Le recouvrement des créances hante le quotidien des dirigeants d'entreprises. Gérer cette fonction en interne ou l'externaliser ? Quelles techniques adopter pour un recouvrement efficace ? Comment bien choisir son prestataire ? Le point... Le recouvrement, voilà une problématique majeure du quotidien de tout chef d'entreprise. Crise oblige, ce volet touche toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, leur structure ou leur secteur d'activité. Pour les moyennes et petites structures, la gestion du processus de recouvrement est encore plus stratégique car les factures recouvrées est une manne cruciale pour la réalimentation de la trésorerie. Quel modèle adopter pour la gestion du recouvrement? Comment limiter les risques ? À qui confier cette tâche ?... Quand commence le processus ? Avant d'arriver à l'étape où il faut enclencher le mécanisme du recouvrement, il faut anticiper le risque de la contrepartie commerciale, recommande El Mehdi Fakir, expert comptable et directeur associé d'AD value. Une démarche nécessaire en amont et en aval, préconise l'expert. En amont, soit au moment d'octroi des créances, il s'agit de veiller à instaurer des critères d'appréciation du risque, préalablement à l'entrée en relation avec le client et l'accord avant l'acceptation des commandes, à travers notamment une catégorisation des clients selon le risque qu'ils présentent. Cette appréciation permettrait de mesurer le risque d'insolvabilité et d'exiger des garanties si nécessaire. En aval, la démarche consiste à instaurer, durant la vie de la créance, des «plafonds» pour chaque client afin d'instaurer la règle du remboursement de l'encours avant livraison ou l'acceptation de commandes supplémentaires. Il s'agit aussi de mettre en place un «suivi de près» des créances sur une base individuelle ou collective (sectorielle) en vue d'anticiper les difficultés et d'activer les procédures de recouvrement. «Il faut que l'entreprise veille à mettre en place un Comité de recouvrement qui implique l'ensemble des parties prenantes dans l'effort de recouvrement, ce qui permettrait à travers des échanges de collégialiser les décisions en la matière en faisant bénéficier le Front-Office d'un retour sur expérience intéressant pour l'appréciation de chaque client», conseille Mehdi El Fakir. Qui s'en occupe ? «Le modèle idéal consiste en la mise en place d'une fonction Recouvrement en interne dont les attributions doivent être versées dans la gestion courante du recouvrement et surtout l'anticipation des difficultés pour certains clients avant qu'ils soient douteux», estime El Fakir. Cet expert penche pour le modèle «back-office» pour les avantages qu'il présente en termes de «spécialisation et d'efficacité opérationnelle. Il permet surtout, au management, de disposer de l'information nécessaire à l'appréciation de la solvabilité de chaque client et de décider de la suite à donner à chaque défaut de paiement». Pour certaines structures, néanmoins, le recours à des spécialistes du recouvrement s'impose soit par manque de ressources en interne ou leur manque d'expérience en la matière, soit au regard de la complexité des dossiers de recouvrement dont il s'agit. Ceci a nourri le développement d'un business spécialisé matérialisé par l'émergence de sociétés de recouvrement privées. «Nous faisons du recouvrement dit pattes blanches, cela consiste à se présenter comme faisant partie intégrante du service recouvrement de notre entreprise cliente», explique Mamoun Belghiti, PDG de RM experts. Et d'ajouter : «Il s'agit pour nous d'alléger la trésorerie de nos clients en mettant à leur service notre expertise dans le recouvrement à travers un discours adapté aux différentes cibles. Dans le cas précis de recouvrements complexes, nous sommes conventionnés avec des avocats qui coordonnent avec nos juristes en interne pour les procédures juridiques à suivre». Dans le détail, cette prestation consiste à effectuer les relances et recouvrements de créances au nom de l'entreprise. «Faire appel à une agence de recouvrement présente de très nombreux avantages. Cela permet à l'entreprise de garder une image solide auprès des financiers et de ne pas courir le risque de rompre ses relations avec des clients privilégiés», explique un professionnel du recouvrement. En tout cas, sur le plan réglementaire, un décret relatif aux délais de paiement est entré en vigueur le 1er janvier dernier pour préciser les contours