Karim El Hnot : Directeur général de Sogécapital Gestion (groupe Société Générale Maroc) Les Inspirations ECO : Qu'est-ce qui explique l'éclaircie du marché actions durant le premier trimestre ? Karim El Hnot : Au vu des réalisations financières des sociétés cotées qui demeurent pratiquement stables par rapport à 2014 (hors Alliances et Samir), deux facteurs plaident en faveur de l'embellie du marché des actions actuellement. Il s'agit, à mon avis, de l'abondance de la liquidité et de la baisse importante enregistrée par les taux obligataires depuis le début de l'année. Ces deux facteurs encouragent la recherche de rendement et la prise de risque pour générer des performances plus élevées. De ce fait, les investisseurs se sont tournés naturellement vers le marché des actions. Pour preuve, la plupart des actions qui ont performé offrent un rendement de dividende plus élevé que la moyenne. En effet, face à des rendements obligataires qui s'effritent (ce qui par ailleurs est positif pour la valorisation des OPCVM), certains investisseurs préfèrent un arbitrage vers certaines actions qui offrent un dividend yield de 4% voire plus, sachant qu'on peut toujours espérer réaliser également une plus-value sur capital si les cours progressent. Quelle sera la tendance du marché des actions sur les prochaines semaines ? Je reste assez sceptique quant à un nouveau cycle haussier durable pour le marché des actions. La raison principale est la cherté relative du marché (ndlr : le marché marocain est à 17,5 x ses résultats), et surtout l'absence d'une croissance économique forte à court terme. Avec une croissance économique prévue en 2016 entre 1 et 2%, la progression de la masse bénéficiaire des sociétés cotées restera globalement faible. Néanmoins, la faible liquidité du marché et la recherche de rendement seront des facteurs de soutien au marché des actions à court terme. La fin de la période de détachement de dividende pourra infléchir la hausse enregistrée. Quel en sera l'impact sur les OPCVM actions ? Ces derniers devraient évoluer globalement de la même manière que le marché. Je pense que les OPCVM actions feront en moyenne la performance du marché boursier, mais apportant une liquidité et une diversification difficiles à reproduire si l'on gère son portefeuille d'actions directement. Je voudrais également dire que les OPCVM ont déjà intégré une valorisation à zéro des titres Samir qu'ils ont en portefeuille ce qui devrait rassurer les nouveaux souscripteurs. Qu'en est-il du marché obligataire ? Le même phénomène d'abondance de liquidités est en jeu sur le marché obligataire, mais à mon avis avec encore plus de force et d'impact. La baisse drastique des déficits jumeaux (déficit budgétaire et déficit de la balance courante) a conduit, d'une part, à une baisse de l'offre de titres souverains (vu la baisse des besoins de financement du Trésor) et, d'autre part, à une augmentation de la demande sur ces mêmes titres (vu la liquidité qui s'améliore). Ces deux phénomènes, qui sont d'ailleurs liés, ont conduit à une accélération de la baisse des taux depuis début 2016. Un signe explicite : les banques n'ont plus besoin de l'avance à 7 jours de la Banque centrale puisqu'elles ont des excédents de liquidités. Cela d'ailleurs induit de nouvelles questions à se poser : quelle serait la politique monétaire idoine à adopter dans ce nouveau cadre? Quid de l'impact de la baisse des taux directeurs ? La Banque centrale va-t-elle ponctionner des liquidités à un moment ou un autre ? À mon avis, le marché n'a pas encore intégré tous les changements induits par la surliquidité qui refait surface. Pensez-vous que cette baisse des taux obligataire va se poursuivre ? Pour des raisons techniques, les taux obligataires peuvent encore baisser. Le déséquilibre offre/demande est tel qu'il est difficile de prédire jusqu'où baisseront les taux. Ce sont des phénomènes puissants que j'aime bien comparer à des vagues. La surliquidité peut provoquer des distorsions dans les prix des actifs qui s'éloignent de leur valeur intrinsèque. Ceci dit, et à court terme, je ne vois aucun phénomène qui pourrait exercer une pression à la hausse sur les taux obligataires. Nous anticipions en début d'année une performance annuelle autour de 4%. Nous les avons pratiquement atteints dès maintenant, au terme de trois mois et demi. Comment devraient donc se comporter les OPCVM obligataires ? Tous les éléments précités plaident en faveur des fonds obligataires. L'embellie observée sur le premier trimestre devrait se poursuivre, mais (je l'espère) à un rythme plus modéré. Au final, on aura une très bonne année sur le marché obligataire. Il est néanmoins extrêmement important de respecter l'horizon d'investissement qui est de 3 ans au moins pour cette classe d'actifs.