Les scénarios sont finalisés. Ils seront discutés avec les partenaires sociaux à partir du 17 novembre. La première phase de l'AMO s'étalera sur cinq ans, avec des prestations limitées pour les salariés du privé. 1,6 million d'entre eux, non encore couverts, rejoindront ensuite le système. Dernière ligne droite pour la mise en place de l'Assurance maladie obligatoire (AMO). Après une ultime réunion, le 5 novembre, de la commission ministérielle chargée de la mise en œuvre de l'AMO, les scénarios ont été finalisés. Ils seront transmis aux partenaires sociaux ce vendredi 12 novembre et les discussions à ce sujet démarreront le mercredi 17 novembre. La Vie éco a pu recueillir l'essentiel de ce qui a été décidé. L'AMO sera gérée, faut-il le rappeler, par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) pour les salariés du secteur privé, d'une part, et, par la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), pour les fonctionnaires d'autre part. Pour le secteur privé, la finalisation des aspects techniques du nouveau régime a été plutôt complexe et difficile. Six scénarios de mécanismes de fonctionnement (panier de soins, taux de remboursement, taux de cotisation) de l'assurance maladie obligatoire ont été proposés à Driss Jettou. De ces scénarios, un seul a été retenu. Lors des discussions pour la détermination des mécanismes techniques de l'AMO, les techniciens ont, selon une source proche du dossier, mis l'accent sur la faiblesse des revenus des salariés. En effet, le dernier rapport d'activité de la CNSS indique que 40% des cotisants au régime perçoivent un salaire inférieur au Smig. Un handicap de taille pour la fixation des taux de cotisation. Le taux de cotisation pour les salariés du secteur privé variera entre 3 et 5%. Un taux qui dépendra de la quote-part que devraient respectivement payer employeur et employé et sur laquelle les négociations avec les syndicats s'annoncent ardues. 350 000 adhérents potentiels sur lesquels on compte dans cinq ans En revanche, ce que l'on sait avec certitude aujourd'hui, c'est que le système n'offrira pas de couverture totale lors de son entrée en vigueur. Au cours des cinq premières années, seules les pathologies lourdes (une vingtaine de gros risques : cancer, sida, diabète, hépatite, maladies cardiovasculaires, pulmonaires, hémodialyse…) seront prises en charge pour les affiliés, aussi bien en matière d'hospitalisation que de frais de pharmacie. Cela veut dire que les «soins ambulatoires», petites maladies et leur corollaire d'achats courants de médicaments seront exclus de l'AMO. N'en bénéficieront que les populations vulnérables comme certaines catégories de femmes et d'enfants. Pourquoi cette limitation? Tout simplement en raison de la faiblesse des moyens de l'Etat. Selon l'article 114 de la loi 65-00 relative à l'AMO, le régime s'étendra à toutes les personnes qui ne sont pas actuellement couvertes. Soit environ 1,6 million de salariés du secteur privé. Les 350 000 autres disposant déjà d'une couverture maladie auprès des assurances et mutuelles privées, auront la possibilité de pouvoir continuer à bénéficier de leur ancien système pendant cinq ans, ou de se mettre sous le régime de l'AMO et de négocier avec leur assureur un complément de couverture, notamment pour les soins ambulatoires. C'est ce délai de transition de 5 ans qui explique que, dans une première phase, l'AMO offrira des avantages limités. En effet, les 350 000 personnes déjà couvertes ayant des salaires élevés (60% de la masse salariale déclarée à la CNSS), le choix qui leur est donné de ne pas rejoindre l'AMO prive le système d'une manne de cotisations. 78 000 nouveaux retraités pour la CNOPS Au bout de cinq ans, donc, et en fonction du nombre de nouveaux adhérents, l'AMO, dotée de ressources plus importantes, pourra offrir plus de prestations,notamment le remboursement des fameux soins ambulatoires. Question basique : qu'est-ce qui inciterait un salarié globalement couvert par une assurance privée à se tourner vers une AMO aux services limités ? Deux atouts de taille pour cette dernière, en comparaison du système offert par le privé : primo, le remboursement est déplafonné, cela veut dire qu'il n'y a pas de limite à la dépense inhérente à une maladie quelconque. Secundo, l'antériorité de la maladie est prise en compte, ce qui implique qu'un diabétique ou un hépatique qui rejoindront le système se verront rembourser leurs frais. Quid alors du taux de remboursement offert par l'AMO ? Il sera discuté au cours des jours à venir. La fourchette prévue est de 70% à 90%. Pour le secteur public, en revanche, les choses sont plus simples. Environ 2,5 millions d'adhérents bénéficient d'une large couverture médicale auprès de la CNOPS. L'apport de l'AMO, dans ce cas, sera double : l'extension de la couverture médicale à environ 207 000 personnes, comprenant les fonctionnaires qui n'étaient pas couverts et 78 000 retraités (le système étant facultatif). Ces nouveaux retraités adhérents posent toutefois un problème. Combien paieront-ils ? L'Etat, en sa qualité d'ancien employeur, devra-t-il mettre la main à la poche ? Actuellement, la cotisation à la CNOPS est de l'ordre de 4% prise en charge à part égale par l'employeur et l'employé (2% chacun). Le scénario retenu dans le cadre de l'AMO est de conserver ce taux, mais il faudra, selon une source proche du dossier, «trouver une solution équitable pour le paiement de la cotisation car les retraités représentent actuellement 10% des bénéficiaires de la CNOPS et consomment 30% de son budget. Avec l'adhésion des 78 000 nouveaux retraités, les charges seront plus lourdes.» Aujourd'hui, la CNOPS assure un taux de remboursement, frais de soins et hospitalisation, de 90% (quand le patient est soigné dans une clinique privée) et de 100% lorsqu'il se dirige vers les CHU, hôpitaux publics ou l'hôpital militaire. Pour le panier des soins, la CNOPS prend en charge 31 gros risques auxquels il faut ajouter toutes les nouvelles pathologies comme le sida ou l'hépatite C. Globalement donc, pour les salariés du public, le système, déjà généreux, restera inchangé.