La Banque centrale anticipe un rebond du rythme de croissance à 4,4% en 2015. Après le repli attendu cette année, cette anticipation est de bon augure pour le gouvernement, dont les objectifs s'approchent desdites prévisions. Il appartient toutefois au gouvernement d'insuffler la dynamique nécessaire en renforçant la contribution des principaux éléments de la demande. Il faudra certainement attendre la présentation du projet de Loi de finances pour apprécier les objectifs de croissance que cherchera à atteindre le gouvernement en 2015. Cependant -et à en croire les premières estimations- le rythme du taux de croissance sera plus important que pour l'exercice en cours. Le gouvernement tablait en effet, cette année, sur 4,2% de croissance, et même si, d'après le département de l'Economie et des finances, l'exécution de la Loi de finances se passe dans de bonnes conditions, il sera difficile d'atteindre le niveau escompté. Selon les dernières estimations de la Banque, présentées par son gouverneur, Abdellatif Jouahri, le taux de croissance devrait se situer autour de 4,4% en 2015. Cela, avec comme hypothèse, entres autres, une campagne agricole «normale» présentant une production céréalière de 70 millions de quintaux. Il s'agit, jusque-là, de l'estimation la plus optimiste puisque le HCP table par exemple sur un taux de croissance de 3,5% en 2015. Il est vrai que le FMI s'attend à ce qu'elle atteigne 4,9% l'exercice prochain, de même que le Centre marocain de conjoncture (CMC) table sur un taux de 4,9%. Dans l'ensemble donc, les perspectives s'annoncent plus prometteuses que celles de cette année, où les prévisions convergent vers un rebond de la croissance. C'est ce qui explique, d'ailleurs, le fait que beaucoup d'analyses font état d'un certain scepticisme par rapport à cet optimisme ambiant, qui intervient en pleine préparation de la Loi de finances 2015. Regain d'optimisme Les prévisions de croissance pour 2015 sont-elles trop optimistes ? La question mérite d'être posée, surtout si l'on tient compte du repli attendu cette année. La croissance ne sera, au mieux, que de 3% en raison notamment de la faiblesse des principaux éléments de la demande. Il s'agit, abstraction faite de la contribution du PIB agricole, de la demande intérieure et extérieure. C'est justement sur celle-ci que tablait le gouvernement pour réaliser l'objectif de croissance de 2014; seulement, les résultats ne seront pas à la hauteur. Sur le premier semestre de l'année, la demande adressée au Maroc a connu un léger repli alors que les prévisions s'attendaient à plus de vigueur, notamment en raison des perspectives d'une accélération de la reprise en Europe, principal marché du Maroc. C'est donc sur la base de perspectives plus prometteuses pour les prochains mois que les prévisions s'annoncent plus consistantes. C'est d'ailleurs ce qu'à relevé la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), relevant du ministère de l'Economie et des finances, dans sa note de conjoncture du mois de septembre. «Les perspectives économiques empruntent un sentier favorable, bénéficiant du comportement globalement positif des différentes composantes de l'offre et de la demande», lit-on dans la note en question. En plus d'une reprise (certes, encore modérée, mais plus vigoureuse) de l'économie mondiale, les projections s'appuient sur une amélioration significative des indicateurs des échanges extérieurs. De même, les différentes branches du secteur tertiaire renoueront avec leur dynamisme alors que les activités secondaires devraient bénéficier du redressement de la demande étrangère adressée au Maroc, particulièrement au niveau des nouvelles industries naissantes, du secteur minier et du textile, ainsi que du secteur du BTP. Il s'agit donc de conditions somme toute favorables pour l'année 2015; seulement, il faudra continuer à surveiller l'évolution des principaux facteurs de la croissance durant les derniers mois de l'année. Vers une nouvelle année blanche D'après les dernières prévisions, le rythme de croissance du PIB ne devrait pas dépasser 3% cette année contre les 4,2% escomptés par le gouvernement. Le ministre de