Nous n'avons pas l'intention de parler ici de la supposée fin du monde, que de fervents adeptes de certaines sectes attendent de pied ferme pour le 12.12.12, comme leurs aïeuls l'avaient déjà fait un certain 12.12...1212. Combien même le chiffre serait évocateur, le monde continuera bel et bien à tourner, quoique avec moult difficultés, cela est certain. Il serait plutôt utile d'analyser des évènements en cours qui concernent de près le Maroc et qui ne manqueront pas de conjuguer leurs effets en 2012. Sur le plan géopolitique d'abord, les mutations autour du Maroc sont nombreuses et profondes et exerceront un impact tant sur son commerce de biens et de services, ses flux financiers, la situation de ses ressortissants émigrés, que sur sa situation politique. Le Maroc, rappelons-le, siégera pour deux ans au Conseil de sécurité de l'ONU, pour la 3e fois depuis l'indépendance, ce qui conforte les succès diplomatiques récemment réalisés. En Espagne, le Galicien et réservé Mariano Rajoy dirige le nouveau gouvernement conservateur. Sans ménagement, les Espagnols ont congédié le socialiste Zapatero, en le créditant d'une cote de popularité catastrophique. Les temps difficiles en vue, amèneront Rajoy à approfondir davantage le plan d'austérité, déjà bien dur, que les socialistes ont instauré, afin d'éviter à l'Espagne le sort subi par la Grèce et l'Italie. Au grand dam de la croissance et du chômage, qui touche 22% de la population active et plus de 40% des jeunes, ce qui ne manquera pas d'amplifier l'action des «Indignados». Le Parti populaire ne porte pas le Maroc dans son cœur, chacun le sait. Les chauds dossiers communs risquent de connaître des tiraillements. À moins que les réalités de l'exercice du pouvoir dans un contexte de crise, celles du voisinage marocain utile à l'Espagne en ces temps difficiles et les mutations démocratiques au Maroc, ne ramènent le Parti populaire à des attitudes plus réalistes. En tous cas, les travailleurs marocains ne devraient pas subir les contrecoups de la mauvaise passe espagnole, empreinte de montée de xénophobie, surtout que, dans la foulée, le gouvernement autonome d'Andalousie, socialiste depuis 40 ans, est lui aussi tombé. Aussi, les positions espagnoles à l'égard des présides occupés, des provinces sahariennes, du dossier agricole maroco-européen, du «statut avancé» auprès de l'UE ... sont autant de questions qui peuvent évoluer dans un sens comme dans l'autre. En France, le socialiste François Hollande nourrit de sérieuses ambitions de déloger de l'Elysée, l'autre ami du Maroc, Nicolas Sarkozy. C'est loin d'être fait. Mais là, également, des doutes pointent à l'horizon si un changement venait à s'opérer. À moins que les solides intérêts communs entre la France et le Maroc, ne militent pour la continuité, si ce n'est pour le réchauffement. La diplomatie marocaine a, en tout cas, du pain sur la planche. Cela dit, les amis du Maroc au sein du PSF ne manquent pas. Les changements de gouvernement en Italie et en Grèce n'ont pas moins d'effet pour le Maroc, surtout sur les plans économique et social. Les conséquences directes sur la nombreuse communauté marocaine immigrée en Italie et l'impact de la dette des deux pays sur les banques françaises, et par ricochet, sur leurs filiales marocaines, sont à suivre de près. Deux enseignements généraux, au moins, sont à tirer de ce dur moment européen. D'une part, la démocratie permet quand les affaires vont mal, de faire sauter des verrous, afin de sauvegarder l'essentiel et d'éviter le chaos. D'autre part, la dictature de la finance n'est pas moins tyrannique et antidémocratique que la tyrannie politique. Même les USA, où le mouvement «Occupons Wall Street» semble bien prendre, ne sauraient contredire cela. Les mutations au Maghreb, concernent bien sûr au plus haut point le Maroc. Il est vrai que la fièvre démocratique arabe, qui a frappé différemment, a fait entrer l'Algérie dans un état d'alerte et d'attentisme, qui, c'est une bonne nouvelle, se traduit par des frémissements favorables à la coopération avec notre pays. Après les erreurs de jugement à l'égard de la Libye, du Yémen et de la Syrie, le pouvoir algérien, semble se rendre compte que le rapprochement avec le Maroc nouveau lui est vital. Peut-on aller jusqu'à penser que l'Algérie serait enfin en train d'admettre que son équilibre réside