Les dossiers de maladie peuvent être déposés depuis le 1er mars, remboursement dans trois mois maximum. 5,4 millions de personnes sont couvertes par le système, soit 18% de la population. Des experts en assurance doutent de la viabilité et de la pérennité du système. L'Assurance maladie obligatoire (AMO) démarre enfin. Depuis le mercredi 1er mars, les premiers dossiers de remboursement peuvent être déposés auprès des deux organismes en charge du système : la CNSS pour les salariés du privé et la CNOPS pour ceux du public. Certes, il reste encore une question cruciale à régler pour permettre le fonctionnement effectif de la couverture médicale de base : la fixation de la tarification nationale de référence. Il s'agit de fixer des tarifs standard pour les actes médicaux, lesquels tarifs serviront de base au remboursement. Rappelons-le, on ne parle pas de soins ambulatoires, non encore pris en charge dans le cadre de la formule actuelle de l'AMO, mais de ceux liés à une hospitalisation ou une maladie de longue durée. Au mercredi 1er mars, les discussions se poursuivaient entre organismes gestionnaires, association des médecins et représentants des cliniques privées pour trouver un consensus. Contrairement à ce qui a été dit jusque-là, le délai légal pour fixer ces tarifs n'est pas la fin février, mais la fin du mois de mars, sachant que, de toutes les façons, les remboursements se feront au bout de trois mois. La proposition de tarification faite par la CNSS et la CNOPS, mardi 21 février, a déçu les médecins et cliniques qui estiment qu'elle ne reflète pas du tout la réalité des coûts de la médecine privée. Trois réunions ont lieu depuis, dont l'une présidée par le premier ministre, mardi 28 février. Ce dernier a demandé aux deux parties de revoir leurs propositions et de trouver une issue le 26 mars dernier délai. Dans tous les cas, le système est bel et bien opérationnel depuis le 1er mars. Qui est concerné ? Le schéma de l'AMO institue un régime obligatoire de base pour les salariés du secteur privé alors que les fonctionnaires seront couverts par la CNOPS. La CNSS traitera environ 13 000 dossiers par jour Par ailleurs, les salariés du privé, actuellement assurés auprès d'une compagnie privée, disposent d'un délai de cinq ans pour basculer vers le régime AMO. S'ils décident de passer sous le régime CNSS, tout comme les salariés couverts par l'AMO, ils peuvent contracter une couverture complémentaire auprès d'une assurance privée pour les soins ambulatoires et dentaires, exclus du système. Pour les salariés du privé, et selon l'article 114 de la loi 65-00 relative à l'AMO, le régime devrait être étendu à tous les salariés du privé ne jouissant actuellement d'aucune couverture. Soit environ 1,6 million de personnes. En ajoutant les conjoints, enfants de moins de 12 ans et les pensionnés de la CNSS, c'est au total une population de 2,7 millions de personnes qui sera couverte à compter du 1er mars. La cotisation au régime CNSS est de l'ordre de 5 % du salaire, prise en charge à part égale par le salarié (2 %) et l'employeur (2 %). A cela s'ajoute 1 % prélevé sur les allocations familiales. En contrepartie, la CNSS assure un taux de remboursement de 70 %, si le patient se fait soigner dans une clinique, et de 90 % s'il opte pour un hôpital. Le régime CNSS exclut les soins ambulatoires sauf pour les enfants âgés de moins de 12 ans et pour la femme enceinte, pour ne retenir que les frais d'hospitalisation et soins liés ainsi que 43 pathologies lourdes fixées par la loi 65-00. Pour cette caisse, les études prévisionnelles retiennent le traitement d'environ 3 millions de dossiers maladie par an. Quelque 13 184 dossiers seront donc traités quotidiennement. Pour le secteur public, environ 2,5 millions de fonctionnaires et ayants droit bénéficient des prestations de la CNOPS. L'apport de l'AMO consiste en l'extension de la couverture médicale à 207 000 personnes dont 78 000 retraités. Au total, ce sont 2,7 millions de personnes qui sont concernées. La cotisation est de l'ordre de 5 %, répartie équitablement entre le fonctionnaire et l'employeur. Pour la CNOPS, c'est toujours une couverture à hauteur de 90% pour les soins ambulatoires et de 100 % lorsqu'il s'agit de pathologies lourdes, coûteuses et de longue durée. La tarification pose le problème de la viabilité Maintenant que le système est entré dans sa phase opérationnelle, reste la question centrale : est-il viable à long terme ? La difficulté à mettre en place une tarification de référence remet en cause, selon plusieurs spécialistes de la question, tout le scénario de départ qui ne fait pas de différence entre secteur privé et secteur public. Or, les contraintes des gestionnaires des deux systèmes sont différentes. La CNOPS a toujours appliqué un tarif très faible ( 15 DH/consultation chez un généraliste et 35 DH chez un spécialiste) et assuré une large couverture des maladies lourdes, de longue durée et des soins ambulatoires. Le système CNOPS a fonctionné ainsi durant toutes ces années. Aujourd'hui, même avec l'augmentation d'un point de la cotisation (le taux est passé de 4 % à 5 %, pris en