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Sous-liquidité de la Bourse : Comment en venir à bout ?
Publié dans Les ECO le 24 - 03 - 2014

Le sujet qui préoccupe aujourd'hui l'ensemble des intervenants du marché est clairement la sous-liquidité. Comment venir à bout de ce mal qui ronge la Bourse de Casablanca? Analyse.
L'année 2013 n'a pas attesté d'une amélioration particulière de la liquidité dont souffre le marché actions marocain depuis quelques années. Le même contexte a ainsi perduré avec un maintien du trend baissier du ratio de liquidité de la place casablancaise qui est resté aux alentours de 7%, alors qu'il était à 18% six années plutôt. Cela a négativement impacté l'intérêt que pourrait susciter le marché marocain auprès des investisseurs, à la fois nationaux et internationaux. Pour preuve, en analysant plus finement les intervenants sur le marché, on se rend compte que la part des transactions des particuliers s'est réduite de manière spectaculaire ces dernières années. Ainsi, s'ils représentaient 55% des transactions en 2007, ils n'en représentent plus qu'environ 7% en 2013. De plus, la reclassification la place boursière marocaine de MSCI «Emerging Markets» à MSCI «Frontier markets» reflète des faiblesses conjoncturelles, avec une performance négative depuis plusieurs trimestres, mais surtout structurelles, liées à la problématique récurrente de liquidité que vit la place de Casablanca. Pourtant, l'annonce du désengagement de la SNI de ses principales filiales avait été accompagnée d'une volonté d'augmenter significativement le flottant des sociétés concernées, mais rien de concret n'a eu lieu depuis. De son côté, la Bourse de Casablanca (SBVC) a essayé d'agir sur le problème en mettant en place en février 2013 une panoplie de mesures afin de drainer la liquidité et les performances du marché, mais sans grand succès. C'est dans ce contexte que Cejefic Consulting, avec l'appui de la Bourse de Casablanca, a entrepris une étude sur «Le marché action marocain: positionnement et analyse». Cette première étude, d'une série de 7, vise à identifier des pistes d'amélioration aussi bien pour la liquidité du marché que pour son attractivité. Si l'on veut réaliser les ambitions liées à Casablanca Finance City et faire de Casablanca une véritable place financière régionale, il y a un point fondamental auquel il faut s'attaquer: la liquidité de la Bourse des valeurs. En effet, un marché liquide est une caractéristique fondamentale d'un marché efficient et une condition essentielle à l'introduction d'un marché à terme, souligne dans ce sens Brahim Sentissi, directeur et fondateur Cejefic Consulting, lors d'un workshop-débat consacré à ce thème, organisé la semaine dernière par la Bourse de Casablanca.
Un marché de cotation alternatif
Ainsi, quatre pistes d'amélioration, en accord avec la vision des acteurs de marché, ont été identifiées. Il en ressort qu'il y a tout d'abord une nécessité d'augmenter le flottant. «Cependant il serait erroné de croire qu'il s'agit seulement d'augmenter le nombre de sociétés cotées. En effet, nous avons vu que les volumes sont très faibles sur la majorité des sociétés cotées. Il s'agit donc d'introduire des sociétés qui ont un poids important dans l'économie marocaine», souligne l'étude. Cela suppose en premier lieu des privatisations. L'Etat est un acteur de poids dans l'économie marocaine. Il représente à lui seul près de 60% des investissements bruts de l'économie et est actionnaire dans des structures importantes. En effet, les EEP (Etablissements et entreprises publics) représentent 10% de la création de richesses du royaume alors que la plupart ne sont pas cotées en Bourse (OCP, Royal Air Maroc,...). De plus, ce sont pour la plupart des sociétés pérennes qui rassureraient les investisseurs nationaux et internationaux. Il faudra, en second lieu, augmenter le nombre de sociétés cotées, tout en réorganisant le marché. Aujourd'hui, le nombre de sociétés cotées est clairement trop faible (28% des secteurs cotés ne sont constitués que d'un titre. Cependant, il paraît important de faire la distinction entre les grandes capitalisations et celles de tailles moins importantes. En effet, si les volumes sont importants sur les premières, ils deviennent très faibles sur les secondes quelques mois après l'introduction en Bourse. «Pour mettre en valeur les petites et moyennes capitalisations, une tendance mondiale est de créer un marché de cotation alternatif dédié, en les positionnant comme des actions growth (de croissance)», précise l'étude. S'il est vrai qu'il existe déjà aujourd'hui un marché principal, un marché développement et un marché croissance sur la Bourse, il n'y a pas de différence marquée entre ces trois marchés hormis les conditions d'admission. Il convient donc d'attirer plus d'entreprises de taille importante, tout en ne négligeant pas les petites entreprises et en ayant une politique de communication adaptée au niveau de la Bourse pour mettre en avant, auprès des investisseurs, le potentiel et la rentabilité des marchés de développement et de croissance et ainsi augmenter les volumes sur ces titres.
