Lundi 17 mai. 18h45. La file des invités progresse lentement vers l'entrée de l'institut Cervantes de Casablanca. Après une légère fouille, imposée par des impératifs sécuritaires, les invités patientent quelques instants, le temps que les organisateurs achèvent les derniers réglages pour débuter la conférence de presse du festival Pirineos Sur, tenue pour la deuxième année consécutive au Maroc. L'aragonais bouscule le silence ambiant dans l'enceinte aménagée en attente des artistes, des journalistes et autres convives. La sortie des cours de l'institut, annoncée en synchronisation avec l'arrivée des invités, crée un remue-ménage inopiné mais qui ne durera pas longtemps. La conférence commence en présence du directeur du festival, de la députée culturelle de la province de la Huesca (côté aragonais) et d'un conseiller culturel. «Le festival Pirineos Sur qui se tiendra du 8 au 25 juillet prochains célèbre pour sa XIXe édition le bicentenaire de l'indépendance latino-américaine», annonce Rosa Leon Conde en sa qualité de directrice. En effet, cette conférence est l'aboutissement du séjour des aragonais qui date, pour la plupart, d'avant la tenue du festival L'Boulvard clôturé le 16 mai dernier. Une relation amicale, doublée de résidences artistiques, lie les deux parties et se trouve à l'origine de l'exportation de bon nombre d'artistes marocains sous des cieux plus cléments. «Il ne s'agit pas uniquement de concerts qui s'estompent et s'évaporent dans le temps, mais d'une exploration musicale mutuelle, l'objet même de notre collaboration». Référence faite aux deux créations musicales qui ont réuni les deux festivals en 2009 et en 2010. «Nous remercions la participation marocaine très fructueuse qui s'est jointe à ce festival public», dit d'un fort accent espagnol la députée de la province. Les organisateurs insistent ainsi sur le caractère public du festival, un projet à l'âge majeur qui a eu la pertinence de donner bonne vie à la faune de la vallée nichée dans les Pyrénées espagnoles. L'Afrique au pied du lac Sans faire long, les quatre représentants de Pirineos Sur alternent les interventions enjolivées de témoignages debout d'Alejandro Monserrat et Mohamed Barry, artistes désormais amis aux suites de «Regards croisés», la dernière résidence qui les lie depuis avril dernier. Un projet commun qu'ils présenteront ce soir même à la cour de l'institut et en substance, à la soirée maghrébine qui aura lieu en pleine effervescence de Pirineos Sur. Le 17 juillet, c'est la diva Oum qui ouvrira le bal à Alejandro Monserrat & Al Baida pour la résidence en question. Et en clôture de soirée, Rachid Taha viendra rocker et secouer le calme de la vallée. Rien n'empêche au milieu des sonorités colombiennes, chiliennes, mexicaines, argentines ou péruviennes de commémorer le décès du grand Ali Farka Touré, puisque le festival lui dédie sa dernière soirée via les voix maliennes de Afel Bocoum & Alkibar ainsi que Toumani Diabaté. Un sacré cocktail de soul, hip hop, salsa, musique africaine, cumbia et folklore chilien. Editions thématiques, festival ethnoculturel Depuis 19 ans, les Pyrénées espagnoles dans la province de Huesca vibrent pendant l'été aux rythmes du monde. Le Festival international de Las Culturas Pirineos Sur (Les Cultures des Pyrénées du Sud) est un rendez-vous de la World Music de part en part. D'abord, compte tenu de sa programmation musicale depuis 1992. Sur le lac artificiel de Lanuza ont musicalisé des nuits thématiques universelles à d'autres plus engagées. La Lusophonie, la Méditerranée ont donné le ton festif, gai et une dimension sociale à des genres à mi-chemin entre le Brésil et le Portugal quelques éditions plus tard. Avec des grandes figures de la musique cubaine, montrant les légendes des sonorités, la nouvelle génération de la musique marocaine a brillé de mille feux et jeté les ponts pour une expérience humaine et artistique unique, il y a à peine trois ans. En 2007, les rappeurs H-Kayne y jouaient pour une première fois devant un public qui avait découvert un an avant eux la fusion de Darga. Le contact difficile en langue espagnole est facilement établi grâce au flow et à l'énergie des MC's. Et les éditions se suivent et ne se ressemblent pas entre argentins ou brésiliens, pour des ambiances rythmées de calypso, de reggae, de tango et de musiques islamiques auxquelles le festival s'est consacré en 1999. Une programmation qui compte inéluctablement depuis 2007 d'autres artistes marocains à l'image de Oum, désormais connue d'un public mélange de voyageurs, de musiciens, d'altermondialistes et de mélomanes venus d'Espagne, de France, d'Argentine et de toute l'Amérique latine pour s'agglutiner autour de ce cadre féerique. Dix- neuf ans de musiques du monde et un festival qui insuffle un rayonnement musical et touristique sur la vallée font un Pirineos (très) Sur. Strophes et sonorités croisées A fortiori, Pirineos Sur se veut pionnier dans la promotion de la diversité culturelle et la rencontre artistique. Une activité, initiée avec le Festival Banlieue Rythme de Dakar, a pris forme grâce à la collaboration de L'Boulvard de Casablanca, considéré comme le festival indépendant le plus important et riche du Maroc. Ainsi, les deux projets comptent actuellement sur le soutien de l'Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID) qui relève du Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération. La dernière coopération en question a lieu en avril dernier. Ali Aït Tahiri (bass), Mohamed Barry (chant et guembri), Brahim Terkemani (batterie) et Mohamed Yassine( flûte) atterrissent à Saragosse pour y passer une dizaine de jours. Au menu : composition de huit morceaux musicaux qui se garnissent de jeux de batterie, basse, deux guitares espagnoles, percussions, violon et de danse gitane. Un premier concert a donc eu lieu à L'Boulvard samedi 15 mai. Sur la trame canonisée du Flamenco du groupe musical du compositeur Alejandro Monserrat, se sont tissées les paroles débitées de Mohamed Barry, les rythmes gnawi du guembri, tous entrecoupés de jeu de castagnettes ou un souffle d'air très agréable de flûte. Finalement, la résidence artistique porte bien son nom. Les regards se sont croisés et les instruments se sont accordés au gré d'un melting-pot hautement réjouissant.