Si les professionnels agricoles qui faisaient face à la presse, lundi, se refusaient de tomber dans le pessimisme quant à une ratification prochaine, il reste toutefois évident que ce sursaut de communication entendue et partagée semble intervenir un peu tard, vu l'état d'avancement actuel du processus de codécision au sein de l'UE portant accord agricole avec le Maroc. Il semble effectivement clair – pour ceux qui ont suivi ce dossier de près - que le lobby de l'autre côté du détroit a déjà pris une bonne longueur d'avance sur la problématique. «Je ne dirais pas que nous avons trop attendu avant de réagir mais plutôt qu'il fallait laisser du temps aux institutionnels ainsi qu'à la diplomatie parlementaire de faire leur travail. Mais nous nous sommes rendu compte que la problématique de la contestation de l'accord reste entière», se défend ce responsable d'une filière exportatrice, à la descente de l'estrade. «Nous avons effectué plusieurs visites ces derniers mois auprès de responsables parlementaires européens. Certains ont joué le jeu du dialogue, d'autres nous l'ont carrément refusé», renchérit cet autre représentant du secteur agricole. Quoi qu'il en soit, ne serait-il pas plus sage de penser dès à présent à un plan B ? Cela est d'autant plus valable si l'on sait que l'accord agricole est aujourd'hui vu comme un des principaux acquis du partenariat Maroc-UE dans la politique du statut avancé. «Techniquement, en cas de rejet du texte par le Parlement européen, la Commission européenne demandera un nouveau mandat pour rouvrir de nouvelles négociations avec le royaume. Autrement dit, on repartirait à zéro», explique Younès Zrikem, président de l'Association marocaine des exportateurs m arocains (ASMEX). Ce dernier avance toutefois que d'autres accords en négociation, sur les services et les politiques d'admission, devraient également être affectés en cas de rejet de l'accord agricole. C'est donc tout le processus du statut avancé qui s'en verrait compromis. Les «quatre vérités» Les professionnels ont par ailleurs tenté de crever l'abcès en exposant les raisons réelles du blocage. Pour Younès Zrikem, ce qu'il tient à considérer comme une «mauvaise foi» de certains eurodéputés, ne peut être expliqué que par un certain nombre d'éléments. Le premier réside dans le fait que «les parlementaires européens en charge du dossier font preuve à chaque fois d'une méconnaissance technique du fond». Ces derniers n'auraient en effet pas l'habitude de traiter ce genre d'accord, ce qui justifierait la lenteur des prises de décision. De plus, il y aurait aussi au sein du Parlement européen «des membres qui veulent régler des comptes avec la Commission européenne, en faisant tout pour retarder les décisions de cet organe de l'UE». Outre cela, des pays comme l'Italie et l'Espagne voient le Maroc comme un concurrent potentiel sur certains marchés de l'intérieur de l'UE, dans lesquels les produits du royaume gagneraient de plus en plus de parts. À cela s'ajoutent aussi des parties tierces, qui jouent sur le dossier du Sahara pour peser sur l'avancée du processus. Pour le moment, le mois de janvier est encore avancé comme période probable de ratification de cet accord ... aux nombreux désaccords. Point de vue: Dr. Abdelkader Amara, Parlementaire et ex-président de la Commission des secteurs productifs Nous savons tous que l'accord agricole avec l'UE entre dans un cadre plus global, qui est celui du Statut avancé, ce qui lui donne un enjeu important, non seulement pour le Maroc, mais même pour l'UE. Sur le plan stratégique, les européens ont bien intérêt àce que le Maroc réussisse son Statut avancé. C'est pourquoi je pense que cet accord finira bien par être ratifié. Même s'il est évident qu'il faudra compter avec le retard que pourrait provoquer certains eurodéputés réputés très lobbyistes. Cette susceptibilité est exacerbée par la situation de crise de la dette que traversent actuellement plusieurs pays en Europe, dont l'Espagne justement. Je pense aussi, qu'en ce moment, le Maroc a fait énormément de concessions et d'efforts qui montrent sa bonne foi pour aller de l'avant dans cette politique de voisinage avec l'Europe. La balle serait donc plutôt dans le camp des européens. Quant à la sortie des opérateurs agricoles, je la juge tout à fait légitime. Seulement, il ne faudrait pas qu'ils se limitent au royaume. Ils doivent poursuivre cette démarche jusqu'auprès de l'opinion publique européenne.