Le gouvernement marocain table, pour 2014, sur un taux de croissance du PIB de 4,2%. Un optimisme que ne partagent pas le Centre marocain de conjoncture, le Fonds monétaire international et encore moins le Haut-commissariat au plan. Difficile, en effet, d'être optimiste quand l'économie nationale prête le flanc à nombre de facteurs endogènes et exogènes. Quel taux de croissance en 2014 ? Bien malin celui qui saura répondre à cette interrogation. Il paraît, en effet, assez difficile de faire des pronostics, particulièrement pour un pays comme le Maroc où la croissance économique dépend tant de facteurs endogènes qu'exogènes, dont le plus important, et sans aucun doute le plus aléatoire, reste la pluviométrie. C'est simple : avec une bonne campagne agricole, le Maroc peut en général espérer un taux de croissance «correct», qui flirte le plus souvent avec le seuil des 5%. D'ailleurs, compte tenu du rebond de la production agricole en 2013 après une mauvaise année agricole 2012, la croissance de l'économie nationale, aux prix constants, devrait se renforcer pour atteindre 4,8% au terme de cette année (vs 2,7% en 2012). Dès lors, il n'est pas étonnant que la bonne ou mauvaise campagne agricole soit globalement le fil conducteur retenu par les conjoncturistes pour établir leurs prévisions de croissance, à côté bien évidemment d'autres facteurs et hypothèses dont l'impact sur l'économie nationale est appréhendé de manière assez différente d'une instance à une autre. Cela explique, certainement, les écarts de prévision constatés au titre de la croissance en 2014. Ainsi, le gouvernement marocain table, pour l'année prochaine, sur un taux de croissance du PIB de 4,2%, en tenant compte notamment d'hypothèses portant sur le contexte d'évolution de l'environnement national et international. Le PIB non agricole devrait afficher une amélioration de 4,8%, soit un rythme légèrement supérieur à la moyenne observée entre 2010 et 2012, avec en toile de fond la poursuite du dynamisme des différentes branches d'activité et la consolidation de la demande intérieure à travers ses différentes composantes. En cela, l'Etat table sur «une progression vigoureuse» de la consommation des ménages, dont la contribution à la croissance réelle serait de 2,3 points en 2014 (vs 3,3 points en 2013). De même, la contribution de la formation brute du capital fixe au PIB devrait s'établir à 1,4 point en 2014, après 1 point en 2013. Parallèlement, en termes d'évolution, la consommation finale intérieure devrait s'accroître, en volume, de 3,7% en 2014, après les 5,5% prévus en 2013 et les 4,5% réalisés en 2012. Elle tire profit, essentiellement, de l'amélioration de la consommation des ménages qui devrait progresser de 5,6% en 2013 et de 3,9% en 2014, après 3,6% en 2012. Par ailleurs, sur le volet international, le gouvernement table, en 2014, sur un cours du baril de pétrole (brent) à 105 dollars, un taux de change moyen de 8,5 dirhams contre un dollar américain et une demande étrangère adressée au Maroc qui devrait se redresser progressivement pour atteindre +3,4% en 2014 après +0,5% en 2013. Optimisme démesuré ? Le gouvernement a-t-il fait preuve d'un optimisme démesuré dans ses prévisions ? A l'évidence, les économistes du Centre marocain de conjoncture semblent être de cet avis. Dans leur argumentaire où ils dénoncent une politique économique dont les objectifs sont mal circonscrits, ils restent assez clairs : les chances de réalisation du taux de croissance retenu dans le projet de Loi de Finances 2014 «sont des plus incertaines». «Car, succédant à une année marquée par une campagne agricole record, le rythme de progression du PIB sera mécaniquement plus faible; auquel cas, l'économie marocaine retomberait dans le marasme qui la caractérise depuis quelques années», estiment-ils. Il faut dire que les observateurs commencent déjà à s'inquiéter du retard accusé par les pluies. Si la prochaine campagne agricole n'est pas encore complètement compromise, l'on s'attend ainsi déjà à ce qu'elle soit beaucoup moins bonne que celle de cette année. Il faut d'ailleurs constater que les retenues des principaux barrages du Royaume, tous usages confondus, ont atteint 10,07 milliards de m3 à la date du 20 novembre 2013, enregistrant ainsi un taux de remplissage de 63,8% contre 68,5% à la même date de l'année précédente. Sur un autre registre, le système d'indexation partielle mis en place par l'Etat au mois de septembre dernier pourrait, selon le CMC, se répercuter négativement sur la demande intérieure, l'un des principaux leviers de la croissance dans ce contexte où l'économie internationale est largement chahutée. Et les deux acteurs qui seront impactés sont les entreprises, dont les coûts de production pourraient subir une hausse moyenne estimée à 0,7%, et les ménages, qui pourraient voir leur pouvoir d'achat s'éroder de manière «plus ou moins prononcée en fonction du comportement de l'offre et de la situation prévalant sur les marchés». En outre, les effets de la timide reprise de l'activité économique internationale, notamment en zone euro, n'auront pas d'impact immédiat sur l'économie nationale. Pour les conjoncturistes du CMC, «les effets de transmission se font sentir avec un décalage estimé entre 18 et 24 mois. Autrement dit, et dans la meilleure des hypothèses, l'impact sur le Maroc ne serait perceptible qu'au-delà de 2014». Ce sont autant d'éléments qui font dire à ces économistes que «le taux de croissance projeté dans le scénario prévisionnel pour l'exercice à venir ne dépasserait guère 3,7 %». C'est-à-dire qu'il s'inscrirait en retrait de 1,1 point par rapport au taux de croissance prévu en 2013. Le HCP enfonce le clou Les pronostics du Haut-commissariat au plan sont, le moins que l'on puisse dire, encore beaucoup moins reluisants. Son scénario, qui se base sur la double hypothèse d'une production céréalière moyenne et d'une reconduction de la politique budgétaire sans anticipation de réformes nouvelles, aboutit à une croissance économique nationale qui serait de 2,5% en 2014. En effet, dans son «Budget économique exploratoire 2014», le HCP estime que la consommation des ménages devrait s'accroître de 2,5% en volume au lieu de 6% en 2013, avec une contribution à la croissance du PIB qui se limiterait à 1,5 point en 2014. Globalement, la consommation finale nationale devrait ralentir pour enregistrer une hausse de 2,7%, pour une contribution à la croissance de 2,1 points au lieu de 4,2 points en 2013. Quant à la formation brute du capital fixe, elle devrait s'accroître de 1,4% et sa contribution à la croissance serait de 0,4 point en 2014. «Au total, la demande intérieure devrait s'accroître de 2,8% en volume (...) et sa contribution à la croissance serait de 3,2 points», précise le HCP qui souligne, aussi, que la demande extérieure nette devrait continuer d'afficher une contribution négative à la croissance du PIB de l'ordre de 0,7 point en 2014. Pour rappel, au lendemain de la mise en place de l'indexation, le HCP a fait des simulations desquelles il est ressorti que l'augmentation des prix des produits pétroliers devrait accroître les prix intérieurs, réduire le pouvoir d'achat et affecter la consommation des ménages. Elle se traduirait aussi par une baisse de l'investissement, de l'emploi et de la croissance. Au bout du compte, avec le FMI qui table sur un taux de 3,8% (voir encadré p.12), l'on se retrouve donc avec quatre prévisions de croissance différente pour l'exercice 2014. De quoi laisser circonspects même les observateurs les plus avertis !