dans un Maroc tant stable que fort ? Attendons. Aussi, l'entêtement à ne pas inviter le Maroc à faire partie du Centre des états-majors opérationnels de coordination, installé à Tamanrasset, et chargé de lutter contre le terrorisme, en partenariat avec le Mali, le Niger et la Mauritanie est-il un indicateur négatif. Dans ce dossier, la Mauritanie, voisine du sud est au front. Amie solide du Maroc, elle n'en subit pas moins les appels algériens de toutes fréquences. Pour l'heure, elle semble tenir un équilibre entre ses alliés maghrébins, pour pouvoir contenir les risques que présentent l' AQMI, le Polisario et ses propres groupes extrémistes. Les évolutions en Tunisie, Libye et Egypte, différentes les unes des autres, se rejoignent dans le fait que les pouvoirs de référence islamique, y ont le vent en poupe. Cela aura forcément une influence sur les rapports de force au sein de l'UMA, en stand-by, au sein de la Ligue arabe et au Sud de la Méditerranée. L'UMA pourrait, profiter des évènements en cours, pour repartir, sur de nouvelles bases, si toutefois, toutes les parties concernées, en particulier l'Algérie, consentent à apporter leur part de sincère contribution. Et puis il y a la Syrie et le Yémen, en transition douloureuse, qui donnent au CCG un poids tel qu'il veut même s'adjoindre le Maroc et la Jordanie. Le Maroc réaffirme, à juste titre, son appartenance maghrébine, tout en sollicitant un partenariat sectoriel fort à définir avec les pays du Golfe, alliés stratégiques. La Palestine, après l'Unesco, pointera bientôt à l'ONU. Un durcissement est à craindre dans cette zone, où des actes de fuite en avant peuvent bien être tentés par Israël. Enfin, il y a le retour en force de la Turquie dans le partenariat avec le monde arabe en général et marocain en particulier. Un projet gagnant-gagnant en quelque sorte. La Turquie, exception économique en Méditerranée, mais autour de laquelle une forte mouvance est en cours (Iran, Kurdistan, Chypre, Syrie, réserves de gaz est-méditerranéen), est hautement intéressée par les marchés arabes. Le monde arabe, de son côté, s'emploie de la sorte à contrer les visées iraniennes sur la région. Sur le plan géoéconomique, ensuite, l'agenda n'est pas moins chargé. En mars 2012, entre en vigueur à plein pour le Maroc la Zone Euromed, la phase transitoire venant à expirer. Bien sûr, le processus de Barcelone a, de longue date, montré ses limites. C'est ce qui a motivé les initiatives plus ciblées de la Politique européenne de voisinage, du statut avancé et plus récemment de l'UpM, à la tête de laquelle, un secrétaire général marocain, récemment nommé, s'emploie à définir une feuille de route, en perspective du budget européen de 2013. À l'égard de l'UE, le statut avancé tarde en fait à se préciser concrètement. L'accord agricole est injustement chahuté et l'accord de pêche devrait être renouvelé en février. Autant d'affaires à suivre, dans un contexte de crise d'une Europe ayant la tête ailleurs. Et puis, il y a surtout, la politique intérieure et son planning extrêmement serré. Les élections législatives qui ont porté en tête les islamistes modérés du PJD, le nouveau gouvernement (de coalition forcément) à constituer, l'armature juridique de la nouvelle Constitution à mettre sur pied , des élections régionales et locales, une Chambre des conseillers à élire... De toute manière, l'avenir du Mouvement du 20 février, comme celui de bon nombre de partis politiques subir l'impact des résultats de ces élections. L'économie nationale ne sera pas en reste. Si la saison agricole semble s'engager dans de bonnes conditions climatiques, il est à craindre que la demande extérieure, à dominante européenne, ne soit pas au rendez-vous. Les IDE risquent de continuer à être au plus bas, comme le tourisme, les transferts des MRE et les effets euro/dollar. La situation budgétaire tendue risque de l'être davantage avec les attentes sociales qui ne manqueront pas de s'exprimer à la face du nouveau gouvernement. À moins que celui-ci prenne les décisions audacieuses et engage les diversifications qui s'imposent. Notre classement IDH est préoccupant. Ce n'est certainement pas en contestant la méthodologie de son établissement qu'on résoudra le problème. C'est dire que la classe politique et économique marocaine a du pain sur la planche. Elle est assurée de ne pas chômer !