Le recouvrement amiable vu par le numéro 1 du secteur bancaire, Attijariwafa bank, n'est pas une sinécure. Toutefois, elle s'en sort avec 15 % du stock des créances déclassées au 31 décembre 2004. Une gageure ! Entretien. La Gazette du Maroc : Pourquoi les banques privilégient-elles, aujourd'hui, le recouvrement amiable à la voie judiciaire ? Omar Ghomari : C'est un choix stratégique que de privilégier le recouvrement amiable à la voix judiciaire, car la banque a le souci de préserver, autant que faire se peut, la relation commerciale avec les clients en difficulté, lorsqu'ils sont de bonne foi et qu'ils en apportent la preuve par des efforts (versements, constitution de garanties supplémentaires… etc). La priorité étant d'explorer toutes les pistes possibles, afin d'accompagner le client dans un processus de restructuration. Quel est le montant des impayés de Attijariwafa bank, aujourd'hui ? La notion d'impayés n'est pas significative, car elle regroupe plusieurs réalités. L'impayé technique qui résulte d'un décalage entre la date d'échéance et celle de virement du revenu du bénéficiaire de crédit est un impayé qui ne génère pas de frais pour le client et qui fausse les statistiques. L'impayé à chaud c'est celui dont le recouvrement intervient rapidement en général après une simple relance téléphonique. Il existe aussi l'impayé sédimenté dont le recouvrement nécessite une organisation et une prise en charge par des équipes spécialisées. Enfin, l'impayé logé en créances en souffrance qui relève du recouvrement contentieux. Ceci dit, les créances en souffrance de la banque au 31 décembre 2005 sont de l'ordre de 5,276 milliards de dirhams. Ce qui fixe le taux de contentialité (créances contentieuses -total des créances) de notre établissement à 8,17 % , en amélioration continue par rapport à 2004 et 2003 où il était respectivement de 11,7 % et 13,18 % Quel est le ratio de ce montant que le recouvrement amiable vous a permis de récupérer ? Par la voie judiciaire, quel aurait été ce pourcentage ? L'effort de recouvrement des créances en souffrance a permis à la banque de récupérer, en 2005, 15 % du stock des créances déclassées au 31 décembre 2004, ce qui situe la performance aux normes internationales. Sur le montant recouvré en 2005, les deux tiers environ l'ont été par voie amiable et le reste par voie judiciaire. Est-ce que c'est raisonnable d'attendre l'échéance d'une créance pour savoir si cette dernière sera payée ou faut-il mettre en place un suivi au jour le jour ? Le suivi des risques est une préoccupation quotidienne du banquier et les outils développés par notre établissement sont très précis et couvrent l'intégralité des créances. Ainsi, tous les signes précurseurs de difficultés sont appréhendés suffisamment en amont que ce soit au niveau du réseau ou des équipes dédiées à cet effet au niveau de la Direction Gestion Globale des Risques. Toutefois, permettez-moi de vous donner quelques précisions sur le recouvrement. Il concerne les créances liquides ; certaines (qui ne souffrent pas de contestation) ; exigibles (ce qui veut dire qu'elles doivent soit être échues, soit déchues dans le cadre d'une déchéance du terme. Le suivi à mettre en place consiste, par conséquent, à vérifier que les conditions d'exigibilité sont réunies pour activer le recouvrement). Pourquoi Attijariwafa bank n'externalise pas ses créances, une voie qui offre, pourtant, beaucoup d'avantages ? Détrompez-vous, la banque externalise une partie de ses dossiers en recouvrement vers des sociétés spécialisées et à la notoriété reconnue. Notre objectif est de centrer les efforts de nos équipes sur les créances importantes. Ce sont surtout les créances de montants moins importants qui nécessitent autant de travail que les plus importantes qui sont confiées à des sociétés de recouvrement. Nous restons prudents afin de pouvoir préserver l'image de la banque, d'autant que nous travaillons sur la mise en place des outils de reporting et de suivi. En tous les cas, ces partenaires sont efficaces surtout pour la localisation des débiteurs et de leurs patrimoines. En tant que professionnel, pensez-vous que certains clients usent de la mauvaise foi pour se cacher derrière les procédures judiciaires ? Le passage par la voie judiciaire est souvent un passage obligé, car c'est la seule façon d'obtenir un titre exécutoire qui permet la réalisation des différentes saisies pratiquées et la vente des garanties en possession de la banque (hypothèque , fonds de commerce). Pour les clients de mauvaise foi, la multiplication des reports d'audiences et les contestations non fondées sont des tentatives dilatoires visant à retarder le remboursement des créances. Dans certains cas, les procédures judiciaires peuvent s'inscrire dans la durée 3 à 5 ans et ce malgré les améliorations récentes dues à la création des Tribunaux de Commerce. Mais rassurez- vous, la clientèle de mauvaise foi est peu nombreuse. Dieu merci, les Marocains tiennent encore au capital que représente, pour eux, le nom de famille. Pourquoi la procédure judiciaire parait-elle si fastidieuse ? La création des tribunaux de commerce spécialisés dans la prévention et le traitement de l'insolvabilité a amélioré considérablement la résolution des litiges commerciaux avec un traitement plus cohérent et efficace des litiges par le système judiciaire. Toutefois, l'efficacité du système est entravée par le recours abusif aux procédures d'insolvabilité par certains débiteurs qui bénéficient d'une suspension des poursuites d'une durée parfois excessive. De même que la contestation fréquente et injustifiée des créances donne lieu à des expertises parfois mal exécutées, du fait de l'absence de définition d'une responsabilité quelconque des experts quant aux rapports établis par leurs soins. C'est, aujourd'hui, un chantier sur lequel se penchent le ministère de la Justice et les membres du G.P.B.M. Il y a, aujourd'hui, une réelle volonté politique d'encourager l'investissement national et étranger ; cela passe par une amélioration encore plus conséquente du système judiciaire.