Un quart de siècle après l'installation des premières enseignes Grandes et moyennes surfaces (GMS), le secteur vient de faire l'objet d'une étude sur la concurrentiabilité réalisée par le cabinet Mazars pour le compte du Conseil de la concurrence et dont Les Echos quotidien a pu obtenir une copie. Tout d'abord, il convient de signaler que l'activité des GMS n'obéit pas à une réglementation spécifique. En effet, et comme mentionné dans l'étude, elle continue à être régie par des textes initialement prévus pour les commerces de détail alimentaire comme les épiceries. Cette situation est propice au développement du «risque d'abus de position dominante, qu'il convient de prévenir par exemple à travers la mise en place d'un système d'audit et une réglementation adaptée», tel que le souligne un expert. Certes, les GMS ne représentent pour le moment qu'une faible part de la demande du commerce intérieur, estimée à 13%. Mais ce secteur est amené à se développer d'une manière exponentielle, avec en moyenne 13 nouvelles unités par an. L'étude se décline en trois axes principaux : l'analyse de la concurrence horizontale (entre les différents enseignes), celle de la concurrence verticale (entre les enseignes et leurs fournisseurs) et l'analyse de la concurrence entre GMS et les commerces traditionnels. S'agissant du premier volet, le graphique de l'évolution des parts de marché des opérateurs parle de lui-même. On constate une évolution parallèle entre les différentes enseignes et peu de fluctuations, avec une nette prédominance de Marjane. De plus, «il apparaît que la production de certains produits alimentaires essentiels (sucre, huile et produits laitiers) - fortement concentrée sur le marché national- peut favoriser des situations critiques en termes de concurrence, du fait que certaines enseignes peuvent être tentées de tirer un avantage concurrentiel du fait d'appartenir aux groupes possédant les principaux fournisseurs de ces produits alimentaires de base». L'autre constat relevé par l'étude est d'ordre géographique. «Dans les grandes villes, Acima et Label Vie semblent préoccupées par des considérations de renforcement de leur présence, alors que dans les petites villes, les deux enseignes semblent s'éviter là où est présente Acima, Label'Vie est absente (Berrechid, Settat et Khemisset) et là où Label'Vie est présente, Acima est absente (Kénitra et Mohammédia)». Proximité vs rentabilité En d'autres termes, la proximité est nuisible à la rentabilité, ce qui explique les importantes distances existant actuellement entre les magasins et qui peuvent constituer une barrière à l'entrée et un verrouillage du marché. Entente ou stratégie d'évitement ? Le rapport est une fois de plus peu explicite sur la question. En somme, la concurrence existe bel et bien dans les villes à potentiel, mais elle n'est pas confirmée dans les petites villes. S'agissant de la concurrence verticale, ce sont les marges arrières contractuelles qui attisent l'indignation de quelques fournisseurs locaux, qui crient à l'abus de position dominante. Cette pratique, qui a été interdite en France en 2010 par la loi sur la modernisation économique, consiste à faire payer les fournisseurs pour des prestations non choisies par ces derniers, tel que les promotions, les opérations marketing, l'enregistrement du produit dans la base de données de la surface ou encore un prélèvement obligatoire quand le chiffre d'affaires du fournisseur dépasse un seuil fixé par les GMS. C'est ce que certains appellent l'art de métamorphoser le fournisseur en client. De plus, tous les GMS semblent s'aligner sur ce même modèle de contrat et seules les modalités sont revues à la baisse quand il s'agit de gros fournisseurs. Enfin, concernant la concurrence entre GMS et commerces traditionnels, le rapport spécifie que cette «analyse met en évidence la nécessité de réguler le secteur, notamment aux niveaux des modalités d'implantation pour prévenir les effets d'éviction potentiels envers les petits commerces traditionnels». Ainsi l'installation non réglementée (Pas de droit de chaînage) des grandes surfaces risque de nuire aux petits commerces avoisinants, contrairement au cas français où ces dernières sont situées à la périphérie de l'espace urbain. «Aujourd'hui, il n'y a aucun dispositif réglementaire permettant de limiter l'installation des grandes surfaces dans les centres villes», souligne-t-on auprès du cabinet Mazars. Cette étude présente donc une situation existante, mais reste très nuancée concernant la concurrentiabilité du secteur. Néanmoins, elle a le mérite de poser les premières bases d'une réflexion et une prise de conscience certes tardive, mais très utile.