Le discours royal du 20 août, prononcé à l'occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la révolution du roi et du peuple, a constitué une première dans l'histoire politique au Maroc. En effet, le souverain a rappellé le gouvernement à l'ordre, ce qui a été particulièrement cristallisé l'opinion publique au delà de la portée du message axé sur la situation critique du secteur de l'éducation. La preuve de la spécificité de ce discours, c'est que le souverain a tenu lui-même à relever que la franchise des propos qui y sont contenus, tiennent aux prérogatives qui lui sont dévolues conformément aux dispositions de la Constitution de novembre 2011. Le souverain a indiqué qu'il n'appartient à aucun parti et ne participe à aucune élection. «Le seul parti auquel je suis fier d'appartenir, (...), c'est bien le Maroc» a souligné le roi Mohammed VI, ce qui a le mérite de couper court à toute interprétation politicienne surtout en cette période de conjoncture politique difficile. Il s'agit donc pour le souverain de rappeler au gouvernement les obligations qui sont désormais les siennes et qui attendent d'être prise en charge conformément aux grandes orientations que s'est fixé le royaume. Au delà, donc, des appréciations du souverain sur le maigre résultat enregistré par le nouveau gouvernement dans le domaine de l'éducation l'intérêt du message royal réside dans l'approche qui a été faite en la matière. Aujourd'hui que le débat suscité par le message à la nation du 20 août se trouve dépassionné, il importe de rappeler que les propos du souverain s'inscrivent dans la droite ligne de celui prononcé il y a juste un an à la même occasion. Le Souverain a, à cet égard, souligné que dans son discours de l'année dernière, il a été défini «les grandes lignes de la réforme du système éducatif, tout en appelant à la mise en ouvre des dispositions constitutionnelles relatives au Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique». Pour le souverain qui a dressé un diagnostic peu reluisant et sans complaisance, depuis cette période et alors que la nécessité de prendre en charge les multiples défis auxquels est confronté le secteur, aucun progrès n'a été enregistré. Nouveau souffle Au delà donc de la teneur du message royal sur le diagnostic de la situation du secteur éducatif, sa portée prend toute son ampleur dans l'approche faite par le souverain pour rappeler au gouvernement ses responsabilités. Il faut relever à ce niveau que c'est la faiblesse de l'engagement du gouvernement depuis sa prise de fonction qui constitue la principale critique à l'égard de l'équipe Benkirane. L'absence de visibilité par rapport à plusieurs dossiers urgents et qui nécessitent de réformes en profondeur est une véritable tache noire dans le bilan de l'exécutif alors que pour l'essentiel, le terrain a été balisé notamment à travers les grandes orientations définies par la constitution et plusieurs fois actualisés par les messages royaux. Qu'il s'agisse de l'éducation, de la régionalisation, du chômage des jeunes, tout comme des réformes économiques, le retard accusé est notable dans la définition du cadrage législatif et réglementaire. Le gouvernement qui bouclera, dans quelques mois, sa deuxième année de mandat continue à surfer sur la vague des promesses et des concertations qui n'ont jusque-là abouti qu'à de maigres actions concrètes sur le terrain. C'est pourquoi, d'ailleurs, que parmi les conditions posées par le RNI pour son entrée au gouvernement, la déclinaison d'un agenda clair et précis pour la mise en œuvre de nombreux chantiers en attente. Il reste à espérer que cette fois, le gouvernement prendra la mesure des choses afin de s'engager résolument à la tâche, ce qui du reste sera à son avantage. C'est aussi en ce sens qu'il convient d'inscrire le sens du discours royal du 20 Août qui va au delà de la lecture première qui a, largement, été faite, celle d'une mauvaise note adressée au bilan du gouvernement ou à quelques-uns de ses membres. Priorités royales Dans moins de deux mois, le Roi sera au Parlement pour l'inauguration officielle d'une nouvelle année législative. L'occasion pour le souverain de remettre à jour la feuille de route pour cette institution qui partage avec le gouvernement, l'initiative des lois. A ce niveau également, tout laisse à croire que le message du souverain devrait ressembler à celui prononcée à l'occasion du dernier message à la nation. Il y a un an, lors du