charge à part égale par le fonctionnaire et l'employeur), il est impossible de demander à la CNOPS de couvrir les mêmes prestations au même taux de remboursement, en lui demandant d'appliquer la vérité des prix. Pour la CNSS, c'est un autre cas de figure : les pathologies sont limitées, les soins ambulatoires sont exclus et le taux de remboursement est variable. «Avec le taux de cotisation de 5 % et la limitation des prestations, la CNSS devrait pouvoir appliquer une tarification proche des coûts réels des soins médicaux», avance un expert de l'AMO. Pour certains observateurs, le volet financement de l'AMO n'a pas été suffisamment cerné lors de l'élaboration du système. Pour l'ANAM (Agence nationale de l'assurance maladie), le financement de l'AMO sera alimenté par les cotisations à la CNOPS à concurrence de 2,4 milliards et à la CNSS à hauteur de 1,4 milliard, soit en tout 3,8 milliards de DH par an. Les spécialistes soulignent qu'avec ces cotisations, on est encore loin des 6 milliards de DH avancés au départ pour le financement annuel de l'AMO. Ils vont jusqu'à s'interroger sur la viabilité et la pérennité du système. La participation des cliniques et médecins privés, un facteur clé de succès «Se prononcer sur la viabilité du régime n'est peut-être pas possible aujourd'hui, mais l'on peut dire que l'actuelle tarification proposée ne reflète pas le coût réel de la médecine et risque d'avoir deux conséquences graves et sur les patients et sur la qualité des soins», indique toutefois un assureur. L'application des tarifs proposés impliquera le paiement par les patients d'un ticket modérateur (part à payer par le patient) plus important que ce qui est prévu dans la loi. Ce qui fait dire à notre source que «l'objectif de l'AMO n'est donc pas atteint». Rappelons que le ticket modérateur est fixé, selon le texte réglementant l'assurance maladie obligatoire, à 10 % pour la CNOPS et il est de l'ordre de 10% ou 30% pour la CNSS, selon que le prestataire de soins est privé ou public. L'autre conséquence concerne, quant à elle, la qualité des prestations. «Les tarifs retenus pour servir de base de remboursement vont tout simplement orienter la médecine marocaine vers une médecine sous équipée et ne répondant pas aux normes technologiques», pense ce même assureur. Un avis partagé par l'ANCP (Association nationale des cliniques privées) qui estime, à son tour, que «la médecine est évolutive et nécessite des équipements très avancés. Or, si le corps médical accepte de travailler à ces tarifs, il nous sera impossible de faire les investissements nécessaires». Il est évident que tout le système de l'AMO repose sur une approche où le malade qui s'adresse au secteur privé ne paie que le ticket modérateur, cette part sur laquelle il ne sera pas remboursé, ce qui implique que la CNSS et la CNOPS passent des conventions avec les médecins et cliniques. Or, si la tarification retenue n'est pas intéressante pour les opérateurs du privé, on risque de voir les malades acculés à se diriger vers l'hôpital public, moins bien équipé. Pour résoudre cette problématique, une source proche du dossier considère que «le système ne sera viable que s'il a une capacité de s'autoréguler et de s'adapter à la conjoncture. Or, aujourd'hui, le régime est trop réglementé». Par ailleurs, il faudrait, pour fixer les tarifs de responsabilité, adopter une approche différente pour la CNOPS et la CNSS en raison de leurs différences structurelles. Et surtout, pour permettre à l'Assurance maladie obligatoire d'atteindre son objectif: la couverture médicale généralisée. L'Etat, lui, préfère avancer à petits pas : «Offrons d'abord un minimum, puis en fonction du l'élargissement de l'assiette des cotisants, le système sera évolutif. On ne peut se permettre, avec les moyens dont le Maroc dispose, de tout prendre en charge pour le moment», affirme-t-on. L'AMO a démarré, l'avenir dira si le système tiendra. Les maladies prises en charge par l'AMO Accident vasculaire cérébral ou médullaire ischémique ou hémorragique Affections malignes du tissu lymphatique ou hématopoïétique Anémies hémolytiques chroniques sévères Aplasies médullaires sévères Artériopathies chroniques Asthme sévère Cardiopathies congénitales Cirrhoses du foie Diabète insulino-dépendant et diabète non insulino-dépendant Epilepsie grave éficit mental Formes graves des affections neurologiques et neuromusculaires Glaucome chronique Hypertension artérielle sévère Insuffisance cardiaque Insuffisance rénale aiguë Insuffisance rénale chronique terminale Insuffisance respiratoire chronique grave Lupus érythémateux aigu disséminé Maladie coronaire Maladie de Crohn évolutive Maladie de Parkinson Maladies chroniques actives du foie (hépatite B et C) Myélodysplasies sévères Néphhropathies graves Polyarthrite rhumatoïde évolutive grave Psychoses Rectocolite hémorragique évolutive Rétinopathie diabétique Sclérodermie généralisée évolutive Sclérose en plaques Spondylarthrite ankylosante grave Syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA) Syndromes névrotiques Troubles graves de la personnalité Troubles héréditaires de l'hémostase Troubles