De l'avis des professionnels du marché publicitaire, la télé est le média qui a le plus perdu dans le jeu concurrentiel actuel. Certaines sources estiment qu'en 2009 les recettes de l'audiovisuel ont brutalement chuté de 20% par rapport à 2008 et la tendance continue au premier semestre 2010. Néanmoins, la TV reste encore en tête du classement des médias mais n'arrive toujours pas à dépasser la barre des 2 milliards de dirhams de chiffres d'affaires publicitaires. Selon les spécialistes du marché, la régression du petit écran aurait principalement bénéficié à l'affichage et à la radio. Toujours est-il que ces deux médias et la presse ont évolué de manière presque identique, avec une croissance (brute) estimée à 15% pour l'ensemble. S'agissant du média web, les analyses sont plutôt mitigées. Les professionnels du Web estiment que leur recette publicitaire globale en 2009 est de l'ordre de 50 millions de dirhams et avancent un taux de croissance de 30% par rapport à 2008. Un chiffre contesté par d'autres versions qui l'estiment à peine à quelque 20 MDH.Une situation «normale», expliquent-ils, dans la mesure où en temps de crise les annonceurs se posent surtout des questions sur l'efficacité et la rentabilité de leurs investissements. Ce qui est favorable au média Internet qui touche une cible plus large et à moindre coût. Mais du côté des agences conseil en communication, cette évolution du Web est sujette à controverse. Ils estiment que ce média a sans doute de beaux jours devant lui, mais qu'il n'a pas encore véritablement réussi à attirer l'attention des annonceurs autant que l'ont fait les médias traditionnels de masse (radio, affichage et presse). Sur le plan sectoriel, la répartition des investissements n'a pas été bouleversée par la conjoncture. Les télécoms restent en tête, avec près de 850 millions de dirhams bruts investis en 2009. Toutefois, malgré la concurrence de plus en plus intense entre les acteurs du secteur, celui-ci a légèrement désinvesti entre 2007 et 2009, réduisant ses budgets respectivement de 11 et 14%. L'agroalimentaire se redynamise sur le plan publicitaire et occupe la deuxième place parmi le top annonceurs avec un investissement brut de plus de 600 millions en 2009, soit +25% par rapport à 2008. L'immobilier et le tourisme ont également augmenté leurs efforts publicitaires, avec des croissances respectives de 27 et 10% en 2009. C'est le BTP qui malgré l'euphorie de l'immobilier et des grosses infrastructures reste muet, réduisant de 66% en 2009 ses investissements publicitaires déjà trop faibles (ceux-ci passent de 3,5 millions en 2008 à 1,2 million en 2009). Qu'en est-il alors des perspectives du marché en 2010 ? Tendance Quoique les derniers chiffres publiés en avril 2010 fassent état d'une tendance baissière, les professionnels de la com continuent de croire que, sauf imprévu majeur, les recettes publicitaires vont remonter en force en 2010. Selon eux, s'agissant du marché publicitaire, l'analyse mois par mois n'est pas significative dans la mesure où celle-ci peut coïncider avec des moments où les gros annonceurs ne sont pas en campagne. Pour cette année, les professionnels prévoient donc des événements majeurs qui vont bouleverser le marché. Le premier est lié à l'amélioration progressive de la situation du marché automobile suite au dernier salon de l'Auto Expo. À cela s'ajoute le climat serein (notamment du fait des bonnes saisons pluvieuses qui ont marqué 2008 et 2009) qui règne sur le secteur agroalimentaire. Celui-ci, estime-t-on, investira davantage dans la pub en 2010. Le troisième événement majeur attendu est l'effet Inwi. De l'avis de tous les analystes, cet opérateur va très probablement prendre la place de Maroc Telecom (régulièrement en tête du peloton) dans le ranking des tops annonceurs au cours de l'année 2010. Et même s'il n'arrive pas en tête, ses efforts publicitaires ne manqueront pas de provoquer une émulation bénéfique sur le marché. Cette perception est sans doute influencée par la méga-campagne de communication qui a été orchestrée pendant le changement d'identité (passage de Wana à Inwi) et le lancement de la nouvelle offre Inwi, où l'opérateur a arrosé le marché publicitaire : 60 millions de dirhams ont été investis en deux mois. Qu'en