Quand le cœur de l'Islam est touché, c'est tout le monde musulman qui en ressent les effets. Il y a quelques mois encore, nul ne semblait prévoir les conséquences du lancement des gigantesques travaux d'agrandissement de Masjid Al Haram sur le déroulement du Hajj. Mêmes les autorités saoudiennes donnent l'impression de s'en être rendues compte tardivement, à près de quatre mois du pèlerinage annuel. Après l'annonce de la réduction du quota pour la Omra (pour le Maroc, le contingent passe de 45.000 à 15.000), c'est autour du grand pèlerinage, le Hajj, de connaître des restrictions. Pour des raisons de sécurité dues essentiellement aux importants travaux en cours dans les lieux saints, le ministère saoudien en charge du Hajj a annoncé la réduction de 20% du quota accordé à chaque pays musulman, et de 50% en Arabie saoudite. Cela induit l'annulation du départ pour le pèlerinage de quelques 6200 candidats marocains sur les 31.000 prévus annuellement. Cette nouvelle n'est pas sans conséquences pour les candidats, mais aussi pour les professionnels de l'organisation du Hajj, agences de voyages et autres institutions officielles impliquées. Cette mesure inopinée vient compliquer la donne pour les agences de voyages, déjà empêtrées dans une situation similaire avec la Omra. «Je comprends la décision prise par les autorités saoudiennes, mais je ne sais pas comment nous allons résoudre ce problème», lâche Khalil Majdi, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM). Quelle solution ? Des «problèmes», il y en a, et il risque d'y en avoir beaucoup les prochains jours. La mesure du gouvernement saoudien est intervenue tardivement. Au Maroc, et certainement dans plusieurs pays musulmans, la procédure est déjà très avancée dans l'organisation du Hajj 1434. «Le dossier des agences est déjà bouclé, les candidats sélectionnés pour effectuer le pèlerinage ont également déjà versé leur argent auprès des agences, qui ont, à leur tour, déjà payé leurs prestataires en Arabie Saoudite». Le résumé du président de la FNAVM suffit à lui seul à donner un aperçu sur la complexité du problème. Que faut-il faire alors? Quelle solution magique proposer aux pèlerins? Là est la question ! «Est-ce qu'il va falloir rembourser les candidats, reporter le pèlerinage pour certains d'entre eux à l'année prochaine? Pour le moment, nous n'avons pas encore pris de décision. Nous allons essayer de voir quelles sont les meilleures pistes à explorer», se résigne Khalil Majdi. La décision requiert une large concertation entre les différents départements impliqués dans l'organisation du Hajj, le ministère des Affaires islamiques, le ministère du Tourisme ou encore celui de l'Intérieur, ainsi que la FNAVM. Les jours ou les semaines à venir s'annoncent en effet très stressantes pour toutes ces entités. Faire accepter aux candidats déjà sélectionnés l'idée de renoncer à leur Hajj ne sera pas une mince affaire, vus la déception et le choc psychologique qu'une telle annonce entraînerait, après des mois, voire des années de préparation et d'espoir. Ce n'est pas tout: comme l'a évoqué le président de la FNAVM plus haut, l'autre équation, des plus compliquées d'ailleurs, a trait au remboursement des sommes déjà dépensées par l'ensemble des acteurs en jeu. Les «candidats malheureux» s'adresseront aux agences de voyages, alors que celles-ci auront du mal à récupérer leurs acomptes auprès de leurs prestataires saoudiens. Ce sera, en somme, un bis repetita du scénario actuel concernant la Omra. Ce dernier point devait d'ailleurs être au cœur de la réunion tenue hier entre le ministre du Tourisme et la FNAVM, en vu d'étudier les moyens de récupérer les acomptes des agences de voyages auprès de leurs partenaires nationaux et saoudiens. Khalil Majdi Président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM) «Difficile de récupérer les acomptes» Les ECO : Après l'imbroglio de la Omra, voilà que cette nouvelle affaire sur le Hajj vient compliquer la situation pour les agences de voyages... Khalil Majdi : C'est une situation que je comprends, car elle vise à faciliter le déroulement du Hajj aux pèlerins. J'avoue qu'elle vient compliquer la donne, car nous ne savons pas pour quelle solution opter. Je recommanderais juste aux agences de voyages de se tenir au courant. Les discussions avec les autorités compétentes nous permettront peut-être d'avoir des éléments de réponse. C'est une décision similaire à celle prise récemment pour la Omra, qui a beaucoup perturbé l'esprit des voyagistes et des pèlerins. Concernant la Omra, comment évoluent les discussions? Je tiens tout d'abord à préciser la chose suivante: contrairement à ce qui se dit, les autorités saoudiennes continuent à délivrer des visas pour 30 jours, et non pour 15 jours uniquement. Il n'y a donc pas de limitation à 15 jours. Il est seulement exigé du pèlerin de partir dans les 15 jours qui suivent la délivrance de son visa, au risque de voir son document invalidé. Cela dit, nous avons surtout des difficultés à récupérer les acomptes que nous avons versés aux prestataires saoudiens. C'est là que réside le plus grand problème. Quant aux compagnies aériennes, elles ont fait preuve d'une certaine souplesse. Quoi qu'il en soit, c'est un coup dur pour les agences de voyages... Nous avons saisi le ministre du Tourisme et des discussions ont été engagées ce lundi (hier). Les pèlerins risquent de demander des remboursements aux agences de voyages. Cela va non seulement entraîner des pertes colossales aux agences de voyages, qui ont déjà payé des sommes importantes aux prestataires, mais surtout poser des problèmes juridiques avec les clients. Anticiper les prochaines baisses L'annonce de la réduction de 20% du quota accordé aux pays étrangers est intervenue à la veille du tirage au sort pour le Hajj 1435 (2014), démarrée hier dans les arrondissements de l'ensemble du royaume. Avec le report prévu du Hajj pour quelques 6.200 candidats cette année, il s'impose de savoir si le tirage au sort effectué hier ne devait pas lui aussi être reporté, histoire de prendre en compte ces candidats dans l'opération 1435. Bien que les autorités saoudiennes parlent d'une décision «temporaire et exceptionnelle», il faut surtout savoir que celle-ci sera maintenue tant que les travaux se poursuivront sur les lieux saints. Sera-t-il suffisant d'anticiper cette baisse, ne serait-ce que pendant les deux ou trois prochaines années car les travaux d'agrandissement de la Masjid Al-Haram, qui seront bientôt suivis de ceux de Masjid Al-Nabawi à Médine risquent durer aussi longtemps ?