légaux des délais de paiement. Ce texte devrait en principe permettre aux entreprises de voir leurs délais de recouvrement s'améliorer, étant donné qu'aujourd'hui, les lignes rouges sont on ne peut plus claires. LES CINQ ERREURS À NE PAS COMMETTRE: Octroyer des crédits /créances avant une étude scientifique du risque crédit ; Ne pas demander de garanties pour les clients opérant dans des secteurs «fragiles/sinistrés» ; Ne pas faire preuve de réactivité/retarder/décaler les actions de recouvrement en l'absence de suivi régulier ; Ne pas impliquer l'ensemble des parties prenantes «notamment des commerciaux» afin de mieux appréhender la relation avec la clientèle ; Ignorer des informations «conjoncturelles» sans faire le lien avec l'influence sur le portefeuille client. En back-office ou en externe... avantages et inconvénients Opter pour le déploiement du processus de recouvrement en interne présente, selon les experts, l'avantage de maîtriser les coûts de fonctionnement. Néanmoins, l'inconvénient dans ce schéma est relevé en matière de l'efficacité opérationnelle et le rendement des actions de recouvrement qui ne sont pas forcément garanties notamment en matière de pré-recouvrement à l'amiable car certaines entreprises décident de passer au recouvrement judiciaire, ce dernier prend du temps et s'avère coûteux en termes financiers (frais judicaires, honoraires...). Le modèle externalisé, quant à lui, présente certes l'avantage du retour sur expérience polyvalent en privilégiant la logique du résultat, mais développe une certaine dépendance vis-à-vis des prestataires. C'est un modèle, selon les experts, qui ne permet pas aux équipes en interne de bénéficier du retour sur expérience pour mieux «backer» les futures transactions avec les clients. Ce modèle est davantage conseillé aux entreprises ayant atteint une certaine taille critique et justifiant d'un important portefeuille de créances clients. Processus en deux temps... Quel que soit l'option organisationnelle choisie par le management pour gérer le volet du recouvrement, le mode opératoire demeure sommairement le même. En fait, toute opération de recouvrement commence par une étape de relances. Il s'agit de rappeler à un client l'arrivée à échéance de sa créance et l'inviter courtoisement à s'en acquitter. Cette étape s'opère soit via des lettres de relances soit par des appels téléphoniques (phoning). En cas d'accumulation de créances ou encore de retard, et quand le client ne réagit pas, les professionnels du recouvrement passent à la vitesse supérieure. Cette étape, dite de recouvrement forcé, ouvre la voie à l'enclenchement de procédures plus fermes. Elle est dite de «contentieux» et va de l'envoi d'une lettre de mise en demeure à des recours judiciaires. Nawfal Lazrak Gérant associé de MarocCréances.com «Tact, diplomatie et art de la répartie» Les Inspirations ECO : À quels aspects le recouvreur doit-il faire attention ? Nawfal Lazrak : Le métier de recouvreur est différent de celui de commercial car il cible, non pas un groupe de personnes pour effectuer des ventes de masses, mais une seule, qui est le débiteur défaillant. Il doit donc, en amont, préparer son dossier et anticiper pour que la négociation se déroule dans de bonnes conditions, notamment afin de préserver les relations qui lient le débiteur à son créancier mandant. Par la suite, le suivi doit être rigoureux pour maintenir la pression sur le client. La relation client est donc au coeur de ce process. En tant que société spécialisée, comment gérez-vous ce volet ? Je pense que nous avons dépassé maintenant le problème de la susceptibilité qui aurait pu exister chez le client d'une entreprise, relancé par une société de recouvrement et dont je ne constate actuellement aucune réaction négative, sauf si le défaillant est de mauvaise foi, et il faut dire qu'il en existe de plus en plus. Autrement, les démarches de nos recouvreurs vont dans le sens de la «vente du recouvrement» qui nécessite, tact, diplomatie et art de la répartie et de la reformulation. Quels conseils donneriez-vous à une très petite entreprise qui peine en matière de recouvrement ? Hélas, la TPE ne regarde pas l'optimisation mais le coût de l'externalisation qui pourtant n'est pas élevé, au regard de l'importance de cette fonction. En tant qu'opérateurs, nous ciblons de plus en plus cette catégorie d'entreprises pour briser la chaîne des impayés, qui commence généralement par les petits.