Les trois centrales opposées au gouvernement réaffirment leur rejet du scénario de la réforme de la CMR et de la hausse obligatoire de l'âge de départ à la retraite. Les tractations seront aussi fortes concernant la méthode consistant à reproduire dans les pensions le niveau de revenu sur l'ensemble de la carrière, ainsi que pour statuer sur les nouveaux mécanismes de calcul des pensions sur la base du salaire moyen au cours de la carrière. Peu avant l'entame des concertations au sujet de la loi de Finances 2015, les syndicats réagissent enfin à la vision exposée par Benkirane sous la coupole en juin dernier. L'UMT, la CDT et la FDT viennent en effet de finaliser leur réponse aux propositions du gouvernement, relatives à la réforme des caisses, en vue de contrecarrer la faillite du régime attendue dès 2015 pour la CMR. Dans leur mémorandum, les centrales insistent sur «la démarche optionnelle qui doit présider pour la détermination de l'âge, qui ne doit pas être obligatoire, de même que la hausse des cotisations à hauteur des 2/3 pour le patronat», indique le document adressé au chef de gouvernement. «Les syndicats veulent aller de l'avant pour sauver la CMR, mais toute réforme ne doit pas se faire au détriment des fonctionnaires», ajoute la même source. En plus du refus du rallongement de l'âge de départ à la retraite à 65 ans, le calcul de la pension basé sur la moyenne des huit dernières années et la révision du taux de cotisation ont été aussi abordés par le mémorandum qui met en garde contre toute réforme précipitée. Les 3 centrales notent dans ce registre qu'elles useront de tous les moyens légitimes pour faire face à «toutes les solutions surréalistes qui touchent les droits acquis des fonctionnaires et des salariés». La vision finale doit également tenir compte des exigences relatives à «la compétitivité des entreprises». Il est à noter que les 5 centrales syndicales ont actuellement la possibilité d'avoir un aperçu global sur les mesures du gouvernement envisagées pour l'année prochaine, à l'occasion de la présentation du projet de loi de Finances, qui est maintenant un rendez-vous classique pour les syndicats. Les mesures prises auront non seulement un impact sur le niveau de vie des retraités, mais également sur les allocations pour perte d'emploi ou encore la récupération des cotisations de la CNSS. Les syndicats divisés Malgré les appels émanant des partis de la majorité, certains dirigeants au sein de l'UNTM sont pour l'établissement d'un mémorandum réunissant les 5 centrales les plus représentatives dans le dialogue social, et les 2 centrales syndicales affiliées aux partis de l'opposition ainsi que l'UMT ont réaffirmé leur opposition à la politique «impopulaire du chef de gouvernement». L'alliance scellée entre l'USFP et l'Istiqlal a également durci la position de la CDT et de l'UGTM qui restent intransigeantes concernant les mesures préconisées par la vision de sauvetage des régimes. Il semblerait que les 3 syndicats veuillent exercer davantage de pression sur le gouvernement avant de se réunir une nouvelle fois autour de la table du dialogue social, rendez-vous prévu pour la rentrée, et surtout avant la prochaine réunion de la commission nationale des retraites, dont la date n'a pas été encore annoncée. Après la formulation du mémorandum, le gouvernement émettra, durant la phase de concertation autour du budget 2015, les mesures répondant aux revendications qui lui ont été adressées en février 2014 et qui intéressent l'ensemble des départements ministériels concernés par le cahier revendicatif. Parmi les principales mesures destinées à répondre favorablement aux demandes figurent notamment la réforme de la CMR, le dispositif de gestion interministérielle des carrières des fonctionnaires et les dimensions sectorielle et régionale des contrats-programmes pour la formation des salariés. L'appel unanime des partenaires sociaux à ne pas politiser la question des retraites passe donc une épreuve difficile, surtout après que les syndicats n'aient pas caché leur malaise face aux décisions «faciles» prônées par le président du gouvernement. «Pour aller directement au fonds des choses, il est clair que le président du gouvernement s'est contenté d'une gestion technique aux dépens de l'approche politique que ce dossier nécessite», constate un membre du bureau central de la FDT. «La vision du gouvernement a été réductionniste en ce sens qu'elle a vu dans la hausse des cotisations et la hausse de l'âge des retraites les seules solutions, alors que d'autres alternatives sont offertes, demandant un courage politique qui permette de sauvegarder les intérêts des fonctionnaires. La décision de commencer par la CMR est unilatérale. Au lieu de cela, il faudrait que le gouvernement hisse la couverture sociale au rang de priorité dans l'ingénierie des stratégies dès 2015 afin d'être réellement dans la logique de la justice sociale», conclut ce membre de la 2e chambre. Les tractations seront donc fortes concernant la méthode consistant à reproduire dans les pensions le niveau de revenu sur l'ensemble de la carrière, mais aussi pour statuer sur les nouveaux mécanismes de calcul des pensions sur la base du salaire moyen de carrière, qui a été présenté comme un choix a priori très précis. Ce que veulent les syndicat La hausse de l'âge de la retraite et le calcul d'un salaire moyen sont les deux motions à entériner durant la prochaine réunion de la Commission nationale. Les syndicats insistent aussi sur la nature du système bipolaire qui reste encore flou, tout comme l'ingénierie budgétaire des réformes qui sera proposée à partir de la prochaine rentrée. D'autres indicateurs sur la direction que devra prendre l'action urgente des pouvoirs publics durant l'année 2015 montrent qu'en plus du relèvement de l'âge de la retraite, c'est la règle du salaire de base moyen, au lieu du dernier salaire pour le calcul des pensions, qui devra être discutée par les partenaires sociaux. Le mémorandum des syndicats ne fait aucune allusion au déficit cumulé de près de 13 MMDH qui est calculé pour la période 2014-2018 pour la CMR et suggère un calendrier de l'entrée en vigueur des décisions de restructuration qui ne porte pas atteinte aux droits acquis. Les syndicats notent aussi que la hausse de l'âge de la retraite doit être optionnelle et devra être concomitante à une refonte juridique des statuts des caisses et du système de la couverture sociale. Les propositions des syndicats dans ce registre tournent autour de l'élargissement de la couverture à d'autres catégories professionnelles, ou encore «durcir les sanctions pour la non-déclaration des salariés», comme cela a été suggéré par le mémorandum. «Il s'agit maintenant de trouver une issue pour les retraités qui sont parmi les catégories sociales les plus vulnérables. Nous voulons des décisions politiques courageuses et qui doivent être prises au moment opportun. Nous voulons également actualiser les données relatives au dossier des retraites et cela pour la période 2009-2012 ainsi qu'un calendrier des réformes qui seront menées», insistent les syndicats. À noter que les 3 centrales placent la réforme envisagée dans une optique qui dépasse l'aspect technique et qui reste intimement liée à la réforme fiscale et celle des salaires. «L'Etat doit assumer sa responsabilité et entreprendre des réformes structurelles à côté de celles techniques conçues pour les caisses de retraites», soulignent les représentants des travailleurs.