Lundi 5 mai, les prévenus ayant à nouveau refusé de comparaître, l'audience a débuté avec 4 heures de retard. Ce fait illustre une nouvelle fois l'attention extrême avec laquelle la Cour traite la question des droits de l'homme dans ce procès de Gdim Izik. On doit rappeler que le droit criminel est contraignant à l'égard des prévenus, dans toutes les grandes démocraties. À cet égard, les pratiques des Etats-Unis sont bien connues avec la comparution de prisonniers en tenue et entravés. Qu'avons-nous observé ici, à Rabat ? Quand les valeurs humanistes dirigent un procès pénal Que sous réserve de leur limitation de circulation, les prévenus ont été tout à fait libres tout au long de ce procès, de comparaître en lançant des slogans hostiles au Maroc, d'exprimer un mépris complet à la Cour, aux victimes et aux témoins, le tout avec la force des images qu'offrent les beaux habits traditionnels des peuples du désert. Que le président n'a pas usé de son pouvoir légitime de contrainte. Plus encore, qu'il a retardé durant 4 heures l'ouverture de l'audience, en sachant que cette stratégie du refus divise les prévenus : quatre d'entre eux ont ainsi fait état d'une excuse médicale, un autre de la préparation du baccalauréat. Qu'il a au contraire exprimé son respect, sinon son assentiment à ce droit des prisonniers. Que ce faisant, il a en ces circonstances fait la preuve concrète et tangible que la volonté de respecter les droits de l'Homme est la marque de ce grand procès. Ce concept de droits de l'Homme est structuré autour de principes et de règles qui conditionnent les pratiques répressives de tous les Etats du monde. Les méthodes policières, la juridiction compétente, la procédure suivie, les droits des prévenus, la juste peine sont autant de sujets fondamentaux. Dans ce procès, les prévenus ayant tardivement fait état de tortures et malveillances lorsqu'ils furent arrêtés, avaient demandé à la Cour de bénéficier d'une expertise médicale. Demande légitime qui leur a été accordée, mais leur stratégie globale du refus se trouvant mise en défaut, ils ont ajouté que cette expertise devait être effectuée par une commission internationale. Sachant que rien dans le droit international ne l'envisage et qu'aucun Etat au monde et notamment la France ne l'accepterait, leur demande ne pouvait être retenue. Que s'est-il passé alors ? Des expertises médicales au-dessus de tout soupçon Mardi 6 juin, la Cour a entendu le comité d'experts médicaux. Faisons une pause sur ce comité. Il s'agit d'un collectif composé d'un chirurgien du traumatisme et d'un psychiatre, le travail d'ensemble étant coordonné par le professeur de médecine légale Fadila Ait Boughima. La sagesse de la Cour fut de désigner un collectif afin que le principe du contradictoire, si essentiel pour le respect des droits de l'Homme dans un procès pénal, s'exprime encore au stade du diagnostic médical. Ici, il s'agit de trois personnalités éminentes du monde médical, à la notoriété internationale, en raison de la reconnaissance de leurs confrères étrangers. Peut-on croire que des intérêts militants ont pu conduire leur diagnostic ? L'un d'entre-eux aurait-il été tenté, qu'il aurait rencontré l'obstacle du consensus que tout comité d'experts doit toujours rechercher. Qu'a-t-il été dit alors à la Cour et aux parties ? Que la mission d'expertise a comporté des entretiens individuels longs et attentifs aux allégations des prévenus. Que de nombreux examens ont été réalisés au CHU par d'autres médecins, des radiologues, des ophtalmologistes, des ORL. Que leurs analyses et leur diagnostic ont été encadrés par le Protocole d'Istanbul, dont on doit savoir qu'il s'agit du référentiel international majeur parce qu'établi sous l'égide des Nations Unies. Que dit ce Protocole ? Le protocole d'Istanbul Que les médecins experts n'ont pas le choix. Qu'ils sont tenus de respecter avec précision les conditions qui y sont fixées. Qu'ils n'ont pas à dire «il y eu torture ; il n'y a pas eu torture» car le protocole leur impose d'éclairer la Justice sur le degré de compatibilité entre les allégations des prévenus et les traces ou marques de blessures et de traumatismes. Qu'ont alors conclu les trois médecins experts ? L'analyse des cicatrices invoquées par certains prévenus a été poursuivie par la recherche des corrélations nécessaires avec un acte de torture. Des examens approfondis effectués, il ressortait que d'autres causes leur ont scientifiquement paru devoir être retenues comme explicatives, parce que les marques se sont révélées non compatibles avec les faits de torture invoqués ou encore plutôt liées à des pathologies constatées, comme une inflammation des oreilles ou des phénomènes de vieillissement. Ce qui a conduit les experts à ne valider scientifiquement aucune des allégations de torture. Alléguer n'est pas prouver ! La qualité de ces expertises a rendu très difficile la mission de défense des accusés sur ce point, ce qui permet de comprendre que les avocats de la défense n'ont pu faire mieux que de questionner le professeur Ait Boughima sur le % de la probabilité des tortures, question qui selon le protocole d'istambul ne pouvait avoir de réponse. Ainsi à la date du 7 juin, la phase des plaidoiries a débuté. Tout d'abord avec les avocats des parties civiles, très méthodiques sur l'analyse des faits. Porteurs de la mémoire des victimes et des droits de leurs familles, ces avocats ont été très présents tout au long de ce procès. Puis, le réquisitoire du parquet va suivre. Les avocats généraux ont montré tout au long de la procédure leur souci de ne rien abandonner des faits. La question qui se pose est de savoir si la semaine prochaine, la stratégie politique de déni global des prévenus sera maintenue par leurs avocats, commis d'office depuis le départ de leurs confrères ? Nous rappellerons que l'avocat n'a que l'intérêt de son client à considérer et qu'il est libre de l'apprécier en son âme et conscience. Indépendance et force morale sont les deux mamelles de la fonction d'avocat. Hubert Seillan Avocat au barreau de Paris et observateur dans le procès de Gdim Izik