Bachir Baddou Directeur général de la Fédération marocaine des sociétés d'assurances et de réassurance (FMSAR) Les ECO : Quels sont, selon vous, les enjeux de la mise en place d'une nouvelle mouture du Code des assurances ? Bachir Baddou : Il s'agit d'une évolution des textes existants pour renforcer la résilience des entreprises d'assurances face aux menaces auxquelles elles sont exposées, mieux protéger les biens et les individus et améliorer la pénétration de l'assurance dans le tissu économique et social du pays. Les enjeux sont nombreux. Deux me semblent importants à souligner. Le premier concerne le passage à de nouvelles règles de solvabilité basées sur les risques, à l'instar de ce qui se passe sur les marchés matures. La construction de la future norme devra veiller à ne pas freiner, par des contraintes réglementaires trop restrictives, l'investissement des entreprises d'assurances dans le tissu productif. Il est clair que l'exposition au «risque action» de certaines de nos entreprises d'assurances nationales est trop forte et il convient de la réduire progressivement, mais il faut leur permettre de continuer à investir et à accompagner le développement économique et social de notre pays. Le 2e enjeu pour moi est de bien réussir l'implémentation de l'assurance «Takaful». S'il y a un marché, alors il faut y aller, maissans pour autant opposer l'assurance classique à l'assurance dite «islamique». L'assurance classique est tout à fait halal et elle a pleinement sa place dans notre société arabo-musulmane. Les acteurs du secteur ont-ils été impliqués dans l'élaboration de ce nouveau code ? Les acteurs du secteur sont toujours impliqués dans le processus d'élaboration des textes réglementaires. Nous travaillons, main dans la main, avec la Direction des assurances et de la prévoyance sociale et chaque évolution réglementaire est discutée et partagée. Même lorsque nous ne sommes pas d'accord, chacune des deux parties cherche à convaincre sur le bien-fondé de sa position et au final nous parvenons toujours à un consensus. Nous cherchons toujours avec le régulateur le meilleur équilibre permettant de préserver les intérêts des assurés, renforcer la solvabilité des entreprises d'assurances, améliorer le taux de pénétration de l'assurance, optimiser le réemploi de la collecte de l'épargne dans l'économie nationale tout en permettant aux actionnaires d'obtenir un ROE raisonnable. Quelle est votre lecture de la loi n° 059-13 ? Des ajustements sont-ils nécessaires ? Il n'y a pas d'ajustement nécessaire par rapport à cette évolution réglementaire puisque nous avons été pleinement associés en amont et que nous y souscrivons parfaitement. D'ailleurs, l'ensemble des nouveautés contenues dans la loi 059-13 faisaient partie de la feuille de route tracée par le contrat-programme du secteur de l'assurance signée en 2011 entre notre fédération et 9 ministres du «gouvernement Abbas El Fassi». Quels seront les défis que devront relever les compagnies d'assurances suite à l'adoption de cette loi ? Les évolutions réglementaires ne représentent pas de vrais défis si ce n'est d'adapter les textes et le cadre juridique au contexte marocain et à son économie et d'éviter d'importer des normes conçues pour des marchés matures et des marchés financiers très complexes. Les vrais défis sont ailleurs et le 1er est d'ordre RH. Nous devons continuer à renforcer nos ressources et mieux les former car le monde change et notre secteur est intrinsèquement lié au monde et à ses évolutions. De nouveaux métiers apparaissent et ceux existant deviennent plus complexes. Nous devons être capables d'offrir des solutions assurantielles visant à couvrir les biens et les individus dans un environnement qui ne ressemblera pas demain à ce que nous avons connu jusque-là. De nouveaux risques apparaissent et nous devons être capables de les mesurer, les appréhender et les tarifer. Je peux citer les risques climatiques, les risques liés au terrorisme, les risques liés à la cybercriminalité, les risques liés à des véhicules sur lesquels la technologie prend de plus en plus la main sur l'homme et bien d'autres encore. Un autre défi concerne le numérique et le digital. Il ne faut pas rater ce virage qui va s'accélérer et aller beaucoup plus vite que l'on peut l'imaginer. L'assureur classique sera en concurrence demain avec des «e-assureurs» et une distribution de plus en plus dématérialisée et digitalisée. La relation et l'expérience client vont changer. Les assureurs marocains y travaillent, mais ils doivent aller plus vite pour ne pas se faire surprendre. Il s'agit de grands sujets sur lesquels les grands assureurs mondiaux investissent des dizaines de millions d'euros.