Le Maroc aurait-il intérêt à se lancer dans l'exploitation de ses ressources en schistes ? Bien que les fruits des premières explorations se fassent encore attendre, des voix se font déjà entendre pour attirer l'attention sur les «dangers» de cette source d'énergie. La question a fait l'objet de passionnants débats lors d'une conférence organisée vendredi dernier à Casablanca par l'Association hors cadres de l'énergie électrique de l'ONEE, sous le thème «Gaz de schistes : quelles perspectives pour le Maroc ?». Cela a été l'occasion pour Mohamed Benata, président de l'association «Espace de solidarité et de coopération de l'Oriental» (ESCO) d'alerter sur les conséquences de l'exploitation du schiste. «Le Maroc doit tirer la leçon de ce qui se passe dans les pays qui exploitent les gaz de schistes comme aux Etats-Unis ou encore en Estonie». Dans ces Etats, les catastrophes environnementales et écologiques ne se comptent plus dans les zones envahies par les sociétés exploitant les ressources en schistes. On parle ainsi de pollution des sols et des nappes phréatiques, avec l'usage de produits toxiques et cancérigènes. 596 produits chimiques sont utilisés dans ces activités, dont 29 hautement toxiques ou cancérigènes, de même que l'implantation de forages pour puiser cette ressource entraîne une surexploitation de l'eau. Par exemple, le forage classique d'un puits, destiné à réaliser une dizaine de fracturations hydrauliques en moyenne, consomme 20 millions de litres d'eau, et ceci sans parler de la destruction des paysages, ou encore de la contribution à l'effet de serre. Attention à la fracture hydrique À ces conséquences d'ordre environnemental s'ajouterait le manque de rentabilité économique de cette activité. En effet, les puits de gaz et l'huile de schiste ont une durée de vie très limitée, de 5 à 6 ans, et leur productivité souvent forte les premiers mois décroît très vite au fil des mois suivants. Alors que les puits de gaz ou de pétrole conventionnels, au contraire, ont des durées de vie de 30 à 50 ans et produisent sans faiblir à leur débit nominal pendant des dizaines d'années. Au Maroc, où l'on est à une «phase de transition économique», la principale équation est de réfléchir sur les moyens d'une bonne exploitation des richesses en schistes sans entraîner de désastres écologiques. Seulement, «le gouvernement semble ignorer les dangers que représente la fracture hydraulique pour l'exploitation des gaz de schistes», constate le président de l'association «Espace de solidarité et de coopération de l'Oriental». Actuellement, quatre compagnies opèrent dans le domaine des shale gaz (Anadarko, Repsol, EOG, East-West). Les programmes prévisionnels sur leurs permis et zones de reconnaissance comprennent actuellement des études géologiques et géophysiques de reconnaissance sur les bassins «frontières» de Tadla, Boudnib, Bas Draa, Zag et Hauts Plateaux. Les principaux gisements dans le royaume sont répartis sur de vastes étendues. On recense ainsi les gisements aux environs de Tarfaya, sur 2.500 km2 (elle renfermerait plus de 50 milliards de barils), à Doukkala, (sur près de 2.000 km2), ainsi que dans la zone de Timahdite avec un potentiel de 42 milliards de tonnes.