Alors que les perspectives de croissance s'assombrissent davantage, la Banque centrale vient de concéder une nouvelle baisse de 25 points de son taux directeur. Selon le gouverneur de BAM, cette baisse vise à soutenir l'activité économique en l'absence de toute pression inflationniste. La décision issue de la première réunion de l'année de Bank Al-Maghrib (BAM), dont le Conseil s'est réuni mardi, aura certainement à peine un goût de «petit coup de pouce» pour ceux qui attendaient des mesures plus accentuées de la part de la Banque centrale. BAM a certes concédé une nouvelle baisse de son taux directeur de 25 points de base, pour le ramener désormais à 2,25%. «Cette décision vise à soutenir l'activité économique», a tenu à préciser le gouverneur de BAM, Abdelatif Jouahri, qui met en avant l'absence de toute pression inflationniste qui aurait nécessité une intervention de la Banque. Après les deux baisses successives consenties en 2014 et 2015, lesquelles n'ont pas eu vraiment l'effet escompté sur le marché, la Banque centrale n'a eu d'autres choix que de recourir à une nouvelle baisse de son taux directeur. Le commentaire d'un analyste, à la suite de la publication de cette décision, en dit long sur les attentes des acteurs du marché: «La Banque centrale ne peut finalement utiliser que les outils dont elle dispose pour dynamiser le marché». En clair, donc, ceux qui attendent de voir la Banque centrale suivre le pas de la BCE ou de la FED américaine, dans l'adoption des mesures mêmes non-conventionnelles pour insuffler une onde de choc destinée à faire répartir l'activité économique, devraient se désillusionner. Les perspectives ne sont pourtant pas des plus reluisantes particulièrement pour cette année et BAM a même revu ses prévisions de croissance à 1% pour 2016. À défaut de mieux faire donc, la Banque centrale a bougé un peu même si, selon Jouahri, c'est déjà beaucoup d'efforts si l'on tient compte des trois baisses consécutives en si peu de temps. Les mesures conventionnelles attendues ne sont apparemment pas à l'ordre du jour puisque c'est la même tendance qui se dégage de l'initiative prise par BAM, l'année passée, de mettre en place des taux préférentiels en matière de crédits à l'investissement pour les PME. Selon le gouverneur de BAM, les premiers résultats n'ont pas été à la hauteur des objectifs fixés. Tendance baissière pour l'inflation Le Conseil a relevé, dans son rapport sur la politique monétaire adopté par la même occasion, une tendance baissière de l'inflation observée ces derniers mois. Ainsi, après un taux de 1,6% sur toute l'année 2015, la variation des prix en glissement annuel est revenue à 0,5% en moyenne, durant les deux premiers mois de 2016. Pour l'ensemble de l'année, la Banque centrale a révisé ses prévisions à la baisse pour les estimer à 0,5%, avec un ralentissement de l'inflation sous-jacente, impactée par la faiblesse de la demande intérieure et de l'inflation dans la zone euro. Pour l'exercice prochain, elle devrait remonter à 1,4%, selon les projections de la Banque centrale qui anticipe, par là, une accélération de la composante sous-jacente et une hausse des prix des carburants et lubrifiants. Toutefois, ces prévisions n'intègrent pas la décompensation du sucre annoncée à partir de janvier 2016, mais qui n'est toujours pas entrée en vigueur. D'après l'appréciation personnelle de Jouahri, cela pourrait s'expliquer par cette «année électorale qui n'est pas propice à la mise en œuvre de certaines mesures». Excédent de liquidités bancaires en 2016 L'impact du renforcement des réserves de change s'est reflété au niveau de la liquidité bancaire, qui s'est déjà nettement améliorée en 2015 et devrait devenir excédentaire à partir du deuxième trimestre de l'année. Il faudrait remonter à 2007 pour retrouver ce niveau. Selon BAM, les taux débiteurs ont en parallèle, accusé une nouvelle baisse de 18 points à 5,49%, au terme du 4e trimestre de 2015, avec des diminutions des taux assortissant les prêts aux entreprises de 17 points pour les facilités de trésorerie et de 59 points pour les crédits à l'équipement. «Malgré ces conditions accommodantes, le crédit bancaire au secteur non financier a continué de décélérer, dans un contexte de faible niveau, des activités non-agricoles», a relevé la Banque. En chiffres, la progression du crédit bancaire est revenue à 0,4% en 2015, en raison du repli de 2,2% des prêts aux entreprises et une hausse de ceux destinés aux ménages de 3,7%. Pour les prochains mois, les perspectives du rythme de progression de crédit ont été estimées autour de 2,5% en 2016 et de 4% en 2017. Il va falloir toutefois attendre les prochains mois pour se faire une idée des répercussions des décisions de BAM qui travaille, selon son gouverneur, «pour une meilleure transmission des décisions de la banque en matière de politique monétaire». Il convient de le rappeler: au début de l'exercice dernier, c'était un optimisme plus marqué qui prévalait en la matière, à la suite notamment des décisions prises par la Banque centrale par rapport à son taux directeur. L'espoir s'est, par la suite, dissipé, les décisions n'ayant pas eu l'effet escompté, comme l'a reconnu Abdelatif Jouahri. Attentisme «C'est peut-être, l'attentisme dû à cette période électorale qui explique le contexte actuel», a tenté de justifier Abdelatif Jouahri, en référence à cette problématique de la décélération du crédit bancaire. Visiblement, l'initiative prise par BAM de réunir les différents acteurs (banques et secteur privé) pour déceler les raisons de cette situation paradoxale, n'a pas pu se traduire par de nouveaux engagements concrets. «Nous avons clairement parlé», a toutefois, souligné le gouverneur, tout en relevant que chaque partie fait ressortir d'autres doléances qui vont au-delà du coût du crédit. C'est le cas notamment du délai de paiement qui est aussi assez important entre les entreprises, ce qui n'est pas prêt d'arranger les choses. Tags: situation économique