Mouhammed Mariane Directeur de Marogest, société de gestion Les ECO : Quelles sont vos prévisions quant au développement de la courbe de taux ? Peut-on s'attendre à une poursuite de la baisse et sur quelles maturités ? Mouhammed Mariane : L'évolution de la courbe du taux est avant tout tributaire de la santé des finances publiques. À fin juin, l'exécution de la loi de finances a fait état d'une augmentation des recettes ordinaires de 3,6%, mais surtout d'une bonne maîtrise des charges, à la faveur des réformes de la Caisse de compensation qui ont aidé à dégager une économie substantielle, de 12 MMDH. Tenant compte de cela, le besoin de financement du Trésor pour cette première moitié de l'année a été circonscrit à 25,5 MMDH contre 40 MMDH à fin juin 2013. Son recours au marché des adjudications s'est vu par conséquent passer de 30,7 MMDH à 15,5 MMDH, en baisse de 49,5%. Ce bref aperçu sur l'exécution de la loi de finances au premier semestre nous livre les vecteurs ayant induit le dévalement baissier de la courbe de taux. Ce n'est manifestement pas du jour au lendemain que l'actuelle situation risque d'être chamboulée, étant donné que l'argentier du royaume dispose aujourd'hui d'un bon matelas de trésorerie, «plus de 20 MMDH» qui va lui épargner de remettre le pied de sitôt sur le marché primaire, du moins pour des financements à court terme. Dans l'état actuel des choses et eu égard aux fortes baisses déjà enregistrées, nous tablons alors davantage sur une consolidation des taux court terme aux niveaux actuels, que sur une aggravation de leurs baisses. Pour le long terme par contre, sur lequel le Trésor concentre tout son intérêt, on n'est désormais plus à l'abri d'un retournement de tendance. La prudence devient d'ailleurs de mise auprès des investisseurs, qui se trouvent plus en position de vente que d'achat sur ce segment. On a remarqué récemment une ruée des flux d'investissement financiers vers le monétaire ? Qu'est-ce qui motive cette tendance ? La ruée des investissements sur les OPCVM monétaires et dans une mesure proche, pour les OPCVM obligations de courte maturité (OCT), s'explique par le soulagement de la situation de liquidité dans l'économie, mais aussi par les craintes que commencent à développer les investisseurs pour les OPCVM obligations moyen et long termes (OMLT). Pour mieux cerner ce deuxième point, remontons un peu plus tôt dans l'année, pendant que les taux d'intérêt accéléraient leur chute. À cette période, on a constaté que l'essentiel des nouvelles collectes d'actifs se faisaient orienter vers l'OMLT, en raison de la sensibilité de ces vecteurs de placements, qui leur permet de tirer pleinement profit de la baisse qui s'opère. À certains moments même, notamment au mois de mars, une partie conséquente des placements monétaires et OCT, basculait vers ce nouveau segment très juteux. Mais maintenant que le potentiel baissier s'essouffle, les investisseurs souhaitent se prémunir contre d'éventuelles hausses. Ils se mettent alors à réorienter une partie de leurs placements vers des segments moins sensibles, qui par construction, sont moins vulnérables aux fluctuations des taux. Quelle est votre lecture de l'évolution de la Bourse de Casablanca sur le premier semestre ? Quelle sera la tendance, selon vous, sur les prochains mois ? La Bourse de Casablanca a démarré 2014, comme elle a terminé 2013, au rythme de la hausse. Parmi les raisons qui l'ont aidée lors de son ascension figure l'orientation favorable des sociétés de la cote, que laissait entrevoir le topo évasé des performances réalisées au premier semestre 2013, les anticipations d'augmentation du poids du Maroc dans l'indice MSCI Frontier Markets, mais aussi les multiples signaux de sortie de crise qui se sont profilés chez nos principaux partenaires commerciaux. Mais c'était sans compter sur les publications annuelles des sociétés de la cote au titre de l'exercice 2013, qui, en se dressant à l'encontre des attentes, ont donné un coup de frein brutal à l'ascension amorcée et replongé petit à petit le marché dans l'incertitude et la morosité. Cela dit, le marché peu encore rebondir, avant même la fin de l'année. Les éléments à portée de main qui nous permettent d'avancer cette assertion sont : la baisse avérée des taux d'intérêt qui, en perdurant, devrait se solder par la réorientation d'une partie des flux de placement vers le marché des actions et le raffermissement de l'activité macroéconomique, notamment sa composante non agricole, la hausse significative des investissements étatiques dont tirera profit, directement et indirectement, un large éventail de sociétés de la cote et l'imminence de l'opération d'introduction en Bourse de Marsa Maroc, qui viendra insuffler un dynamisme haussier si elle est faite à un niveau de valorisation attractif.