Récupérer les investisseurs
Il s'agira ensuite de développer la vente à découvert. «Cette dernière permettra de soutenir les volumes même en cas de baisse du marché ainsi que l'émergence de nouvelles stratégies d'investissement», soutient l'étude de Cejefic Consulting. Développer la base d'investisseurs est une condition sine qua non pour le développement du marché marocain. Une analyse de l'évolution du poids des investisseurs dans les volumes entre 2007 et 2012 fait ressortir qu'il est très important de réconcilier les personnes physiques avec la Bourse. Il est à noter que le poids des personnes physiques marocaines dans les volumes a été divisé par 6 en 6 ans. En effet, si 36% des volumes du marché central étaient dus aux personnes physiques en 2007, ils ne représentent que 6% en 2012. Cette catégorie d'investisseurs a bien déserté la Bourse. En effet, on aurait pu croire que les personnes physiques restaient investies en Bourse à travers les OPCVM. «Cependant, une analyse des souscriptions montre que ce sont les institutionnels (caisses de retraite et assurances) qui ont entraîné la hausse des actifs sous gestion des OPCVM sur cette période et non pas les personnes physiques. Pour ce faire, plusieurs actions sont à envisager», affirme l'étude. Bien entendu, l'accès simplifié aux marchés via la Bourse en ligne ou l'éducation financière plus accessible (e-learning, workshops dédiés, etc.) sont des solutions intéressantes et commencent déjà à être mises en œuvre. Du point de vue de plusieurs professionnels, il faut surtout permettre à ces investisseurs d'avoir un potentiel de gain. Il s'agit pour cela d'introduire les nouveaux titres à des valorisations plus attractives.
En effet, dans la mémoire collective, on retient surtout les pertes. «Il faut effacer cette image progressivement», explique l'étude. Selon cette dernière, il est également nécessaire de diversifier le marché. La part dans les volumes des personnes morales marocaines a doublé entre 2007 et 2012. Plus précisément, leurs volumes sur le marché central sont restés à peu près stables, mais vu la baisse du volume global, leur part a sensiblement augmenté. Or la plus grande partie de ces volumes est engendrée par les institutionnels (assurances et caisses de retraite), qui au final ne sont pas nombreux et investissent sur le long terme. Les volumes sur le marché central des personnes morales étrangères a diminué de plus de 42% même s'ils représentent 14% du total en 2012. Pour la plupart, il s'agit d'investissements stratégiques, donc sur le long terme. Il faudrait donc pour aller dans le sens de la diversification du marché, développer la gestion sous mandat pour les institutionnels, ce qui permettrait d'avoir une diversité de points de vue de l'investissement. Il faudrait également attirer des investisseurs étrangers plus court-termistes: «cela passe par une mise au même niveau que les places internationales comparables en termes de rentabilité (donc essayer de résoudre le problème de cherté de la place) et d'offre d'instruments (introduire de nouveaux produits)», explique l'étude.
Un produit adapté
Dès lors, si l'on part du postulat que l'introduction de nouvelles mesures et de nouveaux produits est indispensable afin d'apporter de la liquidité au marché, quels sont les produits qui sont susceptibles d'intéresser les particuliers? Typiquement, il est vrai que le prêt/ emprunt de titres pourra rendre le marché plus liquide, mais les particuliers ne seront pas directement impliqués dans ces opérations. Il semble pertinent de dire que ce sont les ETF (Exchange Traded Funds ou trackers) qui sont à même de rencontrer un succès auprès du grand public. En effet, les trackers sont des fonds qui permettent de répliquer la performance d'un indice et peuvent être achetés et vendus sur la Bourse de la même manière qu'une action. Ces instruments permettront aux particuliers d'investir dans des supports moins risqués qu'une action -car diversifiés- et d'être exposés soit à l'évolution de tout le marché marocain, soit à celle d'un secteur (par exemple le secteur bancaire, le secteur informatique, etc.). Avec un succès mondial indéniable depuis leur création aux Etats-Unis il y a 20 ans, les ETF pourraient être un produit intéressant pour les particuliers marocains qui seraient ainsi plus actifs sur le marché en misant sur ces instruments.


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