Les Echos quotidien : Cette année marque un retour en force de Fehd Benchemsi sur le petit écran. Un secret à cela ? Fehd Benchemsi : Il n'y a pas de secret. J'ai eu des propositions, je les ai acceptées sans avoir aucune idée de leur date de diffusion. Le téléfilm de Zakia Tahiri et Ahmed Bouchaâla «Marhba», par exemple, diffusé il y une semaine sur 2M, a été tourné il y a un an. Pour résumer, je ne travaille pas spécialement pour ramadan. Justement, que pensez-vous de ces productions que l'on nous propose durant le mois sacré ? Je pense que le niveau est encore très faible. C'est vrai qu'on ressent un certain effort au niveau quantitatif, qu'il y a de nouvelles têtes susceptibles de donner un nouvel élan à notre cinéma dans le futur, mais il y a toujours quelque chose qui manque. Je ne m'exclue pas de cette critique. Je ne suis jamais satisfait de mon travail. Vous savez, nous avons un vrai problème de scenarii qui fait que nos productions ne sont pas encore à la hauteur. Les réalisateurs, producteurs et comédiens se plaignent depuis toujours du manque de bons scénaristes. Des cellules d'écriture ont été mises en place pour pallier à ce manque, mais en vain. Quelle est la solution, selon vous ? Les scénaristes sont libres d'écrire ce qu'ils veulent. Par contre, ceux qui valident ces scénarios ne sont pas libres d'accepter n'importe quoi. Il faut penser à ces 30 millions de Marocains assoiffés de productions nationales et qui sont souvent déçus. Le cinéma est révélateur de notre société, et puisque cette dernière est schizophrène, hypocrite et remplie de défauts, nos scenarii ne peuvent que l'être aussi. On écrit des choses que l'on ne pense pas, on n'ose pas aborder les sujets «tabous»... Il n'y a pas de recette magique : une société totalement libre, en paix avec elle-même, ne peut qu'engendrer un cinéma libre. Est-ce que vous avez déjà été censuré ? On a censuré une scène, dans la série «Machi Lkhatri», qui se passait dans un bar et où je devais boire un verre. Cette semaine, en regardant la télé, j'ai vu une scène où un monsieur était en train de boire une bière. Je pense que les responsables censurent au gré de leur humeur. Il n'y a pas de critères déterminés sur lesquels on se base pour faire des remarques sur telle ou telle scène. Mais cela se passe différemment au cinéma... C'est vrai. On essaie de ne pas toucher à certaines choses au cinéma. C'est d'ailleurs notre seul moyen de nous exprimer librement. Je trouve que certains films qui ont été réalisés récemment reflètent réellement notre vécu quotidien. Insérer des gros mots dans les scénarios des films est tout à fait normal. Il n'y a pas de culture sans le langage de la rue. Il faut arrêter de s'engouffrer dans la première brèche venue ! Certaines personnes n'aiment pas ce genre de films, comme d'autres adorent ces productions médiocres qu'on diffuse depuis des années. Chaque travail a son public. Sur quels critères vous basez-vous pour choisir vos rôles ? Deux critères sont très importants pour moi : le scénario et le personnage. Je peux interpréter le rôle d'un voyou comme celui d'un riche gâté. L'essentiel, c'est d'aimer ce que l'on fait. L'idée de passer derrière la caméra ne vous effleure-t-elle pas l'esprit ? Pas du tout. L'idée ne me passe même pas par la tête. Je sais que pour un journaliste, l'ascension est de devenir rédacteur en chef et directeur de publication par la suite. Dans notre domaine, c'est complètement différent. Passer derrière la caméra veut dire exercer un autre métier, alors que je ne veux pas faire autre chose que ce que je suis en train de faire actuellement. En tant qu'acteur, gagnez-vous bien votre vie ? Je gagne bien ma vie mais pas assez par rapport à un acteur étranger. Nous avons de très bons comédiens et de très bons réalisateurs qui n'ont rien à envier à leurs homologues étrangers, mais malheureusement, nous n'avons pas de bons scénaristes ni de bonnes conditions de production. C'est un handicap qui fait que notre cinéma n'est pas encore prêt se professionnaliser. Après le mois sacré, le public aura-t-il l'occasion de vous découvrir dans d'autres rôles ? J'ai participé à trois longs métrages qui seront bientôt dans les salles. Il s'agit de «Un film» de Mohamed Achaouer, «La mort à vendre» de Faouzi Bensaïdi et «L'amante du Rif» de Narjiss Nejjar. Trois rôles complètement différents. Vous arrive-t-il de regretter de participer à certaines productions ? Jamais. La raison en est toute simple : je prends tout mon temps pour réfléchir à chaque proposition avant de donner mon aval. Je défends tous les travaux auxquels j'ai participé. En un mot, je suis en paix avec moi-même.