pensent les autres opérateurs télécoms ? En tout cas chez Méditel, l'effet Inwi annoncé ne semble pas impressionner. C'est un événement ponctuel et sans grande incidence, car tous les opérateurs ont des chantiers de communication pour 2010, estime-t-on. Au niveau d'Inwi aussi, on tempère l'observation émise par les analystes et on refuse toute communication sur le budget publicitaire global prévu pour l'année 2010. Selon Constance Capdenat, directrice communication d'Inwi, l'appréciation positive dont a bénéficié leur communication est beaucoup plus liée à la cohérence des actions menées lors de la campagne qu'à l'investissement financier. Cela est peut-être vrai, car la marque a beaucoup misé sur le show (PLV), la TV et un style d'affichage tape-à-l'œil avec des messages forts. Mais ces explications de l'opérateur cachent aussi une autre réalité, celle du «secret defense» qui entoure les budgets de communication chez presque tous les annonceurs et qui fausse souvent les estimations des analystes. Là réside une grande partie de la complexité de l'univers publicitaire et médiatique marocain. La Pub SMS, a grimpé de +200% chez Casanet «Tout ce qui est marketing direct a bien marché en 2009», ce constat est de Yassir Lamrani, directeur pôle média de Casanet. Chez Casanet, l'une des croissances les plus insolentes à été enregistrée selon Yassir Amrani, sur le SMS (+200% par rapport à 2008). Mais du côté des agences conseil les analyses qui ressortent, expliquent que ce regain d'intérêt pour le SMS n'a pas eu beaucoup d'impact sur le marché publicitaire. Ce sont surtout les très petits annonceurs (restaurants, cafés, organisateurs de spectacle) et dans certains des annonceurs moyens (les franchises du luxe et de l'habillement, l'électroménager...) qui se sont rabattus sur ce canal moins coûteux et plus efficace pour eux, car leur permettant d'atteindre leur cœur de cible. L'intérêt du SMS se justifie selon la taille du marché ciblé, explique Noureddine Ayouch, président de Shem's. Lorsqu'on veut atteindre 500 ou 1000 personnes, le SMS est efficace mais dès qu'on dépasse cette taille, sa force de frappe commence à être nulle.Déjà à partir de 20.000 personnes ciblées, il est plus intéressant d'investir dans le web si la cible s'y trouve, et à + de 20.000, les médias traditionnels de masse sont jugés plus profitables. «L'affichage et la radio ont damé le pion à la télé»Noureddine Ayouch : Président de Shem's Les Echos quotidien : Comment s'est comporté le marché publicitaire sur la période 2008-2009 ? Noureddine Ayouch : La caractéristique principale ces dernières années est que le marché ne connaît plus sa progression habituellement à deux chiffres. Il connaît une stagnation, voire une légère augmentation de 3 à 5%. Il faut également noter qu'il y a eu de grands changements en 2008-2009, avec le lancement d'un certain nombre de supports, notamment les radios, qui ont occupé une place non négligeable dans les investissements publicitaires. Ceux-ci touchent des cibles bien déterminés et ont un champ d'audience plutôt régional. Qu'en est-il du media planning ? Parce qu'il y a eu stagnation, il y a eu aussi transfert d'une partie des investissements initialement dédiés à la TV vers d'autres supports, surtout la radio et l'affichage. Les nouveaux médias (le web), si l'on se focalise sur les recettes globales de la pub tous médias confondus, n'ont pas attiré des investissements importants. On assiste certes, de plus en plus à la création de nouveaux sites et blogs, mais la communication sur le web n'a pas encore explosé au Maroc, comme c'est le cas dans d'autres pays. Quelles sont les perspectives pour 2010 ? La crainte et la méfiance se dissipent. Il y a un regain de confiance, qui laisse présager des investissements qui vont progresser. Cela est dû d'abord à l'arrivée d'un acteur nouveau qui est Inwi et qui investit beaucoup et aux entreprises de l'agro-alimentaire, qui n'ont pas subi de stagnation au niveau de la vente de leurs produits. L'automobile, qui a connu une certaine mévente en 2009, commence à se redresser et le dernier Salon Auto Expo a généré des achats. L'achat d'espace a donc suivi, car beaucoup de marques ont saisi l'occasion pour communiquer, surtout dans la presse et l'affichage.