14, 18, 20, 51, 52, 87 et 111-2. Dès le premier article -qui a pour objet de fixer le régime juridique applicable à la titrisation-, le ton est donné. Celui-ci définit la titrisation, comme étant, une opération financière qui consiste pour un Fonds de placements collectifs en titrisation (FPCT) à émettre des titres afin «d'investir ou acquérir» de manière définitive ou temporaire, des actifs éligibles auprès d'un ou plusieurs établissements initiateurs. À cela s'ajoute que les fonds qui émettent des certificats de sukuk peuvent effectuer les investissements ou les acquisitions pour le compte de l'établissement initiateur. Quant à l'article 2 qui vise l'application des titres éligibles, celui-ci a été étendu aux titres émis par le FCPT (parts y compris les certificats de sukuk, actions et titres de créances) ainsi qu'aux certificats de sukuk. Selon les règles de l'Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions (AAOIFI), les certificats de sukuk sont définis comme étant des titres représentatifs d'un droit de jouissance indivis de chaque porteur sur des actifs acquis ou devant être acquis ou des investissements réalisés ou devant être réalisés par le FPCT émetteur de ces titres. Ainsi les certificats de sukuk, permettant une plus grande flexibilité, pourront se reposer à la fois sur les structures classiques de vente et de location avec option d'achat mais pourront aussi être basés sur un investissement ou des structures basées sur des actifs en construction ou futurs. Aussi, dans le but de faciliter le placement émis par un FPCT auprès d'investisseurs étrangers, l'article 6 stipule que les titres pourront être régis par tout droit étranger et libellés en devises étrangères. Dans la nouvelle version de l'article 52, les liquidités du FPCT seront étendues aux valeurs émises par le Trésor, aux titres de créance garantis par l'Etat ainsi qu'aux certificats de sukuk dont l'établissement initiateur est l'Etat. À cela s'ajoutent, les parts y compris les certificats de sukuk ou actions d'organismes de placement collectif. Aussi, les compartiments du FPCT sont tenus de respecter les conditions et les dispositions réglementaires sous peine des sanctions prévues par la loi, dispose l'article 87. L'article rappelle également que les titres participatifs doivent être soumis au Conseil supérieur des Oulémas. Concernant l'article 111-2, les modifications apportées visent la procédure à suivre pour ce type d'opérations. Ainsi, avant la constitution du FCPT, l'établissement gestionnaire est tenu de soumettre, pour avis à l'AMMC, une copie de son projet de règlement de gestion. L'autorité devrait examiner la conformité du projet dans un délai maximum de 3 semaines à compter de la date de dépôt du projet... Historique Le Maroc a adopté un régime juridique propre à la titrisation de créances hypothécaires non litigieuses en 1999. La loi 10-98, premier texte à favoriser le financement de l'habitat, a posé les contours d'un premier cadre juridique de la titrisation fortement inspiré de l'ancienne loi française du 23 décembre 1988 sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Après cette loi, l'évolution a été plutôt timide parce que le contexte de surliquidité, qui a duré pendant des années, ne favorisait pas le recours à des opérations de titrisation. Aussi, le cadre juridique, tel qu'il a été élaboré à l'époque, ne répondait pas aux besoins d'un certain nombre d'opérateurs économiques qui n'y voyaient pas d'intérêt. Le Maroc a ensuite lancé une vaste réforme de sa loi 33-06. Celle-ci a redéfini le cadre marocain de la titrisation en élargissant le champ des créances éligibles, en renforçant le régime juridique des FPCT en les rendant notamment immunes à la faillite, en créant les comptes d'affectation spéciale et en assouplissant les modalités de cession des créances. La loi 33-06 présentait néanmoins certaines barrières au développement de la titrisation, principalement en raison du nombre limité des actifs éligibles à la loi rendant impossible la titrisation de créances commerciales et limitant le développement de la finance participative. Plusieurs amendements ont été ensuite apportés à la loi 33-06, au cours de la dernière décennie, amorçant ainsi une nouvelle réforme du marché de titrisation.