Les managers de proximité sont ceux qui relaient les politiques et les process RH. La DRH a tout intérêt à former et à sensibiliser les managers opérationnels sur la dimension RH de leurs responsabilites. Face à la confrontation d'enjeux majeurs, le management d'aujourd'hui et de demain devra être plus collaboratif et orienté vers une logique de coopération ouverte à tous les départements de l'entreprise, même aux collaborateurs sans aucun pouvoir hiérarchique. Chakib Benazzouz, ex-DRH dans de grandes organisations nationales et internationales et actuellement consultant RH, explique l'évolution du système de management des RH et le rôle du manager de proximité. – L'environnement de l'entreprise change. Le système de management doit aussi évoluer, si ce n'est pas déjà le cas. Comment analysez-vous la situation ? Aujourd'hui, les entreprises et les organisations de manière générale sont confrontées à des défis majeurs : – Une complexité grandissante de l'environnement externe (le marché) et interne (les Hommes) ; – Les impératifs de performance voire de survie (n'est-ce pas le premier critère de performance ?) dans un environnement marqué par une crise économique qui dure et perdure depuis 2008 ; – Une pression interne liée à la diversité des profils en présence : les anciens et les nouveaux, les jeunes et les seniors, montée en puissance de la génération Y, voire Z, avec des attentes et des relations à l'organisation souvent très différentes. Ce sont autant de défis et d'enjeux qui exigent des organisations de repenser leurs modes de gouvernance et de fonctionnement. Les bonnes vieilles organisations pyramidales, centralisées et fonctionnant en silos ont fait leur temps. Les organisations performantes sont aujourd'hui celles qui ont réussi leur mue: transversalisation des structures, reengineering des processus opérationnels, conforter localement et donner les moyens aux managers de proximité qui gèrent au jour le jour leurs troupes... Dans ce schéma, le manager de proximité est une ressource clé : il sert de relais et de courroie de transmission à la Direction, il déploie localement les politiques de l'organisation, notamment son volet RH, il porte et transmet la vision et les valeurs de l'entreprise à ses équipes, il dépasse et outrepasse son statut de chef hiérarchique formel tel que décrit dans sa fiche de fonction, il renforce l'engagement et la mobilisation des équipes. C'est véritablement le coach et le leader local qui écoute, mobilise, conseille ses collaborateurs et qui les fait grandir. C'est une posture qui le légitime auprès de ses équipes et qui en fait un leader reconnu. – Les entreprises leur laissent-elles le soin de jouer pleinement ce rôle ? Je ne pense pas qu'elles aient un autre choix, du moins pour les entreprises qui se sont inscrites résolument dans une démarche de conduite du changement telles que décrite auparavant. Plus que cela, ces entreprises sont devenues aujourd'hui de plus en plus exigeantes à l'égard des managers opérationnels par rapport à ce rôle, mais cela suppose évidemment des préalables : y clarification des rôles des uns et des autres, direction, notamment la DRH et managers opérationnels : la première établit les politiques et process RH, le manager de proximité les relayant localement ; y formation des managers de proximité aux fondamentaux de la fonction RH : fixation des objectifs, entretien annuel d'appréciation, communication inter-personnelle, coaching des équipes, gestion des conflits... – Le manager de proximité doit donc être impliqué dans tous les processus RH… Evidemment, la fonction RH est par essence une responsabilité partagée entre la DRH qui, comme souligné auparavant, établit les politiques RH et met à la disposition des managers opérationnels les outils et process nécessaires à une gestion optimisée des RH et les managers de proximité qui relaient ces politiques et ces process. Les managers de proximité participent à l'ensemble des processus RH : le recrutement où leur avis est incontournable, la fixation des objectifs des collaborateurs, la détection des besoins en formation des collaborateurs, l'évaluation des collaborateurs, les propositions de promotion et d'évolution de carrières... Cela veut dire que la DRH a tout intérêt à former et à sensibiliser les managers opérationnels à la dimension RH de leurs responsabilités sous peine de se retrouver entre une DRH qui «pond ses bonnes pratiques RH dans sa tour d'ivoire au siège» et des relais totalement déconnectés des recommandations de la DRH. Ce qui, in fine, est de nature à totalement décrédibiliser la fonction et sa dépositaire la DRH. – Qu'est-ce qui fait que certaines entreprises arrivent à s'en sortir ? Aujourd'hui, il est devenu patent et presque banal de dire que la performance du management des ressources humaines est un facteur clé de succès et de création de valeur. Dès lors, les entreprises performantes ont, depuis un certain temps déjà, inscrit cette assertion dans leur politique générale et leur mode de gouvernance. Dans ce cadre , cela devient une exigence pour les managers à qui on intègre cette dimension dans leurs objectifs principaux et sur lesquels ils sont évalués. Je vous livre l'exemple d'une entreprise industrielle multi site avec quelques usines à travers le Royaume. 80% des responsabilités découlant de la fiche de fonction du directeur d'usine sont dédiées au management, notamment RH : premier relais et contact des partenaires sociaux, responsabilité du climat social, communication interne et relais de la DG, en plus des autres volets classiques de la fonction RH (recrutement, formation, évaluation…) La dimension RH impacte ainsi fortement l'évaluation du directeur d'usine. Un autre exemple : une autre filiale d'une multinationale a initié un programme intitulé «Talent Factory ou usine de talents» dans lequel la détection et le développement des talents et hauts potentiels fait partie intégrante des objectifs de toutes ses filiales à travers le monde. Chaque filiale et chaque Direction doit assurer annuellement un quota de talents à détecter et à développer car ce sont ces talents qui seront le meilleur gage de la réussite de l'entreprise. Là, on est en plein partage de la fonction RH.