A fin octobre, seulement 20 000 motos étaient en conformité avec les nouveaux textes relatifs à l'immatriculation. Compte tenu de l'importance de la fraude sur la puissance déclarée, les compagnies tireront un grand profit des redressements n La régularisation équivaut à la souscription d'un nouveau contrat. L'opération d'immatriculation des deux roues avance timidement. Selon l'Association des importateurs de motocycles (AIM), le nombre de titres de propriété délivrés à fin octobre par les centres de visite technique aux propriétaires de nouvelles motos (achetées après le 20 mai 2015) ne dépasse pas le millier. Parmi ceux qui étaient en circulation avant le 20 mai, date d'entrée en vigueur des arrêtés ministériels sur l'immatriculation des engins à deux roues et des triporteurs, moins de 20000 sont en règle. Vu que la date limite était fixée au 1er juillet 2015 pour les seconds et au 1er juillet 2016 pour les premiers et que le parc en circulation totalise environ 1,5 million deux roues, il est sûr qu'un gros retard est déjà enregistré. Pour le moment, les régularisations concernent principalement les mobylettes et les petites motos de moins de 50cc. «Les propriétaires de ce type d'engins savent qu'ils n'ont rien à se reprocher», souligne un responsable d'un centre à Casablanca. Par contre, ceux qui ont triché sur la puissance hésitent encore, sachant qu'une fois passé le stade de la visite, ils devront régulariser leur situation auprès des services des mines. Pour les professionnels, qui se battent depuis des années pour structurer leur secteur, cette situation interpelle, du moment que c'est justement cette deuxième catégorie qui est ciblée par le nouveau dispositif. Les responsables de l'AIM sont réservés quant à l'avancement de l'opération d'immatriculation, en réaffirmant que plus de 70% du parc continue de circuler en toute illégalité. «Pour apprécier l'ampleur du phénomène, il suffit de regarder les chiffres des importations des engins de plus de 50 cc sur les deux dernières années», explique un opérateur. En tout, 103 000 unités de plus de 50 cc et 56 400 de moins de 50 cc avaient été dédouanées en 2013. Il y en avait respectivement 151 000 et moins de 30 400 en 2014. A l'en croire, plusieurs importateurs des deux-roues de la Chine, de l'Inde, du Cambodge et de la Corée du Sud avaient pris l'habitude de sous-déclarer systématiquement la puissance des motos. En plus des économies sur les droits de douane, ils permettaient indirectement à leurs clients de se soustraire à l'obligation de détenir un permis de conduire et de minorer la prime d'assurance. Eh bien ce ne sera plus le cas ! Du moins, c'est ce qu'espère une bonne partie des importateurs structurés. Ils estiment que si l'opération de régularisation du parc en circulation n'avance pas comme ils le souhaitent, la loi aura au moins eu le mérite de réguler les importations. En effet, depuis le 20 mai, l'homologation est systématique pour les nouvelles mises en circulation. Résultat : l'importation des cylindrées de plus de 50 cc est orientée à la baisse pour la première fois depuis des années, selon des professionnels. Les contrats sont désormais établis sur la base de spécifications techniques précises et officielles Le nouveau dispositif met également de l'ordre dans les relations entre compagnies d'assurances et assurés. Dorénavant, il existe un document officiel (titre de propriété) et crédible permettant d'évaluer le vrai risque. Par le passé, «les compagnies savaient qu'il y avait bien de la fraude sur les spécifications techniques et que leur prime s'en trouvait minorée, mais ils n'y pouvaient rien, exactement comme les agents de police», explique un directeur de l'assurance non-vie d'une compagnie. Pour l'ensemble des assureurs sondés, les courtiers et bureaux directs exigent, pour les mises en circulation à partir du 20 mai, le titre de propriété délivré par le centre de visite technique du lieu de résidence du propriétaire. Tout autre document présumant la propriété du véhicule n'est plus recevable. «Pour le parc roulant, nous informons les propriétaires des cyclomoteurs des récentes évolutions réglementaires, et ce, à l'occasion du renouvellement ou de la souscription du contrat d'assurance», informe le directeur. Sur le plan commercial, les assurances vont sans doute faire de bonnes affaires. Les présumés fraudeurs sont en effet obligés de régulariser leur police avant le 31 juillet 2016. Ils devront ainsi s'acquitter de la différence entre la prime payée et le réellement dû selon la sous-classe de l'engin. Actuellement, les assureurs proposent uniquement la garantie RC pour six types de cyclomoteurs recensés au Maroc avec un minimum de 602 DH et un maximum de 2 216 DH. «Les autres garanties comme le vol ou la garantie des personnes transportées ne sont pas proposées en raison du risque très élevé que présente la moto», informe un assureur. La nouvelle réglementation est prise en compte dans le système d'information des compagnies Sur le plan pratique, l'assuré est tenu de souscrire une nouvelle police à l'occasion du changement des spécifications techniques figurant sur le nouveau titre de propriété. Les assureurs ont déjà paramétré leur système d'information de manière à prendre en compte le changement de réglementation et considèrent la régularisation comme un nouveau contrat. Par exemple, le client qui migre de la classe 2 (moins 50 cc), dont la prime est de 1 217 DH, à la classe 3 (entre 50 cc et 125 cc), dont la prime est de 1 581 DH, à six mois de l'échéance du contrat initial, devra débourser 182 DH, soit la différence entre 790 DH (1 581/2) et 608 DH (1 217/2). Cela dit, la majorité des assureurs estime que le potentiel de redressement réside dans les migrations des cyclomoteurs de la classe 1 (moins de 50 cc et moins de 60 km/h) à la classe 2 (moins de 50 cc mais plus de 60 km/h). De l'avis des spécialistes, ce mouvement sera phénoménal vu la configuration actuelle du marché. Idem pour le passage de la classe 2 à la classe 3 (entre 50 et 125 cc). D'après les estimations recoupées des opérateurs, le volume total des primes résultant des corrections de contrats pèse entre 600 et 900 MDH. Les compagnies d'assurance ont décidé, pour des raisons objectives, de soumettre les triporteurs aux mêmes conditions de souscription que les nouvelles mises en circulation, à compter du 1er janvier 2016.