Les Américains vont d'ici novembre élire leur prochain président, reconduisant Barack Obama pour quatre années supplémentaires ou bien en choisissant le changement avec le candidat républicain Mitt Romney. Il y a encore quelques mois, alors que le parti républicain éprouvait les plus grandes difficultés à se choisir un vrai leader, à même de battre le camp démocrate, très peu se seraient risqués à miser sur une défaite du Président Obama. Sa réélection semblait couler de source, du moins pour les Européens qui le préfèrent largement à son prédécesseur Georges W Bush. Il est vrai qu'il faut se méfier de cette vision « extra-étasunienne » qui peut biaiser notre jugement et nous tromper. La réélection de Bush en est un exemple probant, une grande partie du monde soutenait Al Gore. Mais comme à chaque fois, c'est le peuple qui décide de son avenir et les considérations internationales ne sont prises en compte que dans un second temps. Il semble bien à présent que la partie ne soit pas aussi simple. Selon de récents sondages, réalisés avant et après la convention républicaine, mais avant la démocrate qui semble avoir relancé la campagne d'Obama grâce au discours de Bill Clinton salué par tous, les deux candidats sont au coude à coude. Ce rééquilibrage pourrait montrer deux choses : Mitt Romney n'est pas l'incompétent que l'on décrit dans de nombreux magazines, il a une stratégie de campagne assez efficace ; quant à Barack Obama, sa posture de gagnant sans combattre l'a desservi et il se doit désormais de ne plus se cacher, sous peine de faire une non-campagne dangereuse à bien des égards. Mitt Romney ne cherche pas dans cette campagne à dire la vérité ou bien à présenter des solutions innovantes aux problèmes qui affaiblissent les Etats-Unis. Il se contente de critiquer le bilan d'Obama, d'exiger toujours moins d'interventionnisme de Washington (comme si ce dernier était nécessairement gage de fin de problèmes !), et de promouvoir une politique étrangère pour le moins simpliste, teintée d'un discours vague mais belliciste, considérant la Russie comme son grand ennemi géopolitique… Il n'est pas avare en outre de gaffes qui démontrent selon ses détracteurs son incompétence, mais force est de constater qu'il est au même niveau qu'Obama dans les sondages. Comment expliquer cette situation ? En vérité, cette campagne n'est pas entre deux candidats, mais bien une campagne sur Obama. Ce dernier focalise l'attention de tous et c'est son rôle qui va déterminer l'issue de cette élection, Mitt Romney n'est dans cette histoire qu'un acteur de second-plan. Obama doit avant tout faire face à la déception de son peuple et d'une grande partie du monde qui avaient sombré en 2008 dans ce que l'on a appelé l' « Obamania », oubliant au passage qu'un homme ne peut pas résoudre tous les problèmes à lui tout seul. Qui plus est, la crise économique et financière a malheureusement montré que le politique, dans bien des situations, avait moins de pouvoir que le monde de la finance, et que sa marge de manœuvre s'amenuisait dangereusement. Certes, le bilan d'Obama n'est pas exempt de tout reproche. L' « Affordable care Act » qui correspond globalement à la réforme de l'assurance-santé, permettant à toute la population américaine d'être protégée, est évidemment un pas historique pour la société américaine, mais l'on peut regretter que cette décision ne soit pas encore entrée en vigueur, en raison de considérations politiques complexes. C'est d'autant plus délicat à gérer que la crise a jeté à la rue des milliers d'Américains qui ne croient plus dans le « rêve américain » et qui sont livrés à eux-mêmes. Obama n'a pourtant pas été inactif sur ce sujet, son plan de relance de 2009 ayant évité la catastrophe économique que beaucoup prédisaient, mais il n'est pas parvenu à réformer en profondeur le secteur de la finance et à restructurer une économie dont la compétitivité est remise en cause. Par ailleurs, il n'a jamais fait fermer Guantanamo, alors qu'il s'agissait d'une promesse de sa campagne de 2008... Pourtant, malgré ce bilan pour le moins contrasté, Obama est le président qu'il faut pour les Etats-Unis. La continuité de sa mandature permettrait de ne pas perdre de temps, à défaire tout ce qui a été construit, à constituer de nouvelles équipes qui ne seront pas opérationnelles sur le champ, alors que la crise n'attend pas. De plus, Obama jouit d'une aura sur la scène internationale sans commune mesure avec son adversaire qui, pour l'instant, n'a pas fait preuve d'une grande lucidité pour les questions géostratégiques. Le second mandat permet généralement au Président en place d'être plus courageux dans les mesures qu'il défend, car il sait que c'est sa dernière occasion de faire accepter ses idées. Rien n'est joué dans cette élection, les Américains sont un peuple imprévisible qui a déjà choisi par le passé des présidents auxquels peu d'experts croyaient. L'argent (les candidats ont chacun une force de frappe de plus d'un milliard de dollars !) et les débats seront des facteurs clés pour la désignation du prochain président américain.