Dans un contexte mondial de crise financière, la place de Casablanca navigue à vue, faute de visibilité et à défaut de dynamisme des investisseurs du marché. Alors que le troisième semestre 2011 se clôt sur une baisse des principaux indices, la tendance annuelle, et au-delà celle amorcée par la crise des subprimes (2008) et de la dette des pays occidentaux (2009 – 2010), devrait persister dans le rouge. À l'heure actuelle, la seule certitude, c'est que le cycle baissier n'est pas près de s'achever. Perspectives incertaines Voilà bientôt trois ans que la place boursière de Casablanca enchaîne, coup sur coup, les contreperformances, atténuées de temps à autres, et sans véritable raison, par des sursauts, non pas d'orgueil, mais plutôt conjoncturels, voire factuels. Les raisons invoquées par les observateurs du marché sont toujours les mêmes: tensions géopolitiques régionales, instauration d'un climat de défiance et d'attentisme ... ce qui, au final, dresse le même tableau, à savoir peu de transactions boursières, peu d'introduction en Bourse, peu de dynamisme des investisseurs... «Le Marché boursier marocain est caractérisé depuis un moment par l'absence de nouvelles tendances nettes. En termes de projections, notre analyse des supports de zones d'achat fait ressortir globalement le maintien du mouvement à la baisse des indices, jusqu'à un seuil compris entre 10.800 et 11.000 points. Techniquement, si le cycle de repli persiste, ce à quoi nous nous attendons, le premier seuil psychologique établi à 11.000 points risque d'être cassé, ce qui ramène le nouveau seuil à 10.800 points. Suivant le même scénario, un nouveau repli pourrait ainsi faire baisser le seuil du support à un niveau de 10.400 points», précise un analyste du marché. Tous ces scénarii augurent donc de perspectives pour le moins pessimistes. Toutefois, au regard de la nature même des marchés boursiers, la teneur de ces dernières se doit d'être quelque peu nuancée. «Toutes choses étant égales par ailleurs, la place de Casablanca est entrée, depuis 2008, dans un cycle baissier qui dure généralement de 5 à 7 ans. Nous en sommes à la 3e année, et faute de visibilité et surtout de market making, nous pensons que cette tendance respectera malheureusement ces prévisions cycliques», conclut ce même analyste. Les investisseurs devront dès lors prendre leur mal en patience, en attendant que le déroulement «naturel» de l'actuelle phase cyclique prenne fin. Un troisième trimestre en berne S'il fallait une autre preuve de la morosité qui règne sur la place de Casablanca, la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), nous en fournit une. Elle émane du dernier rapport de conjoncture établi mensuellement par cet organe du ministère des Finances, lequel fait état, dans l'ensemble, d'une «évolution différenciée des indicateurs boursiers au cours du troisième semestre». D'un mois sur l'autre, l'évolution des indices est passée par trois étapes distinctes : une première phase marquée par la baisse des deux principaux indices Masi et Madex de près de 14,8 % par rapport à fin décembre 2010 ; une seconde phase de léger redressement, qui a ramené la baisse des deux précédents indices à -6,8 % et -6,5 % respectivement ; suivie enfin par un repli en fin de trimestre, où les deux indices ont terminé respectivement à 11.467,63 et 9.376,39 points, relevant ainsi leur rythme de baisse à -9,4% et -9,3%. Dans ce contexte, il en est de la capitalisation boursière comme du volume des transactions : les deux accusent un net repli, comparé à fin décembre 2010. Avec 531,4 milliards de DH, la capitalisation boursière est en baisse de 8,2 %, même si on note une légère hausse (1,1%) par rapport à juin 2011. Le volume des transactions a atteint, lui ,14,7 milliards de DH, répartis comme suit : 47% pour le marché central, 15,6% pour le marché de blocs, 34,3 % pour les augmentations de capital, 1,9% pour les transferts d'actions, et 1,1 % pour les introductions d'obligations. Il en va de même du volume des transactions sur les neufs premiers mois de l'année, qui avec une baisse de 8 % comparée à la même période en 2010, termine à près de 76,8 milliards de DH. S'agissant enfin des indices sectoriels, les performances ne sont pas au rendez-vous. Seuls 24% des secteurs cotés en Bourse ont su tirer leur épingle du jeu, un jeu à somme négative. Ces quelques performances sont à mettre au crédit du secteur minier (48,7%), seul à véritablement tirer le marché vers le haut, et des secteurs du pétrole et du gaz (12,7%), des assurances (7,9%) des banques (4,3%) et de l'industrie pharmaceutique (3,4%). Feuille de route Si les autres places boursières internationales paient chèrement le tribut de la sophistication de leurs instruments financiers, la nôtre souffre a contrario du peu d'instruments mis à disposition des investisseurs. Si ces derniers manifestent d'ailleurs leur peu d'entrain pour le marché des actions par exemple, voire des obligations, c'est que le marché offre peu d'opportunités, faute toujours de diversité des méthodes et des instruments. À ce titre, le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM) vient de rendre publiques les conclusions d'une étude réalisée dans le cadre de l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) sur l'état actuel du développement des marchés des obligations privées dans les pays émergents, y compris le Maroc. Si cette étude se veut optimiste pour l'avenir, elle révèle par ailleurs un certain nombre d'obstacles qui entravent le développement d'un tel marché aux dépens des autres segments financiers. De la fragilité du cadre réglementaire à l'inefficience de l'infrastructure des marchés, c'est surtout le nombre limité d'investisseurs intervenant sur le marché qui fait défaut. Par extension, cette problématique structurelle affecte tous les compartiments de la place financière de Casablanca. Les recommandations qui ressortent de l'étude peuvent elles aussi être étendues à l'ensemble du marché boursier : amélioration de l'efficience du marché en diversifiant les instruments financiers, amélioration de l'infrastructure du marché en élargissant la base des investisseurs, mise en place d'un système de market making ... La redynamisation du secteur boursier devrait aussi passer par l'établissement final de la CasaFinanceCity, qui pourrait faire sauter une étape à la finance marocaine en lui conférant une dimension internationale. Alors que l'avantage dont disposait la Tunisie vient d'être anéanti par le printemps arabe, la CFC se trouve aujourd'hui bloquée par le peu d'enthousiasme exprimé par les investisseurs étrangers à l'égard de ce projet, du fait de la crise financière actuelle. Le road show étant annulé pour les uns, reporté pour les autres, ce qui est certain, c'est qu'aucun élément nouveau et d'envergure ne pourra mettre fin définitivement à l'actuel cycle baissier de notre place financière. Au regard de la situation financière internationale en général et de la structure actuelle du marché boursier Casablanca en particulier, la méforme risque de durer encore longtemps.