discours prononcé par le souverain devant les parlementaires des deux chambres, Mohammed VI a décliné les priorités constitutionnelles. Il s'agit, entres-autres, de la régionalisation, de la réforme de la justice ou de l'officialisation de la langue berbère. Il faut dire qu'à ce niveau le temps presse. Selon les dispositions constitutionnelles, une vingtaine de lois organiques devraient être adoptées durant la première législature. Celle-ci est à sa deuxième année avec un bilan assez maigre puisque mois de cinq lois de cette nature ont été à ce jour adoptée. L'importance de l'adoption du cadre législatif est importante puisque c'est lui qui déterminera par la suite les actions que mènera le gouvernement notamment sur le plan de la réponse aux défis socioéconomiques. Pour ce dernier aspect, l'éducation ne constitue qu'un aspect du challenge qui attend le gouvernement. La situation socioéconomique du pays appelle également plus d'engagement de la part de l'exécutif. Entres autres dossiers auxquels il faut s‘attaquer, les réformes économiques structurelles destinées à assainir les équilibres macroéconomiques et à insuffler une nouvelle dynamique à l'économie nationale. Jusque-là et en dépit des incessantes mises en garde des principaux partenaires tant institutionnels qu'extérieurs, la touche du gouvernement Benkirane se fait toujours attendre. La régionalisation en veille prolongée ! La récente nomination du conseiller royal, Omar Azziman, à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a remis à jour une question qui faisait il y a quelques temps encore la une de tous les sujets politiques. Il s'agit du projet de régionalisation avancée, un vaste chantier qui devrait accompagner la dynamique des réformes politiques et socioéconomiques entreprises au Maroc depuis une décennie. Le nouveau président du CES était en effet à la tête de la Commission consultative de régionalisation (CCR), qui a mené des travaux préalables de concertation et de consultation pour l'élaboration des grandes orientations de cette réforme inscrite dans la Constitution. Dès le lendemain du référendum constitutionnel de juillet 2011 et des législatives qui ont suivi la même année, le souverain a réitéré l'importance stratégique de ce chantier pour le Maroc. Depuis, presque rien de concret n'a été entrepris dans ce sens par le gouvernement, ce qui n'est pas sans soulever des inquiétudes, si l'on sait que la mise en œuvre de ce chantier est une œuvre de longue haleine, et nécessite une vaste concertation entre tous les acteurs politiques et socioéconomiques du pays. Lors d'une des rares interventions gouvernementales sur la question, le ministre Mohand Laenser a indiqué, il y a quelques mois, au niveau du Parlement, qu'il ne s'agissait pas «de procéder à une réforme d'un système déjà existant, mais de lancer une réflexion profonde sur les relations entre les trois niveaux des collectivités locales». Bref, c'est toujours la même litanie du côté de l'Exécutif, alors que sur le terrain, aucune avancée significative n'a été enregistrée depuis les travaux de la commission Azziman sur la régionalisation. À ce niveau également, il a fallu le coup de pouce royal à travers l'invitation faite au CESE de se pencher sur la question, notamment à travers un nouveau modèle de développement pour les provinces du sud, pour que le sujet soit remis à l'ordre du jour de l'agenda gouvernemental. Report Il ne s'agit pas du seul dossier au chapitre des réformes politiques à souffrir de ce que certains n'hésitent pas à qualifier de «laxisme du gouvernement». Les élections communales aussi qui constituent un premier échelon dans la concrétisation du projet de régionalisation avancée, restent toujours en stand by. Le gouvernement les a annoncées pour la fin de l'année 2012, puis reprogrammées pour 2013 sans qu'une date ne soit encore annoncée à ce jour. Lors des discussions sur le projet de loi de finances 2013, il y a juste un an, des critiques ont fusé de toute part et même au sein de la majorité de l'époque sur la non programmation de ces élections. Il faut dire que celles-ci constituent une urgence dans la mesure où elles retardent la mise en conformité de la seconde chambre du Parlement aux dispositions de la nouvelle Constitution. En plus, le mandat des actuels élus locaux arrive bientôt à échéance alors que le gouvernement peine encore à dévoiler son agenda et son approche par rapport aux prochaines élections locales.