Près de 65% des Marocains sondés placent la marque dans le trio de tête des critères guidant le choix d'un produit donné. Un constat de taille qui ressort d'une étude menée par l'Office marocain de la propriété intellectuelle et commerciale (OMPIC), dont les résultats ont été révélés, en avant-première, lors d'un séminaire tenu en fin de semaine dernière au siège de la CGEM, sous le thème «le rôle des marques dans le développement stratégique de l'entreprise». Une preuve, aussi, forte du degré d'importance du critère «marque», dans le choix des consommateurs. Néanmoins, cet aspect se trouve souvent plombé par la contre-façon qui concurrence les marques d'origine et tue l'innovation. Un défi pour l'entreprise Par ailleurs, 22% des sondés s'intéressent à la nationalité de la marque du produit acheté. Ces chiffres sont éloquents à plus d'un titre. Pour les entreprises nationales, ces résultats prouvent à quel point les marocains, privilégiant la qualité ( 88% des sondés priorisent le critère qualité dans la prise de décision), ne s'intéressent que rarement à l'origine du produit consommé. «Le développement du marché marocain rend la marque un instrument majeur de la stratégie publicitaire et commerciale des entreprises», a déclaré Adil El Maliki, directeur général de l'OMPIC. Et pour cause, les entreprises marocaines sont de plus en plus conscientes de cet aspect, en témoigne l'évolution des dépôts des marques depuis quelques années. En effet, la progression annuelle moyenne des demandes de marques depuis 1986, dépasse 7% pour atteindre les 6.944 demandes en 2009. Dans ce registre, ce sont les entreprises opérant dans les services qui remportent la palme des dépôts par voie directe. La part de ce secteur a, en effet, progressé entre 1966 et 2008, passant de 16% à 33% en fin de période. «Cette progression a été accomplie sur le compte de l'agriculture, de la chimie, et du textile», indique-t-on auprès de l'OMPIC. «L'importance des services dans les dépôts de marques via le circuit direct est retrouvée dans le PIB national. La valeur de ce secteur représente depuis 2005, la moitié de la richesse nationale», précise l'Office dans les résultats de son étude. Et si plusieurs entreprises ne recourent pas encore au dépôt de marques pour étoffer leur stratégie marketing, c'est que des efforts doivent encore être fournis quant à la vulgarisation des processus de dépôts. Où en est le Maroc ? Il est vrai qu'en un temps record, le Maroc s'est hissé au niveau des réglementations les plus évoluées dans le monde, en matière de dépôt de marques et a ratifié dans ce sens, plusieurs accords, notamment la convention de Paris, le protocole de Madrid et le traité sur le droit des marques. Néanmoins, la mise à niveau des rouages liés à la protection des marques et aux dépôts des brevets y relatifs est encore à achever. «Il faut redoubler d'efforts pour tirer profit du potentiel des marques au Maroc afin d'en faire un levier de développement économique», affirme Mounia Boucetta, secrétaire générale du ministère du Commerce, de l'industrie et des nouvelles technologies. «Entre 2008 et 2009, les dépôts de marques au Maroc, effectués par des entreprises marocaines, a progressé de 23%», précise Mounia Boucetta. À l'international, 62 dépôts de marques marocaines ont été enregistrés en 2009, faisant du Maroc le premier de sa classe dans la région MENA. Encourageant, d'autant plus que le Maroc a un potentiel important pour l'utilisation des marques. Ce potentiel, selon l'OMPIC, est de 7 fois le volume actuel si on compare les indicateurs du Maroc à ceux de l'Espagne. Aussi, la même source signale que le Maroc, avec 179 dépôts de marques par million d'habitant, devance la Tunisie et l'Algérie, respectivement avec 131 et 73 dépôts. Par quelle voie ? Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il existe plus d'un mode opératoire pour déposer une marque. Sous cet angle, les demandes des résidents ont représenté les 3/4 ( 75,2%) du total des dépôts effectués par voie directe auprès des services de l'OMPIC, alors qu'ils représentaient 64,1% en 1986. «La possibilité de protéger des marques étrangères au Maroc via le système de Madrid explique en grande partie la prédominance des résidents dans le circuit direct», note la même source. Et d'ajouter qu'il s'agit là d'une meilleure prise conscience de la part des entreprises de l'importance des marques dans la commercialisation. Un constat confirmé, donc, par le fait que les dépôts des résidents dans le total des marques protégées est« passée de 35% entre 1996 et 2000 à plus de 50% depuis 2002». Et, sur ce volet, s'il y a une morale à tirer c'est bien que les entreprises nationales sont, aujourd'hui, en train de marquer leur territoire devant la montée en puissance incessante de la présence des entreprises étrangères, mais aussi devant l'ouverture du marché national aux échanges internationaux. Et, justement, en évoquant les sources étrangères, il est judicieux de souligner que les dépôts de marques de dix pays ont représenté, entre 1999 et 2008, plus de 75% du total des marques déposées par les non résidents au Maroc, part tout de même en régression par rapport à 1999 ( 89%). Ces dix pays sont aussi, signalons-le, d'importants fournisseurs du pays. Il s'agit de la France, l'Allemagne, les USA, la Suisse, l'Italie, le Benelux, l'Espagne, la Grande-Bretagne, la Chine et la Turquie. Qu'en est-il des marques marocaines à l'étranger ? Pour protéger leurs marques à l'étranger, les entreprises nationales recourent le plus souvent au système dit «de Madrid». Selon l'OMPIC, quoiqu'en évolution notable depuis les six dernières années, les désignations dans les marques marocaines à l'étranger demeurent encore modestes. «La nature des exportations marocaines et la méconaissance des outils de la propriété industrielle sont des explications potentielles à la faiblesse du nombre de marques marocaines protégées à l'étranger», expliquent les responsables de l'OMPIC. Pour l'instant, la France et l'Espagne restent encore les plus désignés dans les marques marocaines à l'étranger. Les indications géographiques, un atout Au Maroc, ce concept est nouveau. «Le système des indications géographiques est désormais effectif au Maroc, il vise à protéger les produits agricoles et artisanaux», précise Mounia Boucetta. Contrairement à la marque qui est utilisée par une entreprise pour distinguer ses produits et ses services de ceux d'autres entreprises, l'indication géographique permet au consommateur de définir si un produit provient de tel ou tel lieu. En effet, il existe un «lien» déterminé entre les produits et leur lieu de production d'origine. Un certain nombre de traités visent à protéger les indications géographiques, à l'exemple des articles 22 à 24 de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui traitent de la protection internationale des indications géographiques dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). De même, au niveau de l'artisanat, des marques collectives ont été enregistrées par le département de tutelle, afin d'en assurer la protection et d'en garantir la qualité. Mais Christine Laï, présidente de l'Unifab prévient : «Pour que cette belle marque collective qu'est l'indication géographique ne soit pas faible d'impact, il faut construire tout autour une image de marque, la distinguer par un nom, par un savoir-faire spécifique, par quelques éléments qui vont constituer autant d'alertes à la clientèle».