Tant attendu, le discours d'Obama a finalement satisfait certains, mais en a déçu d'autres. Un discours adressé aux pays du monde arabe, secoués par les révoltes et les révolutions, qui changeront leur destin. Obama a choisi d'adresser ce discours depuis le département d'Etat américain, et non depuis une capitale arabe, contrairement à son premier discours, plus culturel, où il avait affiché sa sympathie et les relations historiques entre les deux parties, promettant que des conflits comme celui de la Palestine ne les entâcheraient pas. «Le président s'est adressé aux peuples depuis Washington. Son message était le suivant : peuples arabes, votre avenir est entre vos mains. Les Etats-unis n'en décideront rien, mais soutiendront les peuples aspirant à l'émancipation et à la démocratie», a déclaré aux Echos quotidien, Tamara Wittes, sous-secrétaire adjoint pour les Affaires du Moyen-Orient à la Maison blanche. Pris comme une gifle pour les régimes en place au Moyen-Orient, le discours d'Obama a ainsi plus soutenu les manifestants pacifiques que les gouvernements. Ceux-ci étaient pourtant, jusqu'à un passé proche, des alliés stratégiques du pays de l'Oncle Sam, et «son socle contre le terrorisme et la montée de l'islamisme radical». Lors du mandat de G.W Bush, la coopération sécuritaire avait pris le dessus, et les premières pierres du projet du Grand Moyen-Orient(GMO), ont été d'ordre militaire. Elu président, Barack Obama a pris aussitôt ses distances avec la politique de G.W.Bush, critiquée de par le monde et désignant les USA comme ennemi public et cible de toutes attaques. S'inspirant du Princeton project on national security, un projet phare de remise en question de la politique extérieure des républicains, Obama a finalement redéfini le champ de son intervention à l'étranger. «Personne ne s'attendait à ce que Obama remette en question l'efficacité de l'action dans le cadre de la guerre en Irak» commente un observateur. La distance est maintenant prise à l'égard de la politique de G.W Bush. Le discours de Obama est une mise en œuvre, à la lettre près, des conclusions du rapport de la célèbre université de gauche, rendu public en 2006. Pour lui, le soutien des processus de démocratisation des pays de la région, ne ferait que renforcer la stabilité globale et par conséquent la sécurité nationale et l'American way of life. Enjeu régional Très peu évoqués dans son discours, ou alors pas du tout, le Maroc et l'Algérie présentent tout de même un enjeu non dépourvu de dangers pour la région: le conflit du Sahara. Le degré relativement moindre de violence dans la zone de conflit, a certainement mis de l'ombre sur la question, mais également les différents canaux de négociation entre les parties au conflit. Interrogée par Les Echos quotidien sur la question et sur la place qui lui est donnée par Barack Obama dans sa nouvelle politique annoncée, la représentante de la Maison blanche, Tamara Wittes, a préféré ne pas répondre. En revanche, le volet économique semble tout autant intéresser l'hôte de la Maison blanche. Les Etats-Unis sont prêts à débourser des milliards de dollars pour «aider les peuples à reconstruire leurs économies et à en définir les priorités», explique le président américain dans son discours. «C'est aux peuples de choisir quelle économie leur semble appropriée» ajoute-t-il. Au Maroc, le climat stable et l'accord de libre-échange, quoique ses dispositions ne sont pas encore totalement exploitées, fait du royaume une économie «encourageante», selon l'expression américaine. Dans une récente déclaration, Samuel Kaplan, l'ambassadeur US à Rabat avait déclaré aux Echos quotidien que «les investisseurs américains sont plutôt confiants et estiment que le royaume est un pays qui émerge et qui est en pleine croissance. Ils sont conscients des opportunités à saisir». De son côté, Tamara Wittes pointe du doigt les différents classements du Maroc sur ce volet-là, notamment Doing Business, fourni par la Banque mondiale, et les indices de perception de la corruption. «L'économie marocaine est intéressante et résistante. Cependant, il y a un effort considérable à faire quand à la lutte pour la transparence. Le royaume présente des taux de croissance de son économie très encourageants, mais, il faut que cette croissance soit partagée par tous, pour le bien-être de tous. Un travail sur l'égalité, voilà ce qu'il faut» explique-t-elle. Obama, qui a annoncé vouloir effacer la dette souveraine de l'Egypte, et lui proposer 2 milliards de dollars, ainsi qu'une aide similaire à l'adresse de la Tunisie, s'est déclaré prêt à fournir des aides aux autres pays de la région. Leur avenir économique sera-t-il vraiment entre leurs mains ? «C'est là toute la contradiction du discours d'Obama. Pour lui, il faut ouvrir les frontières au capital étranger, s'il faut éradiquer le chômage, par exemple. Voilà une condition implicite», explique un observateur, «Il ne faut pas s'étonner de voir dans les prochains temps se multiplier des accords bilatéraux de libre-échange». USA-UE : Guerre d'influence et d'hégémonie La région change de face et les puissances mondiales changeront d'interlocuteurs. La coopération, sous le mandat de G.W Bush, dominée par le soutien des régimes contre le terrorisme, a laissé place à l'Europe pour renforcer des liens moins sécuritaires d'aides publiques au développement, d'échanges culturels et sociaux avec la région, alors que la CIA continuait de répandre ses 23.500 agents de par le monde. Evident et clair dans son discours, Barack Obama souhaite rattraper le temps perdu. Il en va du champ d'influence des USA. Se prononcer fermement quant aux révoltes était une manière pour lui de se démarquer d'une Europe hésitante, et dont les Etats arrivent difficilement à se mettre d'accord, comme c'est le cas pour la Tunisie, entre la position de la France et le reste des 27 pays de l'Union. Gagner en sympathie et réactiver les autres volets de la coopération, tels sont les objectifs de l'administration Obama, d'autant plus qu'actuellement, la fièvre de la place Attahrir a atteint jusqu'aux grandes places des capitales européennes. Promesses... En crise, incapable de mobiliser des fonds, restreignant ses budgets même pour les pays les plus proches (Maroc et Israël), l'Europe se heurte également à une crise dans son processus de prise de décision, faute d'institutions politiques centrales. «Avec les récentes interventions, ainsi que le discours d'Obama, il est clair que celui-ci est en train de prendre le dessus», commente notre observateur, et d'ajouter «la conjoncture et les problèmes structurels qui secouent l'Europe jouent en sa défaveur». Il lui reste à mettre en œuvre ses promesses. La question vaut également pour les USA : comment financeront-ils tous ces plans de reconstruction? Agiront-ils jusqu'au bout?