Grâce à leurs caractéristiques spécifiques, à savoir la transparence des contrats, la tangibilité des actifs, la disponibilité des liquidités, les sukuk sont plébiscité à la fois par les émetteurs et les investisseurs. Les sukuk représentent les placements le plus plébiscités par les opérateurs de Takaful, mais pas seulement. En parallèle, une demande croissante pour ces placements financiers émane des acteurs économiques et pour raison. «Les sukuk sont des titres de copropriété représentatifs d'un actif tangible, dont le rendement est lié à la performance d'un actif sous-jacent» explique à cet égard Hicham Talby, Chef du service du crédit immobilier et industriel à la Direction du Trésor, lors du rendez-vous de l'assurance tenu à Casablanca la semaine dernière. La deuxième raison qui explique cet engouement est que les sukuk sont principalement émis ou garantis par les états (à 75% des cas), alors que les émissions privées ne représentent que 25% de l'encours global. En parallèle, une demande croissante pour le financement à travers les instruments islamiques émane des acteurs économiques. En effet, à partir de 2007, il a été constaté un net accroissement de l'encours des émissions de sukuk dans le monde. Avant cette date, l'encours n'atteignait pas les 50 milliards de dollars, pour atteindre ensuite des niveaux qui dépassent 100 milliards. «En 2013, 120 milliards de dollars émis à travers les sukuk. L'encours a ainsi dépassé la barre des 500 milliards de dollars», souligne Talby. Les Etats ont émis près de 88,2 milliards de dollars de sukuk la même année, alors que les entreprises ont émis des sukuk pour 31,5 milliards. Développement de l'économie réelle Dans un contexte économique où l'assèchement des liquidités se fait de plus en plus sentir sur le marché monétaire, ces instruments de financement sont devenus les instruments par excellence de l'Etat comme de l'entreprise, pour lever des capitaux permettant de financer les projets (infrastructures, achat de matière premières). Ils assurent ainsi un développement de l'économie réelle, en raison de la tangibilité des sous-jacents auxquels sont adossés les financements: les actifs concernés peuvent être des services, biens ou droits ou l'usufruit de ces biens ou droits. Globalement, il existe plusieurs formes de sukuk, 14 au total, selon la nature de la rémunération. Les plus répandus sont les sukuk al mourabaha (contrats de vente), utilisés pour le financement de l'acquisition de matières premières, les sukuk al ijara (contrats de leasing) et les sukuk al mudharaba (contrats de gestion). Il s'agit également d'un financement non inflationniste, car il n'y a aucun recours aux taux d'intérêt. De plus, ils procurent une meilleure gestion des risques, grâce à la mutualisation des pertes. En définitive, grâce à leurs caractéristiques spécifiques, à savoir la transparence des contrats, la tangibilité des actifs, la disponibilité des liquidités, les sukuk ont réussi à mieux faire face à la crise financière internationale et le Maroc gagnerait à les mettre en œuvre, car ils permettraient de relancer l'investissement. En effet, le montant global de l'épargne échappant à la banque conventionnelle et qui devrait être mobilisé par les instruments de finance islamique, notamment les sukuk, est estimé par les professionnels à 80 MMDH. D'ailleurs, le cadre juridique prend forme au Maroc avec l'introduction des sukuk par amendement de la loi 33-06 relative à la titrisation d'actifs. Rappelons que ce projet présenté par le ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des finances chargé du budget, modifie et compète sept articles de la loi 33.06, principalement en vue de les rendre plus en phase avec les dispositions du projet relatif aux établissements de crédit et organismes assimilés, qui réglemente la finance islamique. Parmi les nouveautés de cette loi, l'élargissement du champ des actifs éligibles, l'ouverture de la technique à d'autres émetteurs, notamment l'Etat et la définition d'un cadre spécifique à l'émission des certificats de sukuk. Ainsi, les caractéristiques techniques des certificats de sukuk destinés à être placés auprès d'investisseurs résidents ainsi que les modalités de leur émission sont fixées par voie réglementaire après avis conforme du «Conseil supérieur des oulémas», qui remplace le «Comité charia pour la finance». Ainsi, toute émission de certificats de sukuk est dorénavant subordonnée à l'avis conforme du conseil des oulémas. Du chemin reste à faire En revanche, signalons que lorsque les certificats de sukuk seront placés auprès d'investisseurs internationaux, un ou plusieurs sharia boards compétents pourront également être désignés conformément aux pratiques actuelles de marché. Les prochaines étapes seront de mettre en place les entités prévues par les lois et la définition de leur mode de fonctionnement. Au niveau réglementaire, il s'agira de préparer les différents textes d'application de la loi 33-06 (catégories des sukuk, sukuk souverain,...) et de la finance participative en général. Au niveau comptable, la définition des processus et schémas comptables sous référentiel local et international (AAOIFI & IFRS) est nécessaire. En tout cas, il s'agit là d'une initiative louable, puisque selon une étude du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), près de 90% des émetteurs sur le marché marocain envisagent d'émettre des sukuk.