Depuis la livraison des licences, il ne se passe pas un jour sans qu'il n'y ait de confrontations entre les marins espagnols et marocains dans les eaux poissonneuses de la région du Nord très riches en espadons. Le cap Spartel étant la zone de conflit. Visiblement, les choses vont de plus en plus mal entre pêcheurs marocains et espagnols. Depuis la livraison des licences le 12 septembre dernier, il ne passe pas un jour sans qu'il n'y ait de confrontations entre les marins des deux rives dans les zones poissonneuses de la région du Nord. Mardi 30 septembre, une nouvelle confrontation a eu lieu entre des marins marocains et des marins espagnols (des palangriers), soit un jour après que des pêcheurs originaires de Cadix se soient plaints auprès de leur gouvernement de «nouvelles attaques à leur encontre de la part de leurs compères marocains». «Cela chauffe, dans cette zone du nord du royaume. Pratiquement chaque jour, il y a des disputes très musclées entre les marins marocains et espagnols. Ce 30 septembre, il a fallu l'intervention de la marine royale après que les marins des deux côtés du détroit en soient arrivés à des affrontements directs au niveau de la zone située à proximité de Cap Spartel (zone de conflit)», indique aux ECO un agent de contrôle au ministère de tutelle. Et les déclarations de ce même responsable, qui a requis l'anonymat, n'en sont que plus alarmantes. En effet, il a laissé entendre que «malheureusement, ce conflit s'aggravera». En effet, les pêcheries se trouvant dans cette zone de conflit sont très riches en espadons, une espèce très prisée par les marins, aussi bien les espagnols que les marocains. «De plus, il y a un flou réel qui entoure ce conflit. Ce qui aggrave les choses, c'est que les professionnels ignorent encore tout des zones où les Européens ont le droit d'opérer conformément au nouvel accord». Mais quelles sont les raisons réelles de ces affrontements? Qu'est-ce qui explique la colère des marins espagnols ? L'accord stipule-t-il que les palangriers espagnols peuvent en effet pêcher au niveau de cette zone de conflit? Pourquoi ce silence des autorités marocaines entourant ce problème qui surgit, alors que le nouvel accord de pêche Maroc-UE vient à peine d'entrer en vigueur? Autant de questions qui, selon des professionnels marocains, restent en suspens et auxquelles le département de Aziz Akhannouch doit apporter des réponses. Au moment où nous mettions sous presse, le département de la Pêche restait injoignable. «Grave erreur technique» Dans une déclaration aux ECO, Mimoun Hachmi, président de la Chambre des armateurs à la pêche aux chaluts a souligné que le flou plane toujours sur cette zone de conflit. «On ignore si le nouvel accord autorise les marins espagnols à y pêcher. Mais le fait qu'ils soient là veut dire qu'ils sont bien autorisés à y pêcher, sachant que dans les anciens accords de pêche, ceux-là n'avaient pas le droit de pêcher dans cette zone», dit-il. Selon le même interlocuteur, c'est donc la première fois que les marins espagnols sont autorisés à pêcher dans cette zone». Pour Mimoun Hachmi, c'est «une erreur très grave de la part du gouvernement marocain que d'accorder aux marins espagnols le droit d'opérer au niveau de ces pêcheries», tout en mettant en garde sur le fait que «ces frictions et cette escalade de tensions entre les pêcheurs marocains et espagnols vont se poursuivre dans les jours à venir». En effet, explique-t-il, «les marins marocains ont l'habitude de pêcher dans cette zone très connue pour ses pêcheries très abondantes en espadons. Mais maintenant, avec les nouvelles licences livrées à ces marins espagnols, ces derniers vont faire de la concurrence aux marins marocains, sachant que 70% de la flotte ibérique est autorisée à opérer dans cette zone de conflit». Même son de cloche chez Moulay Hassan Talbi, président de l'Association des propriétaires des barques de pêche artisanales de Oued Eddahab Lagouira qui ne mâche pas ses mots. Il qualifie d'«erreur technique» de la part du département d'Aziz Akhannouch, qui, selon lui, a ignoré les intérêts des marins marocains. Talbi indique que «les pêcheries en question sont plus proches de la rive espagnole, ce qui fait que les marins ibériques arrivent toujours avant les marins marocains, lesquels viennent de Tanger, de Larache et d'Asilah. C'est dire, pour Moulay Hassan Talbi, que «le gouvernement marocain n'a donc pas pris en compte ce problème dans le nouvel accord Maroc-UE». «L'accord ne protège pas les intérêts des marins marocains. Mais le fait est que, maintenant, cet accord est entré en vigueur, et le Maroc ne peut pas faire marche arrière. On espère donc que les responsables marocains tiendront compte de cette question dans le prochain accord», conclut le même professionnel qui dénonce l'absence de concertation avec les professionnels du secteur lors des négociations avec l'UE au sujet de cet accord, qui a fait couler beaucoup d'encre avant son aboutissement. POINT DE VUE Javier Garat, Co–président de la Commission mixte hispano-marocaine des professionnels de la pêche secrétaire général de la CEPESCA Je tiens à souligner que de notre côté, nous devons respecter le protocole de pêche Maroc-UE. En ce qui concerne ces derniers affrontements entre marins marocains et pêcheurs espagnols, je dois dire que les Espagnols ont le droit de pêcher dans cette zone car ces eaux ne sont pas couvertes par l'accord de pêche. Il est à noter que durant les années précédentes, nous y avons toujours pêché sans problèmes, aussi bien Espagnols que Marocains. Ceci étant, il faut souligner que les deux gouvernements doivent trouver une solution à ce problème. Pour revenir aux affrontements de ce mardi 30 septembre, ils concernent des eaux considérées comme zone méditerranéenne. Ce ne sont ni des eaux marocaines, ni des eaux espagnoles. Elles ne sont donc pas couvertes par l'accord de pêche. Nous sommes actuellement en contact avec la Fédération nationale marocaine et avec les présidents des chambres maritimes pour trouver une issue à ce conflit.