Une nouvelle vague de changements attend le marché marocain de l'assurance avec le projet de loi n°059-13 modifiant et complétant la loi n°17-99 portant Code des assurances. Il s'agit de donner une nouvelle impulsion au secteur. Le marché marocain de l'assurance s'engage dans un nouveau processus volontariste de modernisation. Ce dernier vise à la fois à donner une nouvelle impulsion au secteur de l'assurance, à l'adapter aux normes internationales et à lui permettre de se mettre au diapason des mutations sociales et économiques en cours. C'est dans ce processus que s'inscrit le projet de loi n°59-13 modifiant et complétant la loi n°17-99 portant code des assurances. Ce projet de loi a ainsi pour objectifs d'instaurer le principe de solvabilité basée sur les risques, et d'améliorer la gouvernance des entreprises d'assurances et de réassurance et de renforcer leur transparence. En outre, il met en place un cadre légal propice à la finance islamique (Takaful) qui s'impose de plus en plus dans le paysage de l'industrie financière mondiale. Le projet de loi élargit également le champ des assurances obligatoires en instaurant les garanties «tous risques chantier» (TRC) et la responsabilité civile décennale (RCD). Le secteur a fait du chemin L'activité de l'assurance n'a cessé de croître et de prendre de l'ampleur ces dernières années, tant par le chiffre d'affaires réalisé que les sommes placées sur les marchés financiers. Les derniers chiffres du secteur font, en effet, état d'un montant de primes émises qui a atteint les 28,42 MMDH en 2014, une progression de 6,3% en comparaison avec les émissions de 2013, qui s'étaient chiffrées à 26,73 MMDH. Le taux de pénétration du secteur se situe à 3,2% du PIB. De leur côté, les placements affectés aux opérations d'assurances totalisent 120,3 MDH à fin 2014, étant alors en hausse de 5,6% après une hausse de 4,4% en 2013. Pour arriver à ce niveau de maturité, le secteur de l'assurance au Maroc a connu de profondes mutations, notamment une première refonte importante de son cadre juridique en 2012, suivie de la libéralisation des prix à partir de 2006, la mise en place de l'assurance maladie obligatoire, le renforcement des règles prudentielles, Casablanca Finance City, le contrat-programme signé en 2011 entre le gouvernement et les principaux acteurs du secteur, mais également un mouvement de concentration assez important (le nombre des entreprises d'assurance est passé de 23 en 1990 à 17 au terme de 2012). Aussi, l'arrivée de deux nouveaux acteurs en 2014, à savoir MAMDA Re, filiale réassurance de MAMDA et la Mutuelle d'assurance Chaâbi du Groupe BCP, et Coface Maroc, a permis de dynamiser le secteur et de continuer à accroître son taux de pénétration. Signalons également l'installation du géant américain AIG à Casablanca Finance City. Gisements inexploités Ces implantations ne sont pas anodines! Le Maroc recèle, en effet, un potentiel de développement important, eu égard au niveau encore bas du taux actuel de pénétration du marché (le taux de pénétration est de 3,2% alors qu'il se situe en moyenne entre 8 et 12% dans les marchés développés). Aussi, dans un pays où se confirment l'amélioration du niveau de vie de la population et l'émergence d'une nouvelle classe moyenne où le changement des mentalités se traduit par une réticence moindre aux produits d'assurance, le secteur est amené à davantage croître sur le plan national, mais également sur celui régional. Le bon positionnement des principales compagnies d'assurances marocaines sur le continent africain (Saham Assurance, Wafa Assurance et RMA Watanya) témoigne de l'avancée marocaine en la matière. Ce constat a été conforté en décembre 2014 par les estimations du cabinet américain de conseil en stratégie BAIN & CO qui prévoyait une progression de 15% à 20% des revenus des banques et compagnies d'assurance positionnées en Afrique subsaharienne, qualifiant cette région du continent de «nouvel Eldorado» pour le secteur financier. Des défis à relever Pour profiter de ces opportunités, des défis restent à relever, notamment sur le plan réglementaire, car les enjeux sont nombreux, en particulier concernant le passage à de nouvelles règles de solvabilité basées sur les risques. En effet, les risques auxquels sont confrontées les compagnies d'assurances ne se limitent plus au risque de souscription. Ils s'étendent au risque de marché, opérationnel, de crédit ou encore de liquidité, d'où le nouveau principe introduit dans le projet de loi n° 059-13 qui stipule que les fonds propres ne sont plus destinés à seulement faire face au caractère aléatoire des opérations d'assurance mais à tous les risques auxquels sont confrontées les compagnies. Toutefois, la construction de cette future norme, à l'instar de ce qui se passe sur les marchés matures, devra veiller à ne pas freiner l'investissement des entreprises d'assurances dans le tissu productif. D'ailleurs, la mise en place d'une Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), en tant qu'entité indépendante, constitue aussi une avancée importante qui devrait également permettre d'aligner le secteur sur les pratiques internationales en matière de supervision. L'autre défi concerne l'implémentation de l'assurance «Takaful». Certes, le Maroc, au même titre que d'autres pays émergents, a marqué une volonté de s'inscrire dans le développement de cette industrie, mais il faudra y aller sans pour autant opposer l'assurance classique par rapport à l'assurance dite «islamique». En parallèle, d'autres défis devront être relevés par les compagnies d'assurances. Ces dernières devront intensifier leurs efforts en termes d'innovation, poursuivre l'extension de leur réseau d'agents et optimiser leurs synergies avec les partenaires dans la distribution, notamment les banques auxquelles elles sont adossées. À cet égard, il y a lieu de souligner que la dette des intermédiaires envers les compagnies d'assurance demeure le talon d'Achille du secteur. Toutefois, un ensemble de mesures devraient être mises en place pour y remédier telles que l'instauration par la refonte du Livre IV du principe de ségrégation des avoirs chez les intermédiaires et la clarification de la distribution par les banques des produits d'assurance. l