Au lendemain des attentats criminels du 11 septembre 2011, au faîte de sa gloire, George W. Bush et le carré de conseillers qui l'entouraient, s'étaient persuadés eux-mêmes du caractère politique du forfait d'Al-Qaïda. Mais, surtout, n'avaient pas hésité à procéder au tragique amalgame qui allait, quelques mois après, devenir le trait d'une politique : l'islamophobie. L'effet de mimétisme d'un pays à l'autre, de la Tunisie jusqu'à Bahrein en passant par la Libye, l'Egypte, le Yemen et maintenant la Syrie, aura été d'autant plus amplifié, qu'il s'est apparenté plus à une manière d'anarchie qu'à une révolution institutionnelle et démocratique. Six mois après, le 20 mars 2002, les Etats-Unis déclaraient et lançaient contre l'Irak l'une des plus terribles guerres où, sur fond d'une hargne mal dissimulée, l'armée américaine recourait à la fois à des armes technologiques, à une propagande renouvelée et à la volonté de détruire l'Etat irakien. Dix ans plus tard, on en est à mesurer les conséquences dramatiques...Oussama Ben Laden, devenu l'ennemi numéro « Un » de l'Amérique et du monde occidental est mort...Non sans laisser des émules et al-Qaïda renaît régulièrement de ses cendres...et se dissémine... La paix définitive ne s'est pas instaurée en Irak, plongé dans une guerre civile, le monde occidental et à sa tête l'Amérique ont succombé à partir de 2008 à une crise financière aggravée, doublée d'une crise économique non moins grave et, à présent, à une récession et une crise sociale. On aura compris que le capitalisme et ce qu'on appelle généralement l'économie de marché et de la « bulle financière » aura fait son temps. Non qu'il se soit effondré à jamais mais, comme l'Hydre de Lerne, ses principales têtes sont atteintes. L'Europe , qui en est le fer de lance, subit les affres de la crise d'une manière d'autant plus cruelle que la banqueroute financière et politique de la Grèce, le marasme économique de l'Espagne, accessoirement du Portugal et la crise en Italie se déclinent sur fond du plus grave éclatement du système de l'Euro qui est à l'Europe ce que le bouclier est à la sécurité. Le réveil du monde arabo-musulman Entre-temps, claquemuré dans son assoupissement pendant des décennies, le monde arabo-musulman a commencé à se réveiller en janvier 2010. Coup sur coup, plusieurs pays ont été plongés dans des bouleversements qui, au fur et à mesure de leur amplification dans l'espace et dans le temps, sont devenus des soulèvements et, par la grâce des interprétations occidentales, des révolutions et des « printemps »...L'effet de mimétisme d'un pays à l'autre, de la Tunisie jusqu'à Bahrein en passant par la Libye, l'Egypte, le Yemen et maintenant la Syrie, aura été d'autant plus amplifié, qu'il s'est apparenté plus à une manière d'anarchie qu'à une révolution institutionnelle et démocratique. « Le Printemps arabe » est un concept inventé par l'Occident, il est au détour de la perception ethnocentriste confectionnée par l'Europe et les Etats-Unis d'un monde arabe condamné à l'inertie et qui, soudain, à leur grand bonheur se réveille contre les autocraties. Il est le produit d'un marketing politique et d'une communication que l'Occident maîtrise depuis toujours. C'est si vrai que le 5 juin 2009 du haut de la tribune de l'Université Al-Azhar du Caire, Barack Obama, président des Etats-Unis, a prononcé le célèbre discours de « réconciliation avec l'Islam », devant quelque 3000 personnes et pas moins de 1,5 milliard de téléspectateurs. Il s'était même hasardé à plaider pour la création d'un Etat palestinien indépendant et l'arrêt systématique de la politique de colonisation des terres par Israël... L'ultime espoir s'évapore Si le discours du Caire avait suscité d'immenses espoirs, notamment auprès des peuples arabes et musulmans, la déception, doublée d'une grande amertume, aura été plus significative chez ces derniers. Barack Obama incarnait, sans doute, l'ultime espoir américain aux yeux des Arabes et des musulmans pour imposer une solution au conflit israélo-arabe. Frustrations, disparités de toutes sortes, crise économique et sociale, désespoir se sont emparés des peuples arabes. Les « révolutions arabes » se sont greffées sur un contexte géopolitique en crise, marqué au sceau de la déstabilisation dans la région, et au plan interne par les inégalités, les disparités sociales aggravées, la corruption et la précarité. La Tunisie qui a donné le point de départ des révoltes a servi de laboratoire révolutionnaire, elle est aujourd'hui une terre de prédilection de l'intégrisme, l'Egypte a élu également un chef d'Etat islamiste, mais elle est placée sous la garde d'une armée qui, depuis 1952, demeure vigilante et omniprésente, la Libye plonge dans une guerre tribale – notamment chez les Toubous – que la férule de Kadhafi avait pourtant jugulée...En Syrie, après huit mois de répression et de chaos, Bachar Al-Assad continue de résister à la pression internationale, jouant le « va tout » du déluge apocalyptique. La Russie persiste, cela va de soi, à soutenir le président Assad , parce qu'elle entend empêcher l'arrivée demain des islamistes « durs et purs », armés par la CIA, l'Iran , le ...Qatar et d'autres services occidentaux...Le Soudan est divisé en deux, abandonné aux palabres des uns et des autres et surtout à ses délires intégristes...Sans pour autant extrapoler notre regard, il faut convenir que les événements du Mali nous interpellent à plus d'un titre, ils sont à proximité de notre espace et leurs échos peu réjouissants, parce que là aussi , le même Islam qui se fait libérateur en Syrie, devient destructeur à Tombouctou, sa chape de plomb totalitaire se profilant chaque jour un peu plus...Vivante illustration du propos d'Oswald Spingler sur la nation et le peuple : « Tant qu'un peuple est nation, tant qu'il remplit le destin d'une nation, il y a en lui une minorité qui représente et accomplit son histoire au nom de tous. » ! Le Maroc, quant à lui, a évité de tels déchirements, quand bien même le Mouvement du 22 février, sorti des limbes, eut souhaité jouer des contradictions institutionnelles et sociales et mettre à profit la vague des contagions. Or, la Constitution a changé, la majorité gouvernementale aussi, mais rien d'autre n'a changé, entend-on dire ! Autrement dit, changement ou pas, les problèmes économiques et sociaux demeurent. Dans l'ordre de la déstabilisation , extérieure et intérieure, qui traverse comme un puissant courant marin les pays arabes et musulmans, il y a désormais deux légitimités qui s'affrontent. Elles constituent également deux logiques imprescriptibles : celle des pouvoirs et celle des peuples. Le monde arabe, dans sa composante populaire, donne de plus en plus l'image de l'effervescence et du bourgeonnement. Pour autant, ces deux caractéristiques n'assurent nullement des transformations démocratiques radicales. C'est le principe , vieux comme le monde, de la « révolution mangeuse de ses propres hommes » ! Aucune illusion, pas la moindre transfiguration ne viendrait nous rassurer à présent ! * Tweet * * *