Nos voisins espagnols sont invités à désigner, le 20 novembre prochain, leurs nouveaux représentants aux Cortés, et delà, leur nouveau gouvernement, au cours d'élections législatives anticipées auxquelles a appelé le président sortant du gouvernement, M. José Luis Rodriguez Zapatero. Les résultats de ce scrutin nous intéressent, bien entendu, au plus haut point. De la qualité de nos relations avec notre voisinage dépend notre présent et notre avenir. Au pouvoir depuis 2004, le Parti socialiste ouvrier espagnol, le PSOE, semble usé. Sa popularité a été grandement égratignée par la récession, ainsi que le chômage et la paupérisation qui s'ensuivent. Le 22 mai dernier, le parti socialiste espagnol a été largement vaincu par son adversaire, le Parti Populaire (PP), aux élections régionales et municipales. Si cette tendance se maintient, le prochain gouvernement qui va siéger à Madrid a de fortes chances d'être présidé par le PP. Cette perspective ne manque pas de ramener en mémoire le souvenir de la pénible période du gouvernement de M. José Maria Aznar, dont l'une des caractéristiques majeures de son mandat a été son hostilité avérée envers le Maroc. M. Alfredo Perez Rubalcaba, ministre de l'intérieur démissionnaire et ancien numéro deux du gouvernement Zapatero, a accepté le challenge de porter les couleurs de son parti, le PSOE, aux cours des prochaines élections. Il aura à défendre le bilan du gouvernement sortant, dans une ambiance économique morose et une atmosphère sociale on ne peut plus tendue. Depuis le 15 mai, le mouvement composite «Démocratie réelle maintenant», mené par des jeunes, mobilise les victimes de la crise économique pour manifester sur les principales places publiques des grandes villes espagnoles. Comme ce mouvement n'est pas sans rappeler les révoltes populaires dans le monde arabe, la place de la Puerta del Sol à Madrid, d'où ont été lancées les premières manifestations de protestations sociales, a été rebaptisé place «Attahrir», en référence aux évènements du Caire. Mais que pourrait bien faire un gouvernement dirigé par la Parti Popular pour sortir l'Espagne de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouve ? La réponse à cette question va déterminer en bonne partie la nature des relations du voisin ibérique avec le Maroc au cours du prochain gouvernement. Ce qui rend le sujet encore plus inquiétant. Au premier trimestre de l'année en cours, l'économie espagnole a pu à peine réaliser un maigre taux de croissance du PIB de 0,3%, après avoir reculé de 0,1% l'année dernière. C'est, bien entendu, très loin d'être suffisant pour réduire de manière significative le taux de chômage, qui plafonne à 20,89% ! Par ailleurs, si l'intervention récente de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui a racheté, entre le 4 et le 11 août, pour pas moins de 22 milliards d'euros d'obligations de l'Espagne et de l'Italie, pour éviter à ces pays de sombrer dans une crise de la dette publique similaire à celle que traverse la Grèce, le taux d'intérêt de la dette espagnole a péniblement reculé de 6,284% à 4,992% au cours des derniers jours. Le loyer de l'argent va, de ce fait, continuer à coûter cher aux contribuables espagnols et les mesures d'austérité prises par le gouvernement Zapatero ne vont pas manquer de grever toute chance de relance économique, outre les conséquences sociopolitiques de cette cure d'amaigrissement. Or, si le socialiste Zapatero a accepté de couper dans les dépenses sociales pour réduire son déficit financier, ce ne sont pas les libéraux du PP qui vont en faire moins à ce sujet. Or, à moins d'une formule magique pour remettre la croissance espagnole en marche, les Espagnols doivent s'attendre à des services publics sociaux amaigris et à devoir se serrer encore plus la ceinture. Que va générer la crise économique et sociale ? Comment donc pourra s'y prendre le probable futur gouvernement PP pour convaincre les jeunes révoltés de ne pas pousser encore plus longtemps et plus loin leur mouvement de protestation ? Outre les jeunes et les chômeurs, le mouvement du «15 mai» compte aussi dans ses rangs des retraités et des ouvriers. Pour donner de lui-même une image irréprochable, le parti populaire espagnol a pressement demandé à l'un de ses membres les plus en vue, l'ancien gouverneur de la région de Valence, M. Francisco Camps, de présenter sa démission, étant accusé de corruption et prochainement jugé. Mais il sera difficile aux membres du PP de faire oublier leur première réaction, suite aux révélations sur les agissements douteux de leur «confrère». «Tout ça pour trois costumes !». Pour les militants du PP, le fait de recevoir en «cadeau» des costumes, vestes, cravates et autres chaussures de grandes marques, qui coûtent quelques 14.000 euros, de la part d'entreprises qui s'accaparent les marchés publics dans les régions où le PP est au pouvoir, n'a rien de grave. Mais comme les élections sont proches, «je me sacrifie pour que Mariano Rajoy soit le prochain président du gouvernement», aurait déclaré l'ancien gouverneur accusé de corruption à l'annonce de son départ. C'est que M. Rajoy le trouvait «honnête homme» ! La crainte, c'est qu'à défaut de solutions rapides et efficaces pour répondre aux attentes de la population, le parti populaire espagnol ne cède à son «pêché» favori, les discours populistes à forts relents franquistes, où le «moro» est loin de jouer le beau rôle. En conséquence de quoi, une politique hostile au Maroc et à ses intérêts semble des plus probables. En fait, si les relations entre le Maroc et son voisin du nord ont toujours connu des hauts et des bas, au gré des changements de gouvernement, il y a toutefois des constantes qui portent à croire que seul le degré d'hostilité varie d'un parti politique à un autre. L'opinion publique nationale ne sait-elle pas, depuis des années, que les diplomates espagnols en poste au Maroc ont des fois des activités qui sont loin d'être conformes à leur statut, surtout ceux «opérant» au nord du Maroc. Pour à peine 200 euros par mois et le «privilège» d'obtenir des visas pour ses parents et amis sans payer la taxe consulaire, un citoyen marocain originaire du Rif , ex-militant associatif, n'a pas hésité à faire des déclarations tendancieuses sur de virtuels «barons» de la drogue qui occuperaient de très hauts postes de responsabilité dans le gouvernement et l'administration marocaine. Encore faut-il préciser que le sieur en question, emprisonné et ensuite gracié, était «traité» par un agent du Centro Nacional de Inteligencia, les services de renseignement espagnols, qui agissait sous couverture diplomatique. Des «Inyaqui» -pseudonyme de l'agent en question-, combien y en a-t-il au Maroc, qui «opèrent» sous différentes couvertures ? Quand à la manière dont ils «recrutent» de pauvres hères prêts à dénigrer et nuire à leur pays, elle est malheureusement bien simple. De simples visas Schengen pour accéder au «paradis européen» Peut être un peu plus pour ceux qui ont littéralement vendu leurs âmes Ainsi en est-il pour des hommes politiques, de hauts cadres publics, des journalistes et des militants associatifs. Objectif avéré, diffuser le maximum de contre-vérités à propos du Maroc, surtout concernant les problèmes de l'émigration clandestine et du trafic des stupéfiants. Le prochain volet de cette analyse, plutôt sommaire, de l'avenir des relations maroco-espagnoles, à la lumière d'événements anciens et récents et du changement politique éventuel à venir, sera consacré à la logique de confrontation larvée et multiforme qui anime malheureusement encore certains hommes politiques chez nos voisins du nord.