mentaux et/ou de la personnalité dus à une lésion, à un dysfonctionnement cérébral ou à une lésion physique Troubles permanents du rythme et de la conductivité Tumeurs malignes Valvulopathies rhumatismales Vascularites Les réponses aux questions que vous vous posez sur l'AMO Qui est éligible à l'Assurance maladie obligatoire ? Ce sont les fonctionnaires et agents de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics et des personnes morales de droit public, gérées par la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) et les personnes assujetties au régime de la sécurité sociale en vigueur dans le secteur privé, gérées par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ascendants, descendants… qui est couvert ? L'Assurance maladie obligatoire de base couvre, outre le salarié assujetti, les membres de sa famille qui sont à sa charge, à condition qu'ils ne soient pas bénéficiaires à titre personnel d'une assurance de même nature. Il s'agit du ou des conjoints de l'assuré, des enfants à sa charge âgés de 21 ans au plus. La limite d'âge est prorogée jusqu'à 26 ans pour les enfants non mariés poursuivant des études supérieures. Sont considérés comme personnes prises en charge sans limite d'âge, les enfants de l'assuré atteints d'un handicap physique ou mental et les enfants qui sont dans l'impossibilité totale, permanente et définitive de se livrer à une activité rémunérée. Qu'est-ce qui est pris en charge ? Si, à la CNOPS, les assurés bénéficient d'une prise en charge globale, la CNSS ne remboursera pas les soins ambulatoires. Le panier pour les salariés du privé contient le suivi de la maternité, le suivi total de l'enfant de moins de 12 ans, le suivi des affections longues et coûteuses (ALC) et des affections de longue durée (ALD) ainsi que les hospitalisations. Les maladies antérieures à l'inscription à l'AMO sont-elles prises charge ? C'est le point qui est le plus souvent souligné par les organismes gestionnaires de l'AMO pour se différencier des compagnies privées. Une maladie antérieure à l'inscription à l'AMO est prise en charge. Où trouver un dossier, et quels types de dossiers ? Les organismes gestionnaires mettent à la disposition de leurs assurés cinq types de formulaires qui se différencient seulement par le logo CNOPS ou CNSS. Les cinq formulaires sont la feuille de soins maladie, la feuille de soins dentaires, la feuille de soins ALD, le dossier d'ouverture de droit dans le cas d'une maladie de longue durée et un imprimé de prise en charge liant le prestataire de soins aux organismes gestionnaires. Les formulaires sont disponibles dans les agences de la CNSS, les mutuelles, chez les praticiens et dans les entreprises. Auprès de qui dépose-t-on les dossiers de maladie ? Les bénéficiaires relevant du secteur privé devront déposer leurs dossiers auprès des agences de la CNSS. Le dépôt se fera sur place ou par voie postale. La CNSS a mis en place au niveau de son siège central une unité de réception des dossiers envoyés par voie postale. Pour les assurés de la CNOPS, les dossiers sont déposés auprès des mutuelles. Quel est le taux de remboursement de l'AMO ? Le remboursement se fera, par la CNSS, à hauteur de 70 % si le patient se dirige vers une clinique privée, et à hauteur de 90 %, si les soins sont dispensés par un hôpital public. Pour les assurés auprès de la CNOPS, le taux de remboursement ne change pas. Il est de 90 % pour toutes les prestations de soins et de 100 % en cas d'hospitalisation ainsi que pour les ALD et les ALC. Y a-t-il un plafond de remboursement ? Le déplafonnement des remboursements est, avec l'antériorité de la maladie, l'un des deux points forts de l'AMO par rapport à la couverture proposée par les assureurs privés. La loi 65.00 portant code de l'AMO ne prévoit donc pas de plafond pour le remboursement. Dans quel délai se fera le remboursement des prestations ? La loi prévoit un délai maximum de trois mois pour le remboursement des frais médicaux aux assurés ou pour l'obtention de la prise en charge. Elle prévoit également un délai de remboursement de six mois pour le prestataire de soins en cas de tiers payant. Cependant, la CNSS s'est engagée à ramener ses délais de remboursement à 30 jours pour les assurés et à 60 jours pour les prestataires de soins. Est-il possible de combiner une assurance privée et l'AMO ? Il est possible de contracter une assurance privée en tant que couverture complémentaire puisque l'AMO est le régime de base obligatoire. L'AMO étant une assurance dommage, il est interdit, selon le Code de l'assurance, de couvrir le même risque par deux polices d'assurance différentes. Un assuré couvert par l'AMO peut contracter une assurance privée pour les soins ambulatoires et les soins dentaires qui ne sont pas pris en charge par le régime obligatoire. Est-il trop tard pour qu'une entreprise privée s'inscrive à l'AMO ? Selon la loi 65-00, les entreprises devaient s'inscrire avant le 17 septembre 2005 à l'AMO. Pour toutes les entreprises qui ne l'ont pas fait à cette date, l'affiliation est faite d'office. A signaler que toute nouvelle entreprise est d'office inscrite à l'AMO. A.B.