l'Economie et des finances, Mohammed Boussaid, aurait mieux fait de relativiser son appréciation de l'exécution de la loi de Finances 2014. Il y a une semaine, lors de l'exposé qu'il a présenté en Conseil de gouvernement, le ministre a indiqué que «la loi de Finances au titre de l'exercice 2014 est exécutée conformément aux prévisions». Il va sans dire et au regard des dernières prévisions que l'optimisme du ministre Boussaid n'est relatif qu'à certains aspects, puisque l'objectif d'un taux de croissance de 4,2% prévu pour cette année par l'Exécutif sera difficile à atteindre. Selon la Banque centrale, il ne sera que 2,5%. La banque a récemment estimé qu'en tenant compte de l'évolution récente des indicateurs infra-annuels disponibles, la croissance avoisinerait 2,5% pour l'ensemble de l'année 2014, avec une progression de près de 3% du PIB non agricole et un repli d'environ 2,5% de la valeur ajoutée agricole. Le constat de BAM rejoint à peu près ceux du HCP, lequel, dans ses prévisions, avaient déjà anticipé ce nouveau repli de la croissance. «La croissance économique nationale devrait, ainsi, atteindre 2,5% en 2014 au lieu de 4,4% en 2013, créant un volume net d'emploi, avec lequel le niveau de chômage national, ne devrait pas s'éloigner des 10% enregistrés au premier trimestre», avait ainsi prédit le HCP. Demande intérieure salvatrice Au delà, donc, de cette divergence d'appréciation qui se poursuivra jusqu'à la clôture définitive des comptes nationaux en fin d'année, ce qui intéresse, c'est que la croissance du PIB marocain marquera encore un repli pour cette année. En clair, l'économie nationale continue son évolution en dent de scie puisque après 2012 où le taux de croissance s'était replié à 2,9%, le rebond de 2013 avec 4,4% de taux de croissance ne constitue qu'une parenthèse, en considérant les perspectives d'évolution de l'économie nationale pour cette année. En compilant les différentes précisions, le rythme de croissance du PIB tournerait autour de 3% dans le meilleur des cas cette année. D'après l'analyse du HCP, c'est la demande intérieure qui devrai,t cette année aussi, continuer à soutenir le rythme de croissance avec, cependant, une contribution moins élevée qu'en 2013. S'agissant de la demande extérieure nette, sa contribution à la croissance du PIB devrait rester négative en 2014, et ce en dépit de l'amélioration anticipée de la demande mondiale adressée au Maroc. C'est justement sur cette dernière que comptait le gouvernement pour maintenir le niveau de croissance de cette année à son niveau de 2013 qui a été le fruit d'une campagne agricole exceptionnelle. Dans un cas comme dans l'autre, on ne saurait que rappeler les recommandations d'Ahmed Lahlimi, Haut Commissaire au Plan, pour qui, le cycle d'étiage où se trouve l'économie nationale ne devrait pas permettre la réalisation des croissances économiques effectives fortes et libérées des aléas de la production agricole. «La croissance potentielle devrait être, demain, à la mesure des réformes de structures, institutionnelles, économiques, financières et sociales que nous mettrons en œuvre aujourd'hui», rappelle le HCP, comme en 2012 et donc un retour, presque en arrière ! Nouvelles marges L'une des nouveautés de l'année 2014 est le retour progressif aux équilibres macroéconomiques. Selon les prévisions, les objectifs du gouvernement visant à réduire les déficits jumeaux seront probablement atteints. Ainsi, BAM a estimé que l'objectif d'un déficit budgétaire de 4,9% du PIB à fin 2014 serait atteint alors que le déficit du compte courant devrait revenir de 7,6% du PIB en 2013 à 6,7% à fin 2014. Parallèlement, le ministre de l'Economie et des finances a annoncé que dans le cadre de l'élaboration du projet de Loi de finances 2015, le gouvernement veillera a réduire le rythme d'endettement qui n'évoluera que de 0,6% pour l'exercice prochain. Avec ces perspectives plus reluisantes, il va sans dire que le gouvernement disposera d'une plus grande marge de manœuvre, contrairement aux précédentes années. L'amélioration des indicateurs économiques laisse également présager un meilleur cru pour la croissance du PIB en 2015.