La sécurité, la stabilité et la prospérité sont les missions affichées par Africom. Ambiguë ou contestée, il n'en reste pas moins que cette plateforme militaire est au cœur des questions militaires et sécuritaires stratégiques sur un continent qui attise les convoitises. C'est dans l'un des quartiers verdoyants de la ville de Stuttgart, en Allemagne, que se niche le siège du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (United States Africa Command ou Africom) au cœur de la caserne de Kelly. Il semble à première vue qu'il s'agit d'une simple caserne sous la surveillance de quelques militaires et pourtant, c'est là que se fait depuis sa création en 2007, la coordination des différentes activités militaires et sécuritaires des Etats-Unis sur le continent africain. Mission ambiguë, contradictoire pour certains ou expression de la force et de la domination américaine pour d'autres, Africom n'en demeure pas moins au cœur des questions sécuritaires stratégiques en Afrique. Il en est même le pivot pour certains observateurs, ceci depuis la montée du salafisme et de l'extrémisme dans la corne de l'Afrique ; Boko Haram qui sévit au Niger, le terrorisme islamique au Maghreb et le chaos en Libye. Et au-delà, il y a sans nul doute les enjeux économiques, notamment la géopolitique du pétrole et la compétition économique sur un continent qui attisent les convoitises, en l'occurrence chinoises. «Le commandement des Etats-Unis pour l'Afrique, de concert avec des organismes inter-institutionnels, renforce les capacités de défense, répond aux crises et dissuade les menaces transnationales pour promouvoir les intérêts nationaux des Etats-Unis, favorise la sécurité, la stabilité et la prospérité», précise Chuck Prichard, porte-parole d'Africom, lors d'une rencontre avec une délégation de journalistes marocains et tunisiens au siège d'Africom. Pour lui, ce commandement unifié est en charge des activités militaires des USA en Afrique depuis 2008, alors que celles-ci étaient auparavant partagées entre l'USEUCOM (United States European Command), le commandement européen et l'USCENCOM (United States Central Command), basé en Floride. Ce dernier commandement a par ailleurs gardé l'Egypte dans son giron vu son rôle stratégique dans la région du Moyen-Orient. Il explique que ses tâches essentielles, dans le cadre du renforcement de la coopération régionale, consistent à contrer les organisations extrémistes violentes (VOE) et leurs réseaux, à appuyer le renforcement des institutions de défense, le renforcement de la sécurité maritime, les opérations de maintenance de la paix, les réponses humanitaires, les réactions aux catastrophes et à lutter contre les flux illicites. Il réfute aussi le rôle du gendarme du monde que lui colle certains médias ou observateurs ainsi que l'instabilité ayant augmenté en Afrique et alimenté le militarisme de Washington sur le continent. «Le commandement n'intervient sur le continent que sur la demande des gouvernements africains et c'est en appui au travail des ambassades en Afrique», précise-t-il. Et d'ajouter qu'«Africom fournit la partie militaire des relations et partenariats des USA. Celle-ci étant assurée par différentes composantes de l'armée. La composante terrestre US Army Africa basée en Italie, la composante aérienne US Army Africa basée en Allemagne et la composante amphibie US Marines Forces Africa basé en Allemagne...Toutefois, il est exigé l'approbation du président, qui lui-même a besoin de celle du Congrès américain». Africom sur plusieurs fronts Quoiqu'on dise de la mission d'Africom, il est bel et bien sur plusieurs fronts avec l'appui de 4.000 personnes par jour, dont 2.000 militaires et civils dans le camp de Djibouti, des programmes stratégiques de plusieurs millions de dollars ainsi que des partenariats stratégiques. «Sur les 2.000 personnes qui travaillent pour Africom, il y a 1.500 personnes militaires et civiles qui sont basées à Stuttgart, le reste étant partagé entre la base militaire McDill en Floride et une autre au Royaume-Uni....Les activités militaires sont pilotées souvent par de petites équipes pour une courte durée». Le chef d'Etat-Major et général Kingsley a d'ailleurs mis l'accent sur ces partenariats lors d'une rencontre avec une délégation de journalistes. En se contentant de lire un speech très officiel, Kingsley insiste sur le fait qu'Africom agit en collaboration avec les gouvernements locaux. «Bien qu'il existe des défis en Afrique, je reste optimiste quant à son avenir», a-t-il conclu. Le commandant Bill Parsons, présenté comme le spécialiste du Maroc et de l'Afrique du Nord a de son côté détaillé les programmes avec les partenaires africains, après avoir rappelé les missions d'Africom telles que la lutte contre le terrorisme transnational, le trafic illicite, la sécurité des frontières ainsi que les solutions bilatérales et multilatérales montées en partenariat avec les gouvernements locaux. Il a expliqué que les USA, via Africom, travaillent avec les Nations Unies, entre autres, sur la formation des forces de maintien de la paix, assurent leurs transports. «Nous travaillons en appui de la politique américaine et en accord avec les ambassades américaines dans les pays africains. Il y a différents types de programmes : les manœuvres militaires et des activités de formation entre autres avec de petites équipes d'experts militaires d'Africom», a-t-il précisé. Le partenariat d'Africom avec le Maroc, la Tunisie ou l'Algérie se traduit essentiellement par des exercices et des manœuvres militaires comme les récentes opérations «Lion africain» à Agadir ou «Phoenix express» en Tunisie. Néanmoins, il arrive qu'Africom refuse d'intervenir au niveau de certains pays. «Certains nous reprochent de ne pas intervenir au Niger contre Boko Haram, sachant que nous avons reçu beaucoup de demandes dans ce sens de la part du gouvernement nigérien et il a été difficile de leur faire comprendre que les interventions nécessitent l'approbation du président et du Congrès américain, néanmoins nous apportons un appui à la coalition régionale», a-t-il précisé.