Quand Chami s'allie à Hejira, le résultat est le lancement d'une réforme pour l'urbanisme commercial attendue depuis plusieurs dizaines d'années. Comme annoncé sur nos colonnes, les deux ministres ont parachevé la mouture finale de ce chantier, qualifié de structurant par l'ensemble des opérateurs. «C'est incontestablement l'un des plus importants chantiers dans lesquels s'engage le Maroc», se félicitait Ahmed Taoufiq Hejira, ministre de l'Habitat et de l'urbanisme, hier alors que les deux responsables dévoilaient la consistance de cette stratégie. Il faut dire qu'il était temps de remédier aux problématiques dans lesquelles était empêtré ce segment. Anarchie urbanistique, prédominance de la rentabilité sur l'utilité et la qualité, manque de foncier... autant de facteurs qui, jusque-là, constituaient une tache noire à la fois dans le paysage urbain mais également dans la stratégie Rawaj menée par le département de Chami pour redonner un nouveau souffle au secteur du commerce. Le schéma de l'urbanisme commercial qui prévalait a montré ses limites, particulièrement pour ce qui a trait à l'encadrement du développement du commerce ou encore la planification. «Les cas de dérogation dans le cadre des structures commerciales ne répondaient qu'à l'expertise des membres de la commission dédiée en l'absence de référentiel d'urbanisme», a déploré Ahmed Réda Chami. Dans ce contexte, c'est tout l'équilibre territorial qui a été compromis et le laisser-faire à ce niveau a eu un impact négatif sur les différentes villes du royaume. C'est la raison pour laquelle, commerçants, entrepreneurs et autres opérateurs réclamaient la mise en place d'une réforme de l'urbanisme commercial, chose qui a nécessité la mobilisation des deux ministères précités. «Certes, l'on ne promet pas que du jour au lendemain, le nouveau schéma proposé remédiera à l'ensemble des problématiques. Il faudra du temps et surtout la mobilisation de l'ensemble des acteurs pour la concrétisation de cette réforme», a insisté le ministre de l'Habitat et de l'urbanisme. En quoi consiste donc cette réforme et quelles sont les nouveautés qu'elle apporte ? Régionalisation D'emblée, il y a lieu de souligner que le chantier lancé a l'air d'un modèle d'urbanisme flexible, à l'instar du modèle appliqué en France. Cerise sur le gâteau, les deux ministères ont intégré une touche de régionalisation dans leur projet en appelant à l'instauration des Comités régionaux du commerce qui se chargeront d'assurer la gouvernance et planifier le développement du commerce. Ces comités se verront déléguer la réalisation des schémas régionaux de développement du commerce et l'instruction des dossiers relatifs aux grands projets préalablement à l'autorisation d'urbanisme (permis de construire, substitution à la Commission régionale de dérogation). La mise en place d'observatoires régionaux du commerce est également d'actualité afin d'assurer la collecte régulière des statistiques relatives au secteur et la réalisation des études nécessaires. «Ces entités seraient composées du wali, des élus, des représentants de l'administration, le CRI, la CCIS ainsi que les experts qualifiés», explique Hejira. Parallèlement à la mise en place de ces organismes, la réforme de l'urbanisme commercial prévoit la mise à disposition de ces organes des outils de prise de décision. Ainsi, il sera question d'élaborer un Schéma régional de développement du commerce (SRDC) non opposable mais obligatoire, dont l'objectif est de planifier le développement du commerce et d'une durée de validité de 5 ans. Ce SRDC contient un diagnostic approfondi du secteur, les orientations majeures en termes de maillage et de densité commerciale et un plan d'actions des mesures d'accompagnement pour le développement du commerce. Ce SRDC sera réalisé par le Comité régional du commerce qui pourra en cas de nécessité faire appel à d'autres institutions. Il est également question d'instaurer une commission d'autorisation préalable des grands projets, constituée des membres du Comité régional du commerce, qui sera en charge de donner un avis préalable à l'autorisation d'urbanisme. Cet avis sera consultatif mais obligatoire et concernera les dossiers situés sur une zone couverte par un document d'urbanisme, une zone non couverte par un document d'urbanisme ou un terrain agricole. Contrairement au schéma actuel, des référentiels seront mis à la disposition de la commission et qui serviront de base à la prise de décision. Il s'agit notamment de vérifier la conformité des projets au SRDC et l'analyse selon une grille normalisée qui comprend 3 typologies de critères, à savoir socioéconomique, commerciale et urbaine, ainsi qu'environnementale. Enfin, le troisième outil est le référentiel technique d'implantation des équipements commerciaux. Le plan d'aménagement, en sa qualité de document d'urbanisme opposable et réalisé par les agences urbaines, devra prévoir les normes et ratios techniques spécifiques au commerce. L'objectif est de garantir une implantation harmonieuse du commerce dans le tissu urbain et d'optimiser la «commercialité» des équipements commerciaux, notamment en termes de visibilité et d'accessibilité. C'est dire que, finalement, ce sera aux régions d'assurer la réussite de cette réforme qui risque, faut-il avouer, de prendre du temps avant d'en récolter les fruits. Reste maintenant à savoir dans quelle mesure le chamboulement du paysage politique attendu pour cet été va contribuer ou freiner l'ambition affichée aujourd'hui